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Simon Joyner – Interview

Originaire du Nebraska, Simon Joyner est sans aucun doute l’un des songwriters les plus précieux, touchants et singuliers du moment. Depuis presque 10 ans, il mène dans un relatif anonymat une carrière sans compromission. Il a sorti l’année dernière son album le plus abouti à ce jour, « Hotel Lives », et un coffret de reprises. 

Il devenait donc urgent d’aller à sa découverte et de faire le point par mail sur sa carrière, son travail avec la fine fleur des musiciens de Chicago, et son amitié avec Conor Oberst de Bright Eyes…. Une interview où sa passion pour le songwriting apparaît pleinement.

Peux-tu nous en dire plus à propos de « Iffy » et « Umbilical Chords » ? Sur le site de Wee Black Shelf, « Iffy » est décrit comme un cri de colère contre ce que l’Amérique est devenue : es-tu d’accord ? Es-tu toujours en colère quand tu vois la situation aux USA à l’heure actuelle ?

Je ne vois pas ces disques de cette manière. Même lorsque je critiquais des situations sociales, je l’ai toujours fait d’un point de vue très personnel afin que les observations soient plus périphériques que l’histoire racontée. Je n’ai pas écrit de chanson qui soit simplement une diatribe sur une situation politique. « Umbilical chords » était mon premier enregistrement. Il comprend quelques allusions politiques mais c’est en majorité personnel, comme une confession. Je pense que j’ai réalisé assez tôt que je n’avais pas le caractère voulu pour l’action politique ; ce que j’écris dans ce domaine est relativement abstrait… Je pense que l’impulsion artistique est totalement différente de celle qui pousse à l’activisme.
Les meilleurs protest songs que je connaisse sont dans la tradition de « Hard Rains Gonna Fall ». En écoutant ce morceau, tu réalises que l’art de la chanson éclipse le message. C’est si artistiquement vivant que ça finit par produire une recherche sur le langage au lieu de la peur de la bombe atomique. Le message n’est pas très clair mais la chanson vous fait ressentir exactement ce que Dylan aurait voulu que vous ressentiez. C’est nettement plus efficace que « Who Killed Davey Moore » ou « White Boots Marching in a Yellow Land » qui sont plus des comptes rendus des événements et moins artistiques. Je peux t’assurer que Bob Dylan n’avait pas peur de la guerre nucléaire lorsqu’il a écrit cette chanson. Il a dû probablement se taper dans les murs ou se rouler pas terre de satisfaction en voyant ce qu’il était en train de créer. Au final, c’est plus efficace lorsque la politique est secondaire par rapport à l’art. « Have you ever seen the rain » de Creedance Clearwater Revival est un autre bon exemple. C’est à propos des bombes au napalm au Vietnam mais ce n’est pas une confrontation directe. L’utilisation de métaphores est moins directe mais plus évocatrice. Même Woody Guthrie à son sommet plaçait toujours l’art au dessus du message. Il pourrait ne pas être d’accord mais c’est la vérité. L’art de la chanson vient en premier. Dylan l’a appris de Guthrie alors que la majorité des chanteurs folk des années 60 ont suivi Pete Seeger et ont écrit en retour des chansons politiques ennuyeuses, peu originales et inefficaces . Seeger n’a pas saisi cet aspect de la question car je pense qu’il n’avait pas vraiment un tempérament d’artiste. Il était plus un étudiant en chanson.

« Room Temperature » était vraiment dans la tradition des protest songs, de Woody Guthrie à Ed Hamell en passant pas Jonathan Richman…

Je ne sais pas. Je pense que ces chansons parlent des relations humaines, ce qui a toujours été mon objectif. J’ai beaucoup moins envie d’explorer les relations entre les gouvernements et les citoyens. Ces chansons ne sont pas politiques. Elles ont toutes été enregistrées avec juste une guitare et une voix, ce qui sonne comme les disques des songwriters des années 60, je suppose.
Jonathan Richman dans les Modern Lovers chantait sur l’aliénation et les découvertes personnelles et j’estime que ça correspond à ce que je faisais sur ce disque. Je ne pense pas, cependant, qu’il se situe dans la tradition des compositeurs de protests songs, à moins que tu ne parles que de la sonorité.

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