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Disques

Tindersticks – The Something Rain

Tindersticks - The Something Rain 

Il n’est jamais bon de redémarrer une histoire d’amour, mais la dernière partie de carrière des Tindersticks nous a trouvés étonnamment d’attaque. Après trois premiers disques sublimes mais bancals, la bande de Stuart Staples avait enchaîné sur un brelan d’albums beaucoup trop mornes et égaux qui avait logiquement entraîné lassitude et mise à l’encan. Quelques années après un break mérité, la nouvelle incarnation des Tindersticks sonna une forme de seconde jeunesse. De l’eau noire ayant coulé sous les ponts, il est temps de considérer « The Hungry Saw » et « Falling Down A Mountain » pour ce qu’ils sont, des disques de convalescence pelotonnés sur leurs acquis, mais avec un peu de jour qui perce à travers les volets clos. « The Something Rain » marche dans cette droite lignée, et cultive de prime abord les écarts qui n’en sont pas. Les beat-boxes aquatiques de « A Night So Still » et « Medicine » décorent des compositions tellement estampillées Staples & Co qu’elles ne créent durablement aucune surprise. Le longuissime et inaugural « Chocolate » joue de la parenté illustrative de sa palette sonore avec les musiques que le groupe a signées pour les films de Claire Denis, mais le spoken-word de David Boulter se complaît dans le neutre – ce qui aura pour principal avantage de rendre vraiment surprenante la chute sexuelle très osée (notons toutefois qu’avec peu ou prou les mêmes instruments, le « Decade » de Steven Brown narré en trois fois moins de temps était infiniment plus évocateur). Il y a néanmoins dans ces fragments de saison pluvieuse de sérieuses raisons de se réjouir : le retour d’une certaine urgence qui se manifeste dans quelques tempos à ressorts qu’on n’aurait pas imaginés à l’époque de « Can Our Love… ». « This Fire Of Autumn » parvient à conjuguer l’hébétude désespérée de Staples avec une rythmique soutenue et le magnifique « Frozen » pose tout simplement au cousin moins glossy de certaines faces B anxiogènes gravées par Pulp à sa grande époque (« Deep Fried In Kelvin », « Streetlites ») : wah-wah, orgue et saxophone réussissent chacun à ne pas tirer la couverture à soi, et à imposer un son spatial et nocturne où l’on se perd de ne pas étreindre (« If I can just hold you, hold you » répété ad libitum). Que les Tindersticks aient autant malmené leur nature pour accoucher d’un morceau pareil les porte ailleurs à se reposer avec une certaine aisance sur leur quant-à-soi : soul râpée mais soyeuse (« Show Me Everything » et ses choeurs très Morricone), ballade solarisée à l’orgue (« Come Inside »). Il n’est pas sûr que « The Something Rain » soit une pierre de touche dans la carrière des Tindersticks, mais sa brillance mesurée en fait un bel et bon disque qui devrait assez bien vieillir.

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