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Festivals

Rock en Seine, Saint-Cloud, du 24 au 26 août 2018

Edition 2018 mitigée pour Rock en Seine, qui n’a pas le plein, loin de là (90 000 spectateurs sur les trois jours selon les organisateurs, contre 110 000 en 2017). Le festival francilien a quand même réservé quelques beaux moments, qui pour nous ne furent pas associés aux têtes d’affiche PNL, Thirty Seconds to Mars ou Macklemore. Voici ce qu’on en a vu et, souvent, aimé.

Vendredi 24 août

First Aid Kit 

Mon [Mickaël, NDLR] début de festival a un goût suédois avec First Aid Kit, le duo formé par les deux soeurs Söderberg, qui ne semblent pas le moins du monde perturbées par le public encore clairsemé. Avec un trio solide de musiciens expérimentés derrière elles (claviers, batterie, slide guitar), elles déroulent un set absolument charmant, alternant les passages franchement country/americana avec quelques incursions un peu plus rock – pas forcément ce qui leur sied le mieux, d’ailleurs. First Aid Kit fait le job, le fait bien, avec les harmonies des deux soeurs, des mélodies au poil (“Rebel Heart” pour commencer le set, “Emmylou”, “Stay Gold” ou la reprise de “Running Up That Hill” de Kate Bush) et une énergie qui les honore. Une bien agréable entrée en matière, donc.

Peu connaisseur de l’oeuvre de Dirty Projectors, je tente néanmoins l’enchaînement mais je reste hélas en dehors du set de Dave Longstreth, malgré (ou à cause d’) une inventivité de chaque instant. Je me note de prendre le temps de découvrir tranquillement l’œuvre de la formation et bouge vers The Orielles, trio anglais tout à fait sympathique à défaut d’être très surprenant et original. Pop indé qui n’exclut pas quelques moments plus post-punk ou psyché, ou en tout cas éloignés du format “3 minutes”, la musique de cette jeune formation rassemblant deux soeurs et leur meilleur pote fait passer un bon moment pendant 45 minutes pied au plancher.

The Liminanas

La pause du dîner offrira une transition nécessaire avant le concert de The Limiñanas (et avant cela un petit détour par Nick Murphy aka Chet Faker, peu convaincant). La formation de Perpignan enchaîne les dates et festivals pour entretenir la flamme de son dernier album “Shadow People”, paru à l’automne et largement acclamé. Désormais septette sur scène, The Limiñanas déroule un set bien rodé mais joué avec ferveur, classe et humour, franchement jouissif pour tout dire (d’autant plus qu’à l’autre bout du site s’excite Die Antwoord). Avec trois, voire quatre guitares moulinant du riff basique ou partant dans des délires free, et la frappe solide de Marie, on n’est pas loin de la transe. L’expérience est certes similaire au concert de la Route du rock une semaine plus tôt (dixit Vincent), si ce n’est qu’ici Anton Newcombe cède sa place à Emmanuelle Seigner pour “Shadow People” – on recroisera l’actrice un peu plus tard au resto de l’espace VIP, aux côtés d’un certain Roman P. Le clou de ce spectacle électrique reste toutefois la présence d’un “danseur” en fond de scène, en costard, qui commence et finit assis sur un large fauteuil qui surplombe les musiciens : une touche décalée dans un concert par ailleurs parfaitement exécuté.

 La soirée se terminera pour nous au son des très teigneux Gothking (mais la scène Île-de-France n’est vraiment pas le lieu idoine, avec un son à la peine) et de quelques notes de Parcels. Très enthousiastes, les Australiens séduisent un public jeune qui goûte sans doute le côté électro et dansant de leur musique. Pourtant, le son, clair, propre, sans saturation ni “gonflette”, rappelle plutôt celui de la fin des années 70 : Hall & Oates, Steely Dan, Fleetwood Mac, voire Bee Gees ou Chic. Dommage que leurs chansons, aussi soignées et agréables fussent-elles, ne soient pas aussi mémorables que celles de leurs glorieux aînés.

On finira par 10 minutes de PNL, après… près de 25 minutes d’attente, et on n’a pas grand-chose à en dire, ni en bien, ni en mal.

Samedi 25 août

Le programme de cette seconde journée semblait plus prometteur sur le papier. Si l’on [Mickaël et Vincent, NDLR] arrive sur le site sur le coup de 15h30 pour Theo Lawrence & the Hearts, on a toutefois été devancés par les jeunes fans de Thirty Seconds to Mars qui clôturera (sans nous) la soirée (qu’est-ce que l’on ne ferait pas pour Jared Leto…). Revenons plutôt à notre jeune Gentiléen et à son groupe, qui viennent de sortir leur premier album “Homemade Lemonade”, un titre qui semble tout à fait approprié. Le groupe déroule en effet une bien plaisante soul, une limonade avec juste ce qu’il faut de sucre et d’arômes pour être sirotée avec plaisir, et comme son leader est charmant et très heureux d’être là (il s’émerveillera de la taille de la scène “plus grande que tous nos apparts réunis”), on se dit que ce samedi commence sous les meilleurs auspices.

