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Festivals

Rock en Seine 2011

La 9ème édition du festival, marquée par un élargissement du parc (comprenant une quatrième scène), une augmentation du nombre d’artistes (plus de 60), et propulsée par des têtes d’affiches rassembleuses (Foo Fighters, en habitués du lieu, Arctic Monkeys), plutôt inattendues (Archive), ou un peu dépassées par le gigantisme (The Kills), commence sous des auspices pluvieux, et avec des groupes assez anecdotiques, avant que les choses sérieuses ne démarrent le deuxième jour. Malgré une météo franchement capricieuse qui n’aura laissé tranquille le public que le dimanche, le seul jour qui n’était pas complet, cette nouvelle édition est une réussite en termes d’organisation et de fréquentation (plus de 108 000 spectateurs se sont pressés sur les pelouses clodoaldiennes). Pour ce qui est du plaisir esthétique, il fallait sans doute aller chercher en dehors de la grande scène de quoi satisfaire son désir : pas mal de confirmations (The Horrors, Anna Calvi, Lykke Li, Wu Lyf, Fránçois & the Atlas Mountains), de jolies demi-teintes (Blonde Redhead), un gros capital sympathie bizarrement réparti (Sexy Sushi, CSS, Seasick Steve ou B.A.D. pour nous, Foo Fighters pour le public) mais des déceptions (The Kills, The Streets), peu de franches révélations (Austra ou Funeral Party doivent confirmer) et une grosse plantade même pas drôle (The La’s). Compte-rendu de trois jours contrastés.

Vendredi 26 août

Débarqué un peu au hasard, à l’heure où la masse des festivaliers venue pour les Foo Fighters (le prix du T-shirt le plus porté, avant ceux de Joy Division et des Kills) ne s’est pas encore présentée, je fais un crochet pour assister, un peu médusé un peu amusé, à l’assaut sonique des Écossais de Biffy Clyro, tout en guitares grunge mordantes, et refrains aérés dans un style parfois rock-FM surprenant. Drôle de schizophrénie masculin/féminin, redoublée visuellement par ses deux leaders, en pantalon rose ou mauve, avec barbes hirsutes et torse-poils un rien exhib’, sans parler du batteur en short. Un petit crochet par la nouvelle scène, un peu en hauteur, au-delà de la grande cascade, en contrebas d’un bâtiment classé : bonne sonorisaton, parterre bizarre avec un morceau de pente peu praticable. Peu importe : pour l’heure, c’est le vétéran Seasick Steve qui donne une leçon de blues-rock et de country assez pure, invitant sur scène – le malin – une jolie festivalière arrachée à son petit ami ou carrément Alison Mosshart des Kills, venue sagement s’asseoir à ses côtés, afin d’emballer le set. Sympathique donc. (DL)

De mon côté, Rock en Seine commence par les assauts de Odd Future que je subis quelques minutes avec David. Cahots vagues, survets flashy, rien de notable ; on raconte qu’un rappeur en fauteuil roulant surgit parfois en milieu de show et électrise la scène – enfin d’ordinaire. Là, on n’aura droit qu’à une jambe plâtrée. Bien bête, mais nous fuyons jusqu’à la scène de la Cascade où nous attendent quelques amis. Manque de pot, s’y trouve aussi Herman Düne. Un ami justement se met à casser du sucre sur le dos d’Herman, pourvoyeur en soupe pop-folk de la plus basse eau. On est d’abord choqué – « Tell Me Something I Don’t Know », le morceau d’entame, est tout mignon – et on passe le restant du concert à discuter de choses et d’autres, se rendant bien compte qu’Herman Düne fournit un idéal fond d’ambiance à nostalgie basse consommation. Avouons qu’en temps de festival, nous sommes très influençables. On nous a dit un peu plus tôt que The Feeling Of Love était du chic-saturé prouteux et plutôt que de vérifier par nous mêmes – la nouvelle scène Pression Live (merci le sponsoring) est fort éloignée de notre point de chute – nous restons avec le boy-scout Herman Düne sans joie ni souffrance majeure. (CD)

De là séparation et mouvement sans grande conviction vers la grande scène pour CSS, groupe dont la discographie crypto-Kitsuné me laisse assez froid. Et là, révélation, nous dansons tout le long du set des Brésiliens (j’inclus une partie du public). Lovefoxxx, la chanteuse potelée, arbore une curieuse tenue bicolore constituée d’éléments disparates qu’elle enlève à mesure que la chaleur monte (un jabot rose, une cape noire et un mini-short en jean qu’elle garde jusqu’au bout, ouf !) Aucune chanson n’est réellement inoubliable mais les deux-trois tubes (« Alala », « Let’s Make Love… ») sont présents à l’appel et le tout est rendu avec une énergie très plaisante. Ajoutons que la guitariste prend des polaroïds de la foule en plein morceau genre « trop contente d’être là ! ». Encore sympathique. (CD)

Funeral Party a délivré un set aérodynamique et efficace, mais peu signifiant : on peut dire qu’entre The Rapture, Vampire Weekend et des influences un peu plus hard-core (Black Flag ou At the Drive-in), le groupe a puisé pas mal. Le chanteur, un peu gouape angelino, à la voix écorchée et mal remise d’excès, est aussi horripilant (un « fuck » tous les trois mots) qu’énergique, les morceaux atteignent parfois leur but dansant (« New York City Moves to the Sound of L.A. », très bien), mais on attendra plus de maturité pour se prononcer. (DL)

