Cette seconde collaboration entre l’artiste sonore néerlandais Michel Banabila et le musicien bricoleur français Pierre Bastien est portée par le précieux label allemand Morr Music. Leur musique capiteuse nous convie à un doux voyage hors du temps.
« Il sort de son box puis commence avec moi une longue pérégrination dont, au réveil, j’ai oublié les
divers épisodes et qui n’est peut-être qu’un pendant logique à la déambulation que, dans le rêve,
présupposait la rencontre. » Cet extrait de “Nuits sans nuit et quelques jours sans jour”, l’œuvre
de Michel Leiris dont s’inspire le titre de cet album, exprime en effet très bien ce que ressent
l’auditeur en se plongeant dans ce disque. Nous sommes happés par une fantasmagorie de sons.
Nous sommes désorientés par la superposition de field recordings, de douces nappes de sons
électroniques et de sonorités d’instruments acoustiques joués du bout des doigts ou du bout des
lèvres.
C’est d’ailleurs ainsi qu’a travaillé le duo, sous la forme d’une conversation intuitive et
spontanée. Michel Banabila a tout d’abord envoyé des pistes de sons et d’atmosphères sur lesquelles
Pierre Bastien a enregistré du cornet, de la flûte, du melodica, du log drum, du kalimba ou bien
encore des percussions. Enfin, le tout a été mixé et sculpté par Michel Banabila.
Chaque morceau évoque une marche au clair de lune. La pénombre nous entoure, nos pas sont à
peine guidés par une lumière diffuse. Les bruits de la nuit s’en retrouvent amplifiés et les échos du
monde environnant résonnent jusqu’à nous. “Closing Time: The Party Is Over” rappelle fidèlement
cette sensation lorsque l’on passe devant une très grande et belle maison et qu’une fenêtre entrouverte laisse s’échapper les notes du groupe de jazz qui joue son dernier morceau pour un public enivré par la soirée. Dans “Marche sans fin”, on entend les échos d’une fête foraine d’antan. Pour
“Nuit sans nuit”, c’est la résonance d’une fête débridée dans une banlieue de Kinshasa. “Not in
Our Name”, plus direct, fait office d’exception ; les riffs électroniques, accrocheurs et entêtants, de
Banabila sont progressivement déconstruits par les percussions de Bastien.
Enfin, le titre qui ouvre l’album, “Le Système déraille”, est un magnifique moment de saudade
(sentiment mélancolique mêlé de rêverie et d’un désir de bonheur imprécis). De douces notes d’un
piano étouffé et réverbéré sont accompagnées par des bribes de mélodies jouées à la flûte ou au
cornet qui évoquent autant de souvenirs de joies passées. « Les plus désespérés sont les chants les
plus beaux », nous dit Bastien, citant Musset…
“Nuits sans nuit” est sorti le 30 mai 2025 sur Morr Music.