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Disques

Ry Cooder – Chavez Ravine

RY COODER – Chavez Ravine
(Nonesuch / Warner) [site] – acheter ce disque

RY COODER - Chavez RavineTout le monde a son Chavez Ravine – un endroit qui a existé mais ne subsiste plus que dans le souvenir des hommes qui y ont vécu ou y sont passés. Le mien se situe au Pla de Soulcem, merveilleux replat glaciaire ariégeois infesté de marmottes et aujourd’hui noyé sous le lac artificiel d’un barrage EDF. Le jeune Ryland Cooder traînait lui à Palo Verde et La Loma, quartiers ruraux mexicains à un saut de puce de Downtown Los Angeles, dont les habitants furent expulsés à la fin des années 50 pour y construire le stade de base-ball des Dodgers. Angeleno pur sucre, Ry Cooder ne pouvait oublier cet épisode.
Même si sa trajectoire peut sembler erratique (en gros de Captain Beefheart à la salsa cubaine en passant par les Rolling Stones), Ry Cooder a toujours été imprégné de ce désir d’être un passeur de certaines formes musicales vernaculaires. Dans cet album sorti à l’été 2005, il explore l’âme mexicaine et chicano de sa ville natale, les zoot suits, les chaises sous les porches et le parfum de rumba qui flotte dans l’air. Il rappelle ainsi que si tous les habitants de Los Angeles viennent d’ailleurs (et pas seulement de la route 66), cette ville a aussi son passé – et qu’il est riche, coloré et (déjà) bilingue.
Au-delà de la musique somptueuse, c’est une histoire belle et triste qui nous est racontée. Vous y croiserez Leiber et Stoller, des boxeurs amochés, des vieux mexicains qui arpentent le stade en se remémorant l’emplacement de leur maisons sous les lignes du terrain (la bouleversante "3rd Base, Dodger Stadium") et même un extra-terrestre qui joue les Cassandre. Incapable de se mettre en avant, c’est en chef de choeur antique que Ry Cooder guide les musiciens qu’il invite dans ce pétillant jamboree mexicano-cubano-hawaïen. Les plus prestigieux se voient accorder juste assez d’espace pour faire leur numéro et repartir (l’accordéon de Flaco Jimenez sur "Corrido de Boxeo", la trompette de Jon Hassell pour "Don’t Call me Red"). Mais c’est surtout aux stars passées (Lalo Guerrero, Don Tosti) et présentes de la musique cali-mex que Cooder laisse toute la place sur ce disque : impossible de résister à la voix de Juliette Commagere illuminant les huit minutes oniriques et troublantes de "El Ufo Cayo" ou au duo mutin des soeurs Rosella et Ersi Arvizu sur le bravache et désespéré "Ejercito Militar". Conscient du temps qui s’écoule mais sans réelle nostalgie, refusant de juger tout en choisissant son camp, Ry Cooder délivre avec "Chavez Ravine" un manifeste de tolérance, sa vision de Los Angeles, et le plus beau disque de sa carrière. Même les marmottes pyrénéennes le remercient.

Jean-Christophe Mauger

Poor Man’s Shangri-la
Onda Callejera
Don’t Call me Red
Corrido de Boxeo
Muy Fifi
Los Chucos Suaves
Chinito chinito
3 Coll Cats
El Ufo Cayo
It’s Just Work for me
In my Town
Ejercito Militar
Barrio Viejo
3rd Base, Dodger Stadium
Soy Luz y Sombra

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