Loading...
Disques

Sunn O))) – Life Metal

Sunn O))) - Life Metal

On pourra dire ce que l’on veut, tout le monde s’accordera là-dessus : cet album est mons-tru-eux. Je ne sais pas s’il réconciliera les extrêmes écartelés entre le métal et l’expérimental (y en a-t-il ?) mais la question gavage de sons est tranchée. Dès les premières minutes d’écoute, et pourtant en mp3, le SON est là. J’ai même fait le test sur une enceinte portative (certes de bonne qualité, Harman Cardon tout de même), c’est sans appel : Sunn O))) est toujours LE monstre sonore de notre époque. Et je ressors une fois de plus la carte Albini puisque l’album fut enregistré dans le Très Saint Electrical Audio mais, il faut bien l’admettre, rien ne vibre autant, rien ne sourd autant et rien ne rend sourd autant que ce Life Metal. Et c’est encore grâce à la touch Albini que les amplis sonnent comme autant de vibrations de l’espace, ce qui est plutôt étonnant dans un album d’où les percussions (atout majeur de l’Electrical Audio) sont quasi absentes. On apprécie. 

Quant au contenu, c’est un retour aux fondamentaux du groupe : la vibration comme étendard, les infrabasses comme couleurs, et une plongée contemplative dans le son du métal avec des riffs qui ne sont plus que l’ombre d’eux-mêmes, (quasi) sans mélodie, (presque) sans progression, sans rien et pourtant plein. Un horizon nihiliste noir charbon et pourtant presque coloré dans ses nuances infinies, vibrantes et immobiles. On pense aux dernières toiles gris sombre de Rothko.

Quand notre duo, amateur de galéjades, explique que Life Metal reprend une private joke anti Death Metal et que l’ami Anderson, devenu papa, voit désormais la vie moins en noir (rose anthracite ?), à l’écoute de cet album, on a envie de ricaner sous cape (voire sous toge). Non, Sunn O))) n’est pas devenu la Bande à Basile et on reste bien dans le drone metal, sacrément black, des débuts. Point de respiration soul (oui…) comme à la fin de « Monoliths & Dimensions » et ses harpes (Alice) Coltraniennes. On reste toujours dans le son et ses résonnances physiques et émotionnelles caractéristiques du genre. Ami popeux, chaste fol, Du, reine Tor, passe ton chemin.

Reste ouvertement symptomatique des clichés du genre le titre « Between Sleipnirs Breaths » et son début grand guignolesque évoquant le cheval à huit pattes d’Odin, symbole psychopompe, doublement adapté et donc hautement approprié au conservatisme propre du genre. Les hennissements finaux, s’ils nous rappellent d’autres cavaliers de l’Apocalypse (de Murnau à Metallica), nous font aussi tendre une oreille vers des souvenirs d’écoute de Manowar (et je ne doute pas une seule seconde que les gros malins d’O’Malley et Anderson, toujours à l’affut d’une bonne blague, ne nous l’infligent à dessein). En tout cas, ces drones sur les voix clairettes-fluettes (seules échappées de voix humaines de l’album) profitent avantageusement de ce contrepoint très inattendu, loin des gutturaux propos (?) habituels du sieur Attila Csihar. C’est pourtant aussi une autre forme de mauvais goût qui n’est jamais éloigné de l’esthétique de Sunn O))). À titre très personnel, ce titre me fait penser à cet épisode aussi hilarant qu’effrayant (j’avais moins de dix ans…) dans lequel Starsky et Hutch étaient aux prises avec une secte satanique. Et s’il m’est arrivé de porter une toge lors d’un concert de Sunn, c’était aussi sans doute pour exorciser ce souvenir-là.

« Troubled Air » erre, lui, entre grésillements, stridences et… tintements de clochettes. Du zen métal si l’on peut dire puisque Sunn O))) fait en quelque sorte, et comme toujours, un ragga ralenti avec des amplis basses et quelques oscillateurs.

« Aurora », tout en vibrations, oppose infrabasses et larsens aigus. On aime particulièrement les soubresauts finaux comme autant de spasmes.

Enfin « Novae », vraiment cosmique en cette période historique de radiographie de Trou Noir, avec des explosions (véritables bursts) riffiennes, de jets de plasma intergalactique donc. Au milieu de ce titre aussi monstrueux qu’une galaxie atypique (après 13mn des 24 que compte le titre tout de même), soudain, une singularité : une accalmie -réelle !- s’installe tandis que du quasi silence (les larsens tout de même) émerge un violoncelle ! On retrouve presque le geste de Messiaen dans le « Quatuor pour la fin du Temps » et, de manière plus directe et musicale, un air de Scelsi, ce creuseur de notes, ou d’Eliane Radigue, pour les ondes de vibrations qui se percutent l’une l’autre. C’est le meilleur moment de l’album. C’est le petit trésor caché au milieu de cette super « Novae ». La création des métaux lourds et précieux s’effectue lors de la fusion d’étoiles à neutrons.  En voilà sans doute une traduction musicale. Réutilisera-t-on la métaphore pour le disque jumeau « Pyroclasts », annoncé comme ”plus méditatif” (wtf!!!), à venir dans l’année ? Réponse cet automne.

« Life Metal » n’évangélisera pas de nouvelles foules mais finira de nous convaincre que la pâte métal est aussi riche d’écoutes actives et/ou flottantes que la scène expérimentale la plus ardue. Et que la toge se porte aussi bien au GRM qu’au Hellfest.

One comment
Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *