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Disques

Lost for Words

V/A – Lost for words
(Leaf / Chronowax)

V/A - Lost for wordsL’orientation que les musiques électroniques ont prise ces dernières années a sans doute de quoi réjouir : moins tapageuses, moins concentrées sur les effets de son, de strass et de manchettes, moins acharnées à trouver le nouveau gadget clinquant qui épatera pour un temps (de plus en plus court) la galerie, elles se font plus discrètes, plus modestes dans le défrichage, plus reconnaissantes aussi et c’est notamment en se frottant à d’autres genres qu’elles ressortent grandies et affinées : c’est ainsi que se sont récemment distinguées quelques maisons de disques soucieuses d’échanges fructueux entre les traditions musicales, du mariage de la pop gracile et de l’ambient chez Morr à la rencontre de l’électro-rock eighties et des boucles chez Gooom (pour ne citer que deux labels déjà bien en vue). Le non moins prestigieux, mais peut-être encore confidentiel, label Leaf, fondé en Angleterre en 1994, peut se targuer de pousser encore plus loin l’exigence artistique et l’alliance des contraires. Dans la foulée de quelques sorties remarquables en fin d’année dernière (Asa-Chang & Junray, Boom Bip & Doseone ou encore Murcof), il est venu ajouter une pierre à l’édifice avec ce disque sampler, peu cher et assez exhaustif, qui donne l’état des lieux confondant d’un catalogue où l’excellence côtoie l’expérimentation et l’émotion. Excellence, expérimentation, émotion, nous leur en savons gré depuis la parution déjà lointaine (1999 ! ) du premier album de Faultline, Closer colder, et si David Kosten a depuis quitté le navire, le reste de l’équipage, jusque dans ses nouvelles recrues, n’a pas à rougir de son état. A tout seigneur tout honneur, c’est aux brillants Asa-Chang & Junray d’ouvrir le feu, avec le morceau-phare du groupe, « Hana », qui établit avec puissance et simplicité les bases de leur esthétique : des flambées de violons sur lesquelles viennent se déposer les premiers mots japonais qui épousent la rythmique de tablas indiens, bientôt omniprésents (il paraît qu’on peut désormais appeler cela « tabla-over-spoken-word-style », qu’on se le dise). La beauté culmine avec l’étrangeté comme en témoigne encore le second morceau du groupe, « Nigatsu », plus décalé et âpre. Que cette musique puisse précéder sans heurts le hip-hop fureteur et agile de Boom Bip and Doseone en dit assez long sur l’ouverture d’esprit du navire : ces derniers, respectivement producteur et membre de cLouddead, pratiquent une musique proche de l’équipée Antipop ou de Latryx, attachante et racée. Dans un registre électro-ambient plus classique, assez proche des débuts de Faultline, mais avec une maîtrise impressionnante des textures sonores, des loops, du juste dosage entre acoustique (piano, violoncelle) et électronique, les mexicains de Murcof volent par deux fois la vedette au reste de la troupe grâce à deux extraits splendides (« Memoria » et « Mir ») de leur récent LP (« Mortes », paru en décembre). Plus loin, la formation Gorodisch, menée par Stephen Cracknell, vient rappeler avec grâce quelles voies sont ouvertes par le mélange de la guitare acoustique et de l’électronique, et, à défaut de pouvoir entendre leur futur album, on se plaît à rêver d’une rencontre avec les Kings of Convenience. Les Canadiens de Manitoba, quant à eux, pratiquent une electronica subtile, bien rythmée et évolutive, qui peut évoquer par instants les morceaux les plus joyeux d’Aphex Twin (circa « Windowlicker ») ou de Boards of Canada (si, c’est possible) mais ne se réduit jamais à ce patronage. Le reste du catalogue épouse un spectre très large, depuis les recherches rythmiques et tribales de Susumo Yokota jusqu’au morceau titubant de bastringue de A Small Good Thing (« Saloons Dreams ») en passant par l’ambient de 310. Bizarrement, cet éclectisme des formes laisse apercevoir bien des passerelles d’une formation à l’autre (les instruments japonais et indiens se promènent) et, si on garde bien de chercher là la trace d’un esprit Leaf, on ne peut que se féliciter de cette heureuse cohabitation des possibles, comme d’une promesse pour l’avenir, celui du label comme celui des musiques nouvelles.

David

Asa-Chang & Junray : hana
Boom Bip & Doseone : me and people
Murcof : memoria
Susumu Yokota : fairy link
Manitoba : air doom
Murcof : mir
Gorodisch : the killing
A Small Good Thing : saloon dreams (edit)
Asa-Chang & Junray : nigatsu
The Sons Of Silence : the mit out sound
Eardrum : low order (Sofa Surfers rework)
310 : installation linoleum
Eardrum : red eye (live edit)
Susumu yokota : future tiger
Gorodisch : setting sail
Manitoba – Tits & Ass : the great canadian weekend
Boom Bip & Doseone : 21 to 35

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