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Interviews

Villagers – Interview

Pas du genre à céder à la facilité, Conor O’Brien seul maitre à bord de Villagers a laissé tomber les synthés pour nous offir, avec « Darling Arithmetic », un grand album de pop introspective. Peu avare en parole, il revient en détail sur l’élaboration de ce disque qui restera à coup sûr comme l’un des meilleurs de 2015.

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L’album s’inscrit en rupture par rapport au précédent qui était bercé d’expérimentations et de sonorités électroniques. Pourquoi avoir voulu enregistrer un album s’en démarquant totalement avec “Darling Arithmetic” ?

Pour la première fois de ma carrière, je me suis dit que j’avais envie de réaliser un disque simple avec beaucoup d’espace. Jusqu’à aujourd’hui, j’avais toujours mis beaucoup d’idées dans mes chansons, pour voir jusqu’où je pouvais les emmener. Ça me plaisait d’essayer différentes pistes. C’est en prenant du recul par rapport à ça que je me suis dit “mais pourquoi ne pas juste écrire quelques chansons d’amour et arrêter d’en faire des tonnes”. L’expérience a vraiment été cathartique pour moi.

“Awayland” avait remporté un Meteor Choice Price en Irlande. Il aurait pourtant été tentant de jouer la carte de la sécurité.

Non, car je me sens vraiment incapable de me répéter d’un album à l’autre. Même si je suis plus qu’honoré d’avoir reçu ce prix, l’idée ne m’a même pas traversé l’esprit. J’aime le principe de commencer à travailler sur un album en tant qu’un projet qui te stimule et t’ouvre de nouvelles perspectives de réflexions. Une fois ce stade passé, c’est plus mon coeur et mes tripes qui prennent le relais. “Awayland” était plus une succession de petites histoires imaginaires sur lesquelles j’ai pas mal expérimenté musicalement. C’était une super expérience, mais il fallait que je passe à autre chose après ça. D’où la rupture avec “Darling Arithmetic”, qui est un album aéré et porté sur les émotions.

Tu as joué, enregistré et mixé la totalité du disque. Pourquoi cette décision ?

Ça s’est fait naturellement. J’ai commencé à enregistrer les maquettes tout seul à la maison. Et tout s’est enchaîné. En tout, j’ai passé huit mois à composer et enregistrer. Les chansons sont tellement personnelles que je revenais en permanence sur les détails pour que tout sonne comme je le souhaitais vraiment. Ma voix sonne mieux que sur les albums précédents car le fait d’être seul dans un cadre familier me permettait de chanter d’une façon détendue. La plupart des voix sont issues des démos, donc enregistrées à un moment où je n’aurais jamais imaginé que quelqu’un d’autre que moi les entendent. On était loin de toute forme de pression liée aux prises en studio. Il aurait été impossible d’obtenir le même résultat.

Y a t-il beaucoup de chansons non utilisées issues de ces sessions ?

Il en reste trois ou quatre. Elles commençaient à me prendre trop de temps. A force de les triturer dans tous les sens pour trouver des pistes intéressantes, le résultat ne sonnait pas cohérent avec les autres chansons qui étaient beaucoup plus dépouillées. Mais attention, j’aime beaucoup ces quelques titres écartés, je les utiliserais certainement pour un autre album.

 

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Comment as tu vécu cet enregistrement en solo ?

J’ai traversé plusieurs phases. Parfois, pendant plusieurs semaines, tout se déroulait parfaitement, les idées s’enchaînaient, j’arrivais à les concrétiser telles que je les avais en tête. C’était vraiment incroyable et inespéré. Puis suivait une semaine de galère totale, à être frustré par une chanson qui ne fonctionnait pas, à me demander si cet album était une bonne idée. Étant livré à moi même j’ai du aller chercher les réponses à ces doutes au plus profond de moi. C’est dans ces moments de réflexions que j’ai trouvé les meilleurs textes de chansons. De cette introspection découlait une rigueur qui m’a forcé à trouver les mots justes. De ces problèmes découlait de la créativité. C’est pourquoi les chansons sont très directes et intimes. Je ne sais pas comment l’exprimer sans paraître prétentieux, mais pour la première fois, des gens vont pouvoir s’identifier à mes paroles.

Les albums avec des chansons aussi dépouillées sont un énorme pari. Il est souvent difficile pour l’auditeur de ne pas se lasser au bout de quelques chansons. Pourtant, la magie opère du début à la fin de “Darling Arithletic”. Comment expliques-tu une telle réussite ?