Cigarettes After Sex

Après une courte pause, nous sommes de retour pour entendre Cigarettes After Sex, dont la présence sur la grande scène à 17h a de quoi intriguer tant la musique de la formation de Greg Gonzalez semble taillée pour l’intime et la nuit. Pourtant, l’exécution de ces chansons vaporeuses, sans bavures mais pas sans âme, suscite notre adhésion. Leur beauté diaphane survit au son survitaminé, et leurs arpèges nous plongent dans une douce torpeur. Si tout sonne un peu pareil – c’est la limite de ce groupe –, quelques titres sortent néanmoins du lot, comme les inévitables “Each Time You Fall in Love”, “K.” ou bien sûr “Apocalypse”.

Anna Calvi ReS2018

On est contents de retrouver ensuite Anna Calvi, pas vue sur scène depuis quelques temps. L’imminent prochain album semble annoncer un changement de direction, qui se traduit déjà par une nouvelle coupe de cheveux, noir corbeau. Les quelques morceaux inédits disséminés dans le court set s’intègrent harmonieusement à l’ensemble, l’Anglaise étant d’ailleurs – nous semble-t-il – toujours accompagnée des deux mêmes excellents musiciens. Ceux-ci sont davantage que de simples faire-valoir, même si c’est évidemment elle qui attire la lumière grâce à une voix et à un jeu de guitare toujours exceptionnels. Reste, comme souvent avec elle, une légère impression de froideur, que la taille de la scène ne contribue évidemment pas à atténuer. Elle nous laissera sur une version tétanisante du “Ghost Rider” de Suicide, qu’elle avait enregistré avant la mort d’Alan Vega pour un excellent EP de reprises, et qui sonne aujourd’hui comme un hommage au New-Yorkais.

Sur la grande scène, les hyperprolifiques Australiens de King Gizzard & the Lizzard Wizard (cinq albums l’an dernier !) livrent un concert nettement moins corseté que ceux de leurs compatriotes Parcels la veille. Deux batteries, de l’harmonica, des guitares dans tous les sens, pour un beau chaos maîtrisé à la Hawkwind mêlant psychédélisme, prog, stoner et heavy metal (grosse influence à en juger par les T-shirts portés par l’un des guitaristes). Bon esprit.

Sur la scène du Bosquet, les Insecure Men de Saul Adamczewski jouent à huit et pas forcément à jeun leur pop glam/exotica déglinguée, qui pourrait être vicieuse si elle n’était pas au fond aussi candide. Sur le côté gauche, Lias Saoudi, chanteur de Fat White Family, n’en perd pas une miette.

On ne verra que la fin de la prestation de Black Star, en regrettant un peu de ne pas avoir été là depuis le début. Vingt ans jour pour jour après la sortie de l’album collaboratif du même nom, Mos Def et Talib Kweli, accompagnés d’une dizaine de musiciens (dont une large section de cuivres), venaient rappeler que le rap pouvaient être aussi une histoire d’inspiration, de flow, de culture musicale et d’intelligence. Merci à eux.

Liam Gallagher

Parmi les rares mots adressés au public par Liam Gallagher qu’on ait compris (fookin’ accent !), cette vanne (?) sur les loges de Rock en Seine, “qui lui rappelaient quelque chose”. Une certaine bagarre avec son frère en 2009, juste avant un concert qui n’aurait jamais lieu, et qui marqua la fin d’Oasis, peut-être ? Autant dire que les programmateurs ne sont pas rancuniers… Sans surprise, le set d’une grosse heure est composé en grande partie d’extraits des deux premiers albums du groupe, parfois joués en acoustique (“Champagne Supernova”, “Wonderwall”), qui jettent une lumière assez cruelle sur ses quelques chansons solo (ou avec Beady Eye), pourtant pas si nulles. Mais comment rivaliser avec la couillonnerie glorieuse de “Rock’n’roll Star” ou “Cigarettes and Alcohol”, toujours chantées avec la même morgue et les mains dans les poches de la parka près de 25 ans après ? Allez, Noel, arrête de bouder, réconcilie-toi avec ton frangin, et fais avec lui une grande tournée tiroir-caisse, ça t’évitera à toi aussi de devoir jouer tes chansons post-Oasis.

La soirée se termine pour nous avec Fat White Family, qui nous offre une deuxième ration de Saul Adamczewski. Envoyé se faire désintoxiquer par ses camarades excédés, le guitariste et chanteur occasionnel est en effet de retour dans le groupe, au line-up d’ailleurs fluctuant. Moins chaotique que jadis, mais quand même bien barré, le concert est de bonne tenue et aligne tous les “classiques” du groupe, de “I Am Mark E. Smith” (deuxième résurrection d’un chanteur disparu de la soirée, après Anna Calvi/Alan Vega) à “Touch the Leather” en passant par “Whitest Boy on the Beach”. Et si, contre toute attente, Fat White Family était là pour durer ?

