PERE UBU – Why I Hate Women
(Glitterhouse/ Differ-Ant) [site] – acheter ce disque
Don Van Vliet, sors de ce corps !! Telle fut ma réaction à l’écoute de ce nouvel opus de Pere Ubu, groupe post-punk incontournable qui hante les platines des rockers près de 30 ans. En effet, à l’attaque basse/batterie de "Two Girls (One Bar)" succède cette voix : "In this baaaaaaar, the beer don’t work on me", on est en terrain connu, et il est clair que les disques de Captain Beefheart ont beaucoup tourné sur sa platine, cette voix dézinguée, servant des constructions sonores dérangeantes. Ce qui frappe à l’écoute de "Why I Hate Women", qui succède à "St Arkansas", paru il y a quatre ans, c’est l’incroyable diversité de styles que va exploiter David Thomas : de mid-tempos poisseux ("Babylonian Warehouses") en punk échevelé ("Caroleen"), Pere Ubu explore les rives musicales et crée de ce fait un petit bijou d’originalité.
Ecoutez, pour vous en convaincre, le génial "Love Song", et son atmosphère constituée de tensions et de détente, dans lequel les parties calmes sont perverties par des synthés maniaques (cette politique de terrorisme musical explorée il y a plus de 30 ans par Eno, au sein de Roxy Music puis en solo). A cet égard, on retrouve beaucoup du premier album de Roxy Music dans le travail de David Thomas, à l’exception du registre vocal, bien sûr. Le travail de Keith Moliné à la guitare est admirable, tout en dissonances et expérimentations, avec un son qui n’est pas sans rappeler Robert Fripp.
L’étrangeté de cet album tient également à ses titres : "Caroleen", "My Boyfriend’s Back", "Mona"… ça ne vous rappelle rien ? Des titres dignes de l’uptown Rythm and Blues, du Brill Building, de Phil Spector. Avec des titres pareils, on s’attendait à de la pop radieuse, des timbales et des castagnettes partout. Rien de tout cela ici, seulement des harmonies tordues, des climats sonores lourds… la connection entre ces deux mondes si différents peut se faire par le biais de Brian Wilson, artiste pour qui David Thomas développe une obsession tout avouée. Mais il a davantage retenu les harmonies folles et maniaques de Wilson que la sunshine pop des Beach Boys.
Treizième album de Pere Ubu, et toujours aussi surprenant. Combien de groupes peuvent se targuer de conserver ce pouvoir de surprise sur le monde musical après plus d’un quart de siècle d’existence ?
Frédéric Antona
Two Girls (One Bar)
Babylonian Warehouses
Blue Velvet
Caroleen
Flames Over Nebraska
Love Song
Mona
My Boyfriend’s Back
Stolen Cadillac
Synth Farm
Texas Overture