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Fountains of Wayne – Interview

FOUNTAINS OF WAYNE

Propulsés en haut des charts américains avec leur hit "Stacy’s Mom", programmés aux Festins d’Aden (du 3 au 6 mars prochain à Paris), logés dans un quatre étoiles de la butte Montmartre lors d’une courte tournée promotionnelle, pas de doute, les Fountains of Wayne sont en haut de l’affiche. Par une froide matinée de janvier, les deux compositeurs du groupe, Adam Schlesinger (bassiste) et Chris Collingwood (chanteur), nous reçoivent dans leur chambre d’hôtel. Tous deux sont fort polis. Adam est le plus bavard. Chris a la voix enrouée. Le room service apporte du café et des mini-croissants.

Adam, tendant la corbeille de viennoiseries : Vous en voulez ?

Non, non, merci. Il y a une très belle chanson, sur cet album, qui s’appelle Hackensack. C’est la complainte d’un type qui s’ennuie dans son bled d’Hackensack et qui repense à son ancienne petite amie qui est devenue une star de ciné. Hackensack existe-t-elle en vrai ?
Adam : Oui, c’est une petite banlieue de la classe moyenne, dans les environs de New York. J’ai grandi près de cet endroit.

Vous avez des amis là-bas qui regardent votre succès avec la même nostalgie que le type de la chanson ?
Chris : Pas vraiment. On échange de temps en temps des mails avec des anciens gars de la fac sur notre site web. Des anciens copains de classe qui nous ont vu sur MTV… Mais ils ne sont pas frustrés. Vous savez, nous ne sommes pas si connus ! On ne vit pas à Hollywood mais plutôt dans le bus en ce moment, vous voyez ? (le groupe sort d’une tournée aux Etats-Unis, Ndlr)

Avez-vous une chanson préférée sur cet album assez varié ?
Adam : Pas vraiment. L’idée sur cet album était de créer différents styles, différentes ambiances. Du rock, des balades, des sonorités seventies…
Chris : Moi j’aime bien "Hey Julie"…
Adam : … qu’on joue en acoustique en concert. (Se tournant vers Chris, l’air soucieux) Il faudrait d’ailleurs qu’on change la set list en rentrant aux States. On a tendance à jouer toujours les mêmes chansons en concert, un peu par paresse. Il faudrait qu’on teste certaines de ces chansons qu’on n’a jouées qu’en studio.

Ça vous froisse si on vous qualifie de groupe powerpop ?
Adam : J’aime un tas de groupes qui font de la powerpop, mais c’est un terme un peu réducteur. Ça sonne vieux, maintenant, alors qu’on essaie d’être frais.

Frais dans la forme mais ironique sur le fond. Vos paroles sont assez sarcastiques.
Adam : C’est le contraste entre le son et les paroles qui rend une chanson intéressante. Par exemple, "Fire Island" parle d’ados qui font la bringue pendant que leurs parents sont partis en vacances. Mais on la joue très lentement, comme une balade. C’est beaucoup plus intéressant que de la jouer genre : "Waow ! C’est la fête !"

Comment écrivez-vous ?
Chris : Séparément. Au début, on écrivait parfois en commun mais depuis que nous habitons dans des villes différentes, on compose chacun dans notre coin. Généralement, les chansons sont quasiment achevées lorsqu’on se les présente l’un à l’autre. Je n’ai jamais compris le système du gars qui apporte la musique et l’autre, les paroles. U2, Pearl jam, un tas de groupes font comme ça, pourtant.
Adam : Moi, je pense que je pourrais mettre une musique sur des paroles qui ne sont pas de moi. Mais quand tu as l’idée des paroles et la mélodie qui va avec, c’est un sentiment bien meilleur ! Du coup, on compose tout nous même et quand on se voit, chacun émet des commentaires sur la chanson de l’autre, des petites idées, mais pas plus.

On entend peu de synthés sur cet album…
Adam : Il y a pleins de synthés sur cet album ! Des vieux trucs des années 80 ou d’autres qui ont un son très seventies, comme sur "Halley’s Waitress".
Chris, prenant la défense de l’interviewer : Il y beaucoup de synthés qu’on n’entend pas vraiment. Ils offrent plutôt une texture, une ambiance de fond.
Adam : C’est vrai qu’on sonne comme un groupe à guitares. Sur "Sink to the Bottom", sur le premier album, on avait utilisé un vieux clavier qui faisait "ti ti ti ti ti", mais ça restait une chanson à guitares. On rajoute toujours des petites éléments de claviers, des parties d’orchestrations par-dessus la base guitare/basse.

Un jour, Blur en a eu assez de la britpop et s’est tourné vers une pop plus ouverte, avec des éléments de world music. Pensez-vous que vous aussi, un jour, vous lasserez de la powerpop ?
Adam : La partie la plus intéressante, c’est la composition. Peu importe quels instruments tu utilises après, c’est la mélodie qui compte. J’aime Blur et Radiohead mais à force d’expérimenter, leurs chansons perdent leur simplicité et leur force mélodlique. Quand ça tourne au prog-rock, sans accroche, pfff… C’est tellement facile d’entrer dans un studio et de faire quelque chose qui ressemble à de la musique. Les technologies actuelles le permettent. Mais tu ne peux pas prétendre écrire comme ça une chanson qui tienne avec une vraie structure et une mélodie.

Comment expliquez-vous le succès de certains grands grands groupes par rapport au vôtre, plus modeste ?
Adam : Les gens s’identifient à eux. On n’a pas de chanson de stade, on raconte juste des petites histoires. On essaie d’éviter d’agiter des drapeaux sur scène, de brandir nos poings en l’air… Bref, tout ce qu’on attend d’un groupe de rock, on ne sait pas le faire !