 

Dimanche 26 août

On traîne un peu autour de 16h, et on [Mathieu, NDLR] décide de regarder le set de Mashrou’ Leila, un groupe d’indie-pop libanais que l’on découvre aujourd’hui sur scène. L’émotion de jouer avec une telle énergie, plutôt positive, l’efficacité assez pop de chacun des morceaux et un public des plus réceptif à cette musique chantée en arabe feront tomber les quelques réserves que l’on pourrait avoir sur ces compositions que l’on aurait fort probablement trouvées répétitives sur disque. On passe un bon moment devant l’immense sincérité du groupe, preuve qu’une telle chose est encore possible dans un festival comme Rock en Seine.

Le reste de l’équipe de POPnews a préféré l’aérobic avec Confidence Man, encore des Australiens (décidément très présents cette année). Deux musiciens seulement, un batteur et un proposé aux machines, coiffés de chapeaux noirs à voilette qui dissimule leurs visages. Le spectacle est devant, avec deux chanteurs-danseurs (un homme, Sugar Bones, et une femme, Janet Planet) tout en jambes, qui enchaînent les chorégraphies et le tenues très légères avec un professionnalisme teinté d’ironie. On dirait un curieux mélange contre-nature entre l’efficacité bien putassière de l’eurodance des 90’s (ou de la Hi-NRG des 80’s, pour être un peu plus gentil), même s’ils citent plutôt Fatboy Slim, LCD Soundsystem et les Talking Heads comme influences, et l’esprit sardonique et pince-sans-rire de certains morceaux de Bongwater. Efficace et amusant.

On continue sur la grande scène avec Wolf Alice, quatuor anglais porté par la chanteuse et guitariste Ellie Roswell dont le très 90’s “Yuk Foo” avait pourtant tout pour nous plaire. Mais passé trois titres qui nous donnent l’impression d’enchaîner les mêmes riffs, les mêmes changements d’accords, les mêmes poses rebelles, on peine un peu à se passionner pour ce groupe. On découvre que “Silk”, l’un de leur morceau les plus dark, a fini sur la BO de “Trainspotting 2”, preuve s’il en est que ce rock anglais semble perdu dans une époque désormais révolue.

Idles live

On l’avoue, on était venu ce dimanche surtout pour Idles et il faut bien reconnaître qu’en un morceau le groupe de Bristol a su mettre tout le monde d’accord. L’intensité de la section rythmique ne baissera jamais d’un iota de tout le set, le batteur bombarde nos tympans avec la ferveur du mitrailleur en première ligne tandis que le bassiste enchaîne ligne de basse sur ligne de basse promptes à faire saigner nos oreilles. Les deux guitaristes dansent et sautent de partout, rajoutant une bonne dose de larsens à l’ensemble tandis que Joe Talbot se révèle un redoutable frontman, entre colère, rage, sarcasme et onde positive qui feront du groupe l’un des moments les plus efficaces de Rock En Seine. Les tubes “Mother”, “Well Done”, “Divide & Conquer” s’enchaînent pour le bon plaisir des pogoteurs du dimanche, ainsi qu’un “Danny Nedelko” de haute volée issus de leur second album qui sort ces jours-ci. D’ici là on aura le temps d’en reparler. (M.G.)

L’un des trois représentants de POPnews joue la contre-programmation en allant voir Ezra Furman, malheureusement programmé à la même heure, n’arrivant à la scène de la Cascade que pour les 10 dernières minutes du concert de Idles (heureusement spectaculaires). Pas de regrets toutefois, l’Américain ayant moins joué en France dernièrement que les Anglais. Comme prévu, Ezra arrive sur scène avec robe, rouge à lèvres et colliers de perles, et s’affirme au fil du concert comme la plus sincère des drama queens. 

Avec un instrumentarium parmi les plus variés de cette édition (saxo, vibraphone, violoncelle…), il livre face à un premier rang de fans extatiques des interprétations vibrantes, habitées de ses chansons, comme la magnifique “Driving down to LA”. Pas toujours très carré, mais quelle personnalité ! (V.A.)

Jessica93

On nous avait promis Jessica 93 en groupe et finalement point de David Snug à la batterie minimale, Geoffroy Laporte joue seul ce soir, comme à ses débuts. Si vous vous souvenez encore avec émotion de ce concert en juin 2014 à l’Espace B, et bien aujourd’hui c’est presque pareil. Geoffroy reconstruit ses morceaux avec une vieille boîte à rythmes, une guitare et une basse passées au filtre d’un sampler ainsi que plusieurs pédales d’effets, on note une vieille disto, du delay et un gros chorus. Le public épars de Rock en Seine se fait attraper gentiment par la gorge sans jamais vraiment être relâchée par cette ambiance dark qui évoque à la fois Big Black, Nirvana et Cure période “Pornography”. On hoche bien évidemment la tête de plaisir sur la plupart des titres et tout particulièrement sur “Asylum”, qui demeure toujours un imparable tube que ce soit sur disque ou sur scène.

Et ce sera tout pour nous cette année… Concurrencé par de nouveaux rendez-vous franciliens, Rock en Seine va devoir réaffirmer l’an prochain sa position de leader fédérateur, après cette édition en demi-teinte. On attend donc avec curiosité la programmation 2019, dans un paysage festivalier qui d’ici là, aura peut-être évolué.

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