The Kills (à la télé)

Réunion de David et moi-même pour notre dépucelage killsien. En effet, nous n’avons jamais vu les Kills live et nous avons mal fait. Ayant longtemps capitalisé sur la tension sexuelle et le minimalisme DIY, le duo glamour-rock se trouve logiquement perdu sur une scène gigantesque qui souligne la quasi-nertie de leur musique. L’accueil est tellement glacial qu’aucun plan de coupe sur la foule ne vient interrompre le filmage du show qui met en avant le principal jeu de scène du groupe – le secouage de cheveux d’Alison Mosshart, qui me rappelle Laura Betti en brune, tandis que Jamie Hince ressemble à George Dyer, l’amant suicidé de Francis Bacon. On s’ennuie tellement qu’on en est réduits à ces comparaisons. Rien n’est vraiment mauvais, mais rien n’est franchement bon, non plus. L’ajout de deux choristes noires ne dynamise rien, mais distrait un peu. Elles partent vite. The Kills est devenu un produit générique, et sa molécule a été rincée à la Javel. Que penser d’un groupe qui fait sciemment l’impasse en concert sur ses deux meilleurs morceaux : « Cheap and Cheerful » et « Cat Claw » ? Pas trop de bien. (CD)

Big Audio Dynamite

Groupe ayant marqué les 80’s par sa fusion alors pionnière de gros riffs rock, d’électro et de sons « roots » jamaïcains ou africains, Big Audio Dynamite semble aujourd’hui largement dépassé par ses héritiers spirituels, Gorillaz en tête. D’où un come-back sans grand enjeu, et après tout tant mieux : longtemps brouillés, Mick Jones (sévèrement dégarni, mais toujours fringant une guitare entre les mains), Don Letts et leurs potes semblent simplement heureux de fouler une scène, même modeste à l’aune du festival. Si un chèque plus ou moins gros n’est sans doute pas étranger à ce retour que personne ne réclamait vraiment, les quinquas font un peu plus que de la figuration, balançant même un inédit fort digne entre deux classiques. B.A.D. : plutôt « good », donc. (VA)

La fleur au fusil nous partons, fine équipe, découvrir General Elektriks. Coiffures excentriques (iroquois, coupe afro) plus habillage coloré en Lee Cooper vintage, le groupe assène une originalité seventies qui échappera aux seuls daltoniens. Musicalement, c’est plutôt Money Mark meets Starsky et Hutch. En gros, du délayage groove à grosses giclures de claviers. RV Salters est un leader à voix de petit garçon sage. Il joue du piano debout mais pour nous, ça ne veut pas dire grand-chose. Au fond, General Elektriks est au funk ce que Herman Düne est au folk americana. Une pochade boy-scout fantasmée de fort loin. Les solos qui se multiplient nous lâchent en route (et le tube « Raid on the Radio » n’y peut rien). Nous quittons l’arène à la recherche de nourriture de synthèse pendant que nous accompagne une musique de même engeance. Parvenus un peu loin, nous croyons reconnaître à l’oreille « Sweet Dreams » en version lounge de supérette – une bande post-concert ? Un coup d’oeil sur l’écran géant nous oblige à considérer l’atroce réalité : le show des General Elektriks n’est pas fini, et Dieu sait les merveilles qu’il recèle encore. (CD)

C’est l’hallali qu’on sonne et nous battons le rappel jusqu’à la sortie VIP (dont nous ne sommes qu’un ersatz lyophilisé, faut-il le rappeler ?). Les Foo Fighters accostent sur scène, et nous leur donnons la chance aux chansons. Plusieurs remarques :
– la dose de Foo Fighters que tolère notre organisme est de vingt minutes, pas plus. Après, c’est l’emballement (nausées, bourdonnements, désir de meurtre) et le début de la fin.
– Dave Grohl, bûcheron sympa à destin Sissi, est fort honnête avec son public (il jouera deux heures) et son groupe les clients rêvés pour juger de la pertinence auditive d’une sono de stade (leur son est très très puissant).
– Personnellement, le succès de ce groupe me laisse rêveur ; après avoir officié dans un parangon de nihilisme trash-punk, Dave Grohl balance du hard-rock même pas vintage à des foules d’adolescents de tous âges, décidément bien peu regardants. Ce déni de jeunesse maudite est un revirement assez beurk, un peu comme si Rocco Siffredi se mettait à tailler des pipes dans ses films.
– Grohl communique à son public en hurlant comme s’ils étaient tous sourds (ce qui ne va pas tarder), débiles ou les deux. Au cinquième cri primal amplifié jusqu’à Passy, notre sang ne fait qu’un tour, par ici la sortie. (CD)

En toute fin de soirée, pendant que les beats de Paul Kalkbrenner font danser les festivaliers de la scène de la Cascade, Death in Vegas, en formation large, et sous conditions hostiles (pluie, spectateurs hésitant à rester ou partir) tente de faire revivre son électro-rock sombre et habité. Le set expose peu les individualités (on met du temps avant de repérer Richard Fearless), les morceaux sont parfois proposés en version plus dansante (« Dirge » en particulier), mais la pesanteur atmosphérique, menaçante, de cette musique, à l’unisson de la pluie, fait toujours son effet. (DL)

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