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Disques

Michel Cloup – Catharsis en pièces détachées

Et voilà Michel Cloup Trio, nouvel appendice monstrueux, véhicule musical de notre ami éternel, adolescent, témoin de notre sénescence en cours et d’un monde en décrépitude. Michel Cloup ne prend pas de gants (de boxe) et nous montre la direction de notre futur, via un majeur bien levé : la lune noire du fascisme qui monte.

Ce n’est ni une révélation ni un scoop, on ne peut pas dire que ça console non plus, mais disons que ça conforte. Et que ça fait du bien d’entendre un peu de vérité, bien baveuse, bien rageuse. Des doutes aussi et une bonne dose d’humour.

Avant de parler des textes, petites merveilles bien sûr, disons tout net que ce nouveau trio avec Julien Rufié et Manon Labry est totalement explosif, un vrai concentré de jeunesse sonique, avec du jus de guitares saturées, de machines tordues, une batterie qui cogne. C’est une mixture épicée et sucrée, amère bien sûr mais qui prend par différents angles : l’efficacité, les textures et un peu partout la surprise, y compris dans les formats entre chansons disons classiques, les vignettes, les grandes envolées à la Bouaziz (Mendelson, Bruit Noir). En ce sens, “Catharsis en pièces détachées” est un monde en soi, avec des petits villages, des agglomérations, des vallées, des terres arides ou des landes (Stihl Loving YouCatharsis). Donc sans doute, une des meilleures réussites musicales de Michel Cloup.

Qui va de pair avec des textes brûlots d’une urgence absolue et totalement jouissifs.

Si au jeu des 7 familles, Michel Cloup est pas loin d’être le grand-père, allez disons l’oncle, du rock français, papy Mougeot ne reste visiblement pas les yeux fixés sur le rétroviseur (Brigitte Fontaine, sans les rimes) et profite aussi de jeunes pousses. Le débit se fait plus énervé, comme chez 1=0 (d’ailleurs on y voit presque une forme de dédicace dans H&M) ou plus rigolard, comme chez Rhume. Mais finalement c’est la proximité avec Pascal Bouaziz qui est la plus significative et jouissive avec ce Pour qui ? Pourquoi ?, 21 minutes au compteur, avec lequel Michel Cloup quitte l’orbite terrestre pour toucher au génie (à moins qu’il ne visite, déjà, l’Ehpad sur Mars). Rien que pour cette chanson, Michel Cloup, déjà au firmament de notre panthéon déglingué, touche au sublime. C’est son Algérie, son 1983 (Barbara). La meilleure chanson sur la figure de l’artiste, la création. Avec une forme autobiographique, fragmentée, avec des tunnels, des revirements, des collages, et une bonne dose d’humour, outre le caméo essentiel de Pascal Bouaziz, le final : « Va préparer à bouffer. Rends-toi utile », qui me parle tant.

On reviendra évidemment, on le sait, souvent vers cette chanson titre, plutôt que vers la chronique médiatico-politique David Goliath et Godzilla. Reste que l’urgence, c’est le début d’une autre fin, proche, 2027 : « regarde de l’extrême centre vers l’extrême droite », « à droite toute !  En route vers le fascisme ! ».

Entre-temps, on aura exploré le petit monde à la Tati en mode déglingué avec Place du Ravelin, Playtime, game over de la génération Z, bu jusqu’à plus soif l’irritant ras-le-bol des R.I.P et évidemment conclu que rien n’est simple dans un monde fracturé, et impossible à appréhender dans sa binarité simplificatrice (Le Poison/L’Antidote) tant vantée par nos chers médias fascisants.

Heureusement, il nous reste les vertus de l’adolescence, voire de l’enfance avec cette comptine salvatrice (à mettre d’urgence dans la tête de nos bambins) que nous proposent Michel et Fredo, de Nonstop, qui sent bon sa Terreur et sa cour d’école de mauvais garnements :

« Manager, Jerrican, Canadair, DRH, H&M, Hachoirs et machettes » sans oublier son ajout final « T’inquiète, T’inquiète, on t’oubliera pas ».

On apprécie aussi de beaux éléments d’écriture qui parcourent l’ouvrage, et reviennent comme un refrain, comme le compagnonnage (Dogbowl et Bouaziz) d’une écriture se pratiquant en semaine, des « T’inquiète » aussi déterminés qu’un peu désabusés, et ce Maria familial, qui ressemble à une extension, voire une ramification de titres provenant de Notre silence, tant dans l’écriture, entre journal intime et projection onirico-symbolique, que dans la lourdeur musicale en forme de pastorale intime.

Entre récit personnel et constats cliniques sur l’époque, Michel Cloup ne choisit pas, ne transige pas et continue de tracer son sillon profond dans une œuvre toujours touchante, toujours prenante et galvanisante, malgré ses doutes, quoi qu’il en dise.

Avec l’aide de Johanna D., prête à sortir la machette contre les Shien.

Catharsis en pièces détachées” est sorti en LP et numérique chez Ici D’Ailleurs/L’autre Distribution/Alter K le 15 novembre 2025.

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