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Nervous Cabaret – Interview

NERVOUS CABARET

Leader charismatique d’un groupe inclassable, Elyas Khan se livre au jeu de l’interview sans chichi ni retenue. Bavard, insatiable, son discours a la richesse de sa musique, et se laisse difficilement contenir par quelque limite que ce soit. Morceaux choisis d’une longue entrevue, avant leur prestation scénique à la Flèche d’Or, ce mardi 28 février.

Sur votre site vous décrivez votre musique avec cette formule : « ecstatic music for savage people ». Qu’est-ce que ça veut dire exactement ?
Oui, c’est une bonne question… C’était il y a quatre ans environ. Tout le monde nous demandait comment on devait décrire notre musique. J’ai essayé d’expliquer ce qui, au plus profond de moi, me touche dans la musique. Quelle que soit la musique en question. Ça peut être les Supremes, que j’écoutais dans le salon de mon oncle quand j’avais six ans ; et il se passait réellement quelque chose. Mais à six ans, je n’étais pas crédible sur le plan intellectuel. C’était une expérience viscérale avant tout. Ça devrait justifier le côté extatique de notre musique. Tout est parti de là. Pour ce qui est de l’âme sauvage… Je me moque bien du degré de civilité qu’une société prétend avoir. Ça signifie beaucoup pour moi parce que mes parents sont Indiens, et pour beaucoup de gens, les Indiens sont des sauvages. Tu es un être humain, tu es un animal. Tu es un putain de chimpanzé dans un costume-cravate, essayant d’être normal, essayant de bien te comporter. La plupart des gens sont élevés dans une optique de comportement à suivre : « fais ci, fais ça, de cette façon, pas comme ça, ce sera plus sûr pour toi… Nous sommes tes parents, nous te demandons de te comporter convenablement… Sinon, tu auras des problèmes. » J’ai eu pas mal de problèmes.

Parce que tu ne te comportais pas bien ?
Dans mon opinion, je me comportais très bien. Dans mon opinion, je suis un homme bien. Dans mon opinion, je suis un homme rationnel. Je recherche la vérité, avec mon vocabulaire limité, avec mon éducation limitée. J’ai grandi à Londres, où les choses ne sont vraiment pas jolies pour ce qui est du racisme, ce genre de choses. Les gens pensent que tu n’es rien parce que tu n’as pas leur culture. Et pourtant, je les aime. J’aime leur langue, j’aime leur culture, mais ils ne m’aiment pas en retour. Ça craint. Je pense que je me suis bien comporté. Mais parfois… j’étais très jeune et je ne pouvais plus supporter cette situation. Je me comportais mieux que n’importe qui en Angleterre. (Rires). Je me comportais mieux que la reine, putain. Jusqu’au jour où je n’ai plus pu le supporter…. Pour en revenir à cette phrase, j’essayais de trouver une formule qui puisse synthétiser tout ça, avec des termes assez forts.

Est-ce que vous voulez que votre auditeur soit sauvage ou plutôt que votre musique le rende sauvage ?
(Rires) Mhh… Non. Non pour les deux. Ecoutez bien… Quand on donne des concerts, les gens dans le public sont vraiment fous. Il y a même eu des gens qui baisaient devant la scène. D’autres qui se battent, qui se disputent, etc. C’est difficile à croire. Mais j’adore ça. Et vous savez pourquoi ? Parce qu’ils sont en lieu sûr. Il ne peut rien leur arriver. Est-ce que pour autant j’ai envie qu’ils agissent comme ça ? Non. Je m’en fous complètement. S’ils veulent être sages, tant mieux. Sinon, tant mieux aussi. Du moment que ce n’est pas dangereux pour moi ou pour eux… Si tu veux te défoncer et te rouler par terre, pas de problème, c’est ta vie. Je ne suis pas là pour juger de quoi que ce soit. Mais je pense que cette idée de « sauvagerie » c’était pour unifier l’idée que je me fais de mon public, ou pour les préparer à ce qui va venir. Peut-être quelque chose de légèrement inconfortable… Où on dévoile les parties intimes. C’est ce qui m’intéresse. La première fois que j’ai vu les Sex Pistols, j’avais dix ans. C’était en direct à la télé anglaise. Mes parents étaient partis, je gardais ma petite sœur. Et là à 18 heures, les Sex Pistols disaient des gros mots en public. Je ne pouvais pas y croire. J’avais dix ans et quelque chose s’est passé à ce moment là. Je me suis dit : « c’est ça que je veux… faire ce que j’ai envie de faire ». Et quand je joue mes chansons aujourd’hui, je me moque que les gens réagissent de telle ou telle façon sur la chanson en question. Qu’il se passe quelque chose et c’est tout.

Justement, à propos de vos performances live, tous les échos qu’on a de vos concerts sont très tranchés. Certains adorent, d’autres détestent, mais tout le monde éprouve quelque chose de très violent. Qu’est-ce qu’il y a de si spécial dans vos concerts ?
(Rires) Tout d’abord, je dois dire que je suis d’accord avec eux. Parfois on est bon, parfois, on merde complètement. Pour les Transmusicales, on était tellement nerveux que le public a dû le sentir. C’était notre seul concert en France et on n’avait pas le droit de le louper. Mais ça nous a mis une telle pression que c’en était presque désagréable. C’est quand je suis rentré à New-York que j’ai réalisé à quel point ce concert allait être important pour nous, pour nos tournées, pour notre avenir en France… Et c’était encore plus terrorisant. Je remercie le ciel que ça se soit bien passé. J’ai lu les chroniques. Mais bon, vous savez quoi ? Ceux qui les ont écrites étaient tous bourrés. Ils ont atterri là par hasard après les Fuggees et ont commencé à écouter le concert en étant complètement saouls. Maintenant, pour ce qui est de nos concerts eux-mêmes, nous sommes un groupe très uni. Nous avons une vraie connexion sur scène. Nous voulons jouer ensemble, quelle que soit la taille du public. Nous prenons littéralement du plaisir et aimons profiter de la situation quand nous sommes sur scène. A mon avis, on donne au public bien plus que l’album lui-même. On joue l’album, et plus que ça. Je suis un être humain, pas une machine. Ça ne m’intéresse pas de jouer exactement ce que les gens peuvent écouter chez eux. Nous avons assez de liberté pour laisser grandir nos chansons.

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