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Disques

M. Ward – Transistor Radio

M. WARD – Transistor Radio
(Matador / Beggars)

M. WARD - Transistor RadioMatt Ward est un type plutôt discret. Le genre à ne garder de son prénom que l’initiale, à ne jamais montrer sa trombine sur ses pochettes – réalisées par son fidèle comparse John King -, et à jouer les musiciens d’appoint pour ses nombreux amis (Bright Eyes, notamment). Ce qui peut expliquer pourquoi ce trentenaire avenant, célébré par toute la scène indé américaine, reste l’un des secrets les mieux gardés de son pays. Et il est peu probable que son nouvel album, pas franchement taillé pour les charts et les grands festivals d’été, le tire de cette semi-confidentialité dont il semble s’accommoder. "Transistor Radio" plaira en tout cas à ceux qui ont aimé les trois précédents, et particulièrement l’excellent (et excellemment titré) "Transfiguration of Vincent", paru il y a deux ans. Ward s’affirme une fois encore comme un troubadour des temps modernes, revisitant en trois petits quarts d’heure, sur une trame laid-back à dominante acoustique – folk, pour aller vite -, toute l’histoire des musiques d’Amérique. Mais si l’homme semble attaché aux sonorités du passé – le blues, les ballades country avec pedal-steel, le rock’n’roll débraillé à la Jerry Lee Lewis, le boogie woogie… -, il ne sombre jamais dans le pastiche ou l’hommage stérile. Ce qui n’est chez d’autres qu’une langue morte parlée avec application est chez lui une matière foncièrement vivante, vibrante. Pas de chichis ou de fausse patine pour faire croire qu’on écoute un 78-tours poussiéreux, juste une voix à la fois douce et rocailleuse (qui ressemble assez peu à son propriétaire) et un merveilleux jeu de guitare en picking parfaitement mis en valeur par une production économe. Il y a certes de la nostalgie dans ces petites vignettes immédiatement séduisantes (le mirifique "Hi-Fi" vous reste dans la tête dès la première écoute), où M. Ward se remémore ce qu’il écoutait enfant sur le poste de radio familial, mais on y sent aussi et surtout un vrai plaisir de jouer. Plaisir essentiellement solitaire, autarcique (même si Howe Gelb, John Parish ou Vic Chesnutt ont prêté main forte), et pourtant sacrément contagieux. Si Ward est nostalgique de quelque chose, c’est sans doute moins de la musique d’avant-hier elle-même que d’un certain esprit communautaire qui en était à la base (lire à ce sujet "La République invisible" de Greil Marcus). L’hommage rendu dans les notes de pochette aux DJ des radios indépendantes est à entendre dans ce sens-là : l’idéal généreux et désintéressé d’une musique partagée, dans un monde de plus en plus individualiste et segmenté. Le choix des reprises est d’ailleurs éclairant : un titre de "Pet Sounds" dans une version instrumentale, un standard de jazz interprété en son temps par Louis Armstrong ou Lionel Hampton, un classique de la Carter Family et, en clôture, un prélude du "Clavier bien tempéré" d’un certain Jean-Sébastien Bach, revisité à la guitare. Difficile de faire plus éclectique et universel. A sa façon à la fois modeste et érudite, "Transistor Radio" affirme non pas que toutes les musiques se valent, mais qu’on a le droit de les aimer toutes autant. Merci pour la leçon, monsieur Ward.

Vincent Arquillière

You Still Believe in Me
One Life Away
Sweethearts On Parade
Hi-Fi
Fuel for Fire
Four Hours in Washington
Regeneration No. 1
Big Boat
Paul’s Song
Radio Campaign
Here Comes the Sun Again
Deep Dark Well
Oh Take Me Back
I’ll Be Yr Bird
Lullaby + Exile
Well-Tempered Clavier

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