Que pensez-vous de ces groupes, comme les Strokes, les Vines, les White Stripes, qui soignent vraiment leur look et leur attitude ?
Chris : Ce sont des bons groupes mais on ne fait pas la même chose. On ne s’amène pas sur scène avec une bouteille de whisky à la main. Les Red Stripes…
Adam, le coupant : les "White" Stripes !
Chris : les White Stripes ou ce que vous voulez. Ils s’habillent en rouge quand même ! Tout ce que je connais d’eux, c’est leur image. Une tentative de créer une image à travers leur musique.

Mais le rock, c’est un peu du théâtre, pas seulement de la musique.
Chris : Oui, David Bowie ou Iggy Pop faisaient du théâtre et c’était génial. Mais tout le monde n’a pas leur talent. Nous, on n’a pas d’image ou, en tous cas, on ne travaille pas dessus.

Vous sentez-vous isolés parmi les groupes de la nouvelle génération ?
Adam : On est plus vieux qu’eux et on est plus tournés vers le songwriting, la composition. Les gens qu’on admire sont des songwriters : Brian Wilson, les Beatles, Randy Newman, Paul Simon. Ces gens-là sont plus reconnus pour leurs chansons que pour leur talent de guitaristes.
Chris : Concernant les euh… White Stripes, on pourra dire ce qu’ils ont vraiment apporté dans vingt ans.
Adam, réfléchissant à haute voix : C’est marrant, quand même, un concert de rock. Les gens s’attendent à être transportés, à ressentir des émotions fortes, ils veulent qu’on leur serve un peu de cliché rock. Et pour nous, c’est un vrai combat ! Sur notre dernière tournée, on a joué dans une grande salle de basket flambant neuve. Comme on était le premier groupe à jouer dedans, on s’est dit que pour son baptême du feu, on devait montrer tous les clichés d’un groupe de rock. Alors sur scène, on a fait : "on vous entend pas sur la gauche ! Et vous au milieu ?! etc…" Et puis au bout d’un moment, assez de toutes ces conneries !
Chris : Chaque fois que j’ai voulu faire des trucs comme ça, ça a a tourné au désastre. Une fois, à Berlin, j’ai voulu donner un coup de pied dans la batterie mais je suis tombé et j’ai fini avec une jambe cassée et deux côtes brisées ! Une autre fois, j’ai déchiré mon pantalon.

Qu’avez-vous écouté et aimé en 2003 ?
Adam : On a bien aimé le dernier Grandaddy. Moi, j’aime beaucoup le dernier Spoon, "Kill the Moonlight", mais il est sorti en 2002…
Chris : Le "So Much For The City" des Thrills. J’aime aussi le dernier Belle & Sebastian. Aucune chanson ne se ressemble sur leur dernier album.

Que vous souhaiter pour 2004 ?
Adam : Une tournée réussie. Le problème, c’est qu’on arrive jamais à composer en tournée. On a des idées qui viennent, mais on ne peut pas les travailler correctement.
Chris, tentant une sortie intellectuelle : Jules Shear a dit : "le meilleur endroit pour composer une chanson, c’est dans sa tête".
Adam : En 2004, je dois aussi travailler avec Ivy (le projet parallèle d’Adam, Ndlr). La moitié de l’album est déjà écrite. Mais avec la tournée, je ne sais pas si j’aurai le temps de finir l’autre moitié cette année.

2004, c’est aussi le retour de Morrissey.
Adam : Ah bon, il va sortir un nouvel album ? On est des grands fans des Smiths, surtout quand on était à la fac. Ils étaient géniaux. Ils avaient beau travailler de façon double, l’un apportant les mélodies, l’autre les paroles, ça fonctionnait car il y avait une réelle harmonie. C’était drôle, brillant. Je me souviens qu’une fois, dans les années 1980, Peter Buck de REM a déclaré qu’il trouvait que toutes les chansons des Smiths se ressemblaient. Venant de Peter Buck, c’était très drôle !

Il plaisantait ?
Adam : Non, je ne crois pas, mais il a dû entendre toujours la même chanson  en boucle!
Chris : Ce qui est bizarre car c’est un ami de Johnny Marr. Mais je crois que c’est un type un peu étrange, Peter Buck.
Adam, plongé dans ses souvenirs : Il y avait un autre groupe qu’on adorait, c’était Aztec Camera. On avait assisté à un de leurs concerts, vers 1983, et on avait réussi à aller en coulisses pour rencontrer Roddy Frame. On ne cessait de lui répéter combien on aimait son travail. Et à chaque fois, il nous répondait avec un tel accent qu’on ne comprenait rien du tout. "Quoi, qu’est-ce que vous dîtes ? Comment ?" Et puis au bout d’un moment, on a fini par comprendre qu’il voulait dire : "je dois y aller maintenant" !

Vous avez fait des musiques pour la pub et des séries télé (Adam Schlesinger a même été nominé aux Oscars pour la musique de "That Thing You Do"). Vous êtes-vous déjà servi d’extraits de ce genre de travail pour les Fountains of Wayne ?
Adam : Non ! Notre manager m’a souvent demandé si je pouvais utiliser ce que je faisais dans la pub pour le groupe mais ça ne marche pas comme ça. C’est comme si on sortait deux phrases d’un de tes articles et qu’on te demandait d’en faire un roman.
Chris, perfide : Il fait probablement ça tout le temps !

Vexé, l’interviewer met fin à l’entretien et s’éclipse.

Propos recueillis par Vincent Noyoux

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