Nous n’avons que trop tardé : il fallait bien que l’on s’arrête un jour sur le cas des Deftones, et la sortie de “Private Music“ est un rendez-vous que l’on se devait de ne pas rater.
L’histoire est déjà connue. Il y a quelques années, il aurait suffi de quelques notes ambient de l’introduction de “White Maggot“ pour piéger le premier parangon de l’indie pop venu qui ne jure que par le 06 de Felt. Une écoute rapide, un verre de trop, et le voilà qui confond les Deftones avec Radiohead. Suivent “Minerva“ et “Headless“, et la personne est perdue : est-ce du shoegaze ? du nu metal ? un remix de Trent Reznor par Kevin Shields ? Une reprise de Slowdive par Deafheaven ? Tout ça à la fois ? Mais reprenons.
Apparus dans la seconde moitié des années 90, avec notamment le succès de “Around the Fur“, les Deftones ont rapidement été associés au nu metal. mariant grosses guitares et phrasé hip-hop, ils font partie de ces groupes qui ont su parfaitement dépeindre les frustrations adolescentes de l’époque. Et pourtant, un titre comme “Be Quiet and Drive (Far Away)“ donne déjà l’impression de s’éloigner des hurlements de Korn ou Limp Bizkit, s’appuyant sur un riff noyé sous une distorsion réverbérée et un chant plutôt mélodieux. Avec le temps, le groupe soigne de plus en plus ses compositions et leur apporte une profondeur bienvenue. La suite leur donnera raison avec “White Pony“ qui rajoute des touches électroniques, post-rock et shoegaze à leur musique. Des expérimentations magnifiées et de plus en plus taillées pour un large public grâce à Terry Date, leur producteur de longue date.
Portés par une solide communauté de fans multigénérationnels, les Deftones sont de retour aujourd’hui avec “Private Music“, dont les premières notes de “My Mind is a Mountain“ sonnent parfois comme un hurlement désespéré enregistré par des fans de cold wave. Ici, chaque power chord est déformée, calcinée, noyée sous une pluie d’effets de guitare. Réverbération, modulation, delay, tout ce que le post-rock a donné à ces musiciens pour transformer cette musique distordue en une sorte de rêve intemporel est ici présent dans un disque qui se révèle absolument captivant de bout en bout.
“Infinite Source“ donne l’impression d’entendre le souffle épique du métal enregistré à travers une série d’effets en prise directe avec la dream pop, tandis que “~Metal Dream“ sonne comme une étrange profession de foi. Le groupe réussit à transcender la lourdeur de sa musique en une étrange mélopée pour auditeurs à demi-conscients, les riffs de guitare 7-cordes donnant étrangement l’impression de s’évaporer devant nous. A la fois une chape de plombe inoxydable et une abstraction hypnotique et planante.