(Visiblement touché) Merci beaucoup. Si tu as une bonne mélodie, si tes chansons sont bien structurées, avec une mélodie qui te transporte et des paroles auxquelles tu peux t’identifier et qui déclenchent des émotions, tu n’as pas besoin de gonfler tes morceaux artificiellement. C’était très important pour moi d’essayer de m’approcher d’un tel résultat. J’y ai travaillé très dur. J’ai essayé de faire en sorte que, même pour les paroles les plus personnelles, chacun puisse s’identifier à des émotions qu’il a lui-même ressenties. L’une des raisons pour lesquelles l’album est aussi court et dépouillé, c’est pour amener l’auditeur jusqu’au bout du disque avec moi.

Les mélodies sont une nouvelle fois superbes et très soignées. Quels artistes sont des références pour toi en ce domaine ?

Plus spécifiquement, pour cet album ce sont “Revolver” et “Sergent Pepper’s” des Beatles, “First Take” de Roberta Flack et plus particulièrement la chanson “The First Time I Ever Saw Your Face”. Je suis allé voir Martha Reeves and the Vandellas à Dublin pendant l’enregistrement du disque. Je ne savais pas qu’ils tournaient encore et j’ai été bluffé par la structure et les mélodies de leurs chansons. Je suis rentré du concert vraiment inspiré et avec la conviction de travailler sur des mélodies les plus simples et dépouillées possibles. Le côté légèrement country du disque est dû au fait que j’écoutais aussi pas mal de Dusty Springfield et de Everly Brothers pendant une période.

 

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Tes textes sont à nouveau très personnels. Est ce un besoin pour toi de te dévoiler autant dans tes chansons ? N’as tu jamais été tenté par une approche différente des textes ?

Ce n’est pas vraiment un besoin. C’est le premier disque sur lequel je parle de moi à la première personne du début jusqu’à la fin. En soi, c’est une nouveauté. Sur les précédents, j’utilisai des métaphores, des personnages féminins, voire des animaux ! (rires). Je suis allé très loin sur ce disque et je ne vois pas comment je vais pouvoir continuer dans cette voix sur le prochain. Il va falloir que je trouve une autre approche.

Le disque a été enregistré dans ton loft à Malahide, ville de bord de mer en Irlande. Ce cadre de vie a-t-il eu une influence sur l’album ?

Énormément. Il a fait très beau pendant la quasi-totalité de l’enregistrement. Les oiseaux se posaient sur le bord de la fenêtre du studio. On les entend d’ailleurs en fond sonore sur certains titres. Si tu tends l’oreille il y a aussi des chiens qui aboient. Quand je faisais une pause, j’allais m’asseoir au pied d’un arbre. Cet environnement m’a vraiment aidé à trouver l’espace nécessaire aux chansons.

Tu affirmes que la musique de John Grant, avec qui tu as joué sur scène, a été une des inspirations du disque. Pourrais-tu nous en dire plus ?

J’ai chanté “Glacier” avec lui en duo lors d’une émission télé enregistrée à Londres. Cette chanson est un chef-d’oeuvre pour moi. J’ai été tellement bouleversé par ce titre lorsqu’on l’a joué que je me suis dit que je voulais essayer de créer ce genre d’émotions avec mon prochain disque. Il s’y livre de façon tellement directe que ça demande beaucoup de courage. C’est vraiment quelqu’un que j’admire profondément.

 

 

Lors de la sortie d’”Awayland”, tu as dis à un journaliste qu’avec ton premier album tu avais le sentiment d’avoir romancé la mélancolie et que tu t’étais servi de ta musique pour te plaindre de ton sort. A tel point que le son de la guitare acoustique t’était devenu insupportable. Tu as visiblement changé d’avis concernant la guitare acoustique ! (rire général)

Quand j’ai commencé à enregistrer “Darling Arithmetic” j’ai pris beaucoup de plaisir à expérimenter avec des synthés. A la même période, j’enregistrai en parallèle de la musique pour un ami à moi qui habite en Hollande et travaille dans un musée. Il m’avait demandé d’enregistrer un titre que les gens écouteraient en regardant un tableau. Il m’a donc envoyé des tableaux pour m’inspirer. Il en est ressorti des morceaux de 15 minutes à la limite du Krautrock, très groovy. J’étais très fier du résultat. Le fait d’avoir mené ces deux projets en parallèle m’a fait prendre conscience que je devais peut-être différencier mon travail. Villagers serait donc axé sur le songwriting, et tout ce qui est plus expérimental, électronique, etc… le sera à l’avenir so us mon propre nom ou celui d’un groupe. Je pense que c’est mieux de clarifier les choses pour ne pas trop perturber mes auditeurs (rires)

A quoi s’attendre pour le successeur de “Darling Arithmetic” ?

J’ai envie d’aller plus loin dans le travail des harmonies. Je vais sans doute travailler sur les différents sons produits par la voix et les mélanger à des cordes.

 

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