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Crëvecoeur – Interview

CRËVECOEUR

Le premier album des Français de Crëvecoeur, sobrement intitulé « #1« , est d’ores et déjà l’une des meilleures surprises de cette année. Un disque de rock instrumental mélodieux et inventif, sorte de B.O. d’un film imaginaire. Membre fondateur du trio et compositeur principal, le très prolixe Romain évoque la genèse complexe de ce premier essai, et la difficulté d’imposer en France une musique qui sort un peu des sentiers battus.

Crëvecoeur

Comment le groupe a-t-il commencé ? Comment la formule du trio s’est-elle imposée ? Quel est le background musical de chacun ?
Romain : J’ai formé le groupe en 2003 avec un ami de l’époque. Le but premier était qu’il m’accompagne à la batterie sur mes morceaux. Et puis j’ai rencontré Fanny dans un magasin de disques. On s’est découvert des points communs et une envie d’aller dans le même sens musical, sans vraiment savoir ce que ça serait… Et puis comme je suis un fan de Chet Baker, j’ai tout de suite cherché à inclure de la trompette sur nos morceaux, et Fanny, qui vient du conservatoire, connaissait justement un trompettiste, Luc, qui y était aussi. Très vite, c’est devenu le noyau dur de Crëvecoeur. Ensuite l’ami avec qui j’avais créé le groupe est parti du jour au lendemain, sans que je ne le revoie jamais (le syndrome Brian Wilson) il prenait plus de plaisir à jouer cloîtré dans sa chambre qu’avec nous… Donc on a continué à trois… et voilà. Je suis le seul autodidacte de la bande !

L’album a été enregistré de 2003 à 2006. Pourquoi une période aussi longue ? Concrètement, comment avez-vous procédé : plutôt live en studio, ou au contraire un assemblage de nombreux éléments épars ?
La raison principale, c’est l’argent. 80% du disque a été enregistré en 2003. Ensuite, j’ai cherché à le placer, label, distributeur, éditeur, personne n’en voulait (je conserve d’ailleurs un classeur complet des lettres de refus reçues). Comme nous n’avions pas d’argent et surtout pas de distributeur, il était impossible et inutile de l’autoproduire. Donc, le groupe a sombré dans un stand-by forcé. Puis j’ai trouvé un vrai travail, j’ai mis de côté, et une fois l’argent réuni, je me suis dit que ça serait bien de graver une bonne fois pour toutes cet album, comme pour mettre un point final à cette histoire. Il nous manquait deux morceaux, qu’on a enregistrés à Nancy. J’ai cassé ma tirelire avant Noël, pensant offrir l’album comme cadeau à mes proches. Et puis je suis passé voir Gérard Nguyen de DSA pour mettre en dépôt-vente quelques exemplaires. Il a bien aimé, et voilà, tout s’est enchaîné, label, distributeur… Ce qui, pour moi, était un point final à une aventure est devenu la majuscule d’un chapitre.

Comment composez-vous ? Est-ce que l’un de vous apporte une trame sur laquelle les autres vont broder, ou le processus est-il totalement collectif ?
Je compose les morceaux (bien que je sois le seul à ne pas lire la musique dans le groupe) puis je les apporte en répète et je donne aux autres les sentiments, les intentions, la vision globale. Ensuite, on l’arrange en groupe, on le sculpte. Je suis assez ouvert sur ça, tant que l’idée générale que je voulais donner est respectée, ils font ce qu’ils veulent ! Je ne crois pas à la démocratie dans un groupe musicalement parlant, trop d’avis dispersent la ligne directrice. Il est bon qu’une seule personne ait la décision finale, le « final cut » en quelque sorte. Une fois que tous les ego sont mis de côté, il n’y a plus de problème.

Si on regarde les catégories des Victoires de la musique, vous ne vous inscrivez dans aucune grande tendance actuelle. Vous n’avez pas peur que ça rende votre musique difficile à vendre ?
C’est ce qu’on nous dit tout le temps ! Moi je crois que c’est plus par frilosité, envie de conformisme, qu’une réalité. Et puis on ne se pose pas la question, comme je l’ai dit, pour moi cet album c’était un point final, des cadeaux à faire à mes proches pour Noël… Je ne pensais pas qu’il se retrouverait dans toutes les Fnac de France…

Y avait-il dès le départ une volonté de votre part de faire une musique purement instrumentale ?
Oui, complètement. Et ce pour plusieurs raisons. La première, c’est que je ne voulais pas chanter en français (je chante très mal et je n’ai rien à dire), et puis je trouve ça réducteur, ça veut dire qu’on ne va toucher qu’un public francophone. Ensuite, chanter en anglais, aucun intérêt, c’est pas ma culture, et même si je le parle couramment, je me sens pas légitime de m’exprimer dans cette langue. A travers l’instrumental, je voulais atteindre une certaine « universalité », une musique qui potentiellement peut parler à tout le monde… Et puis musicalement, c’est plus stimulant, ça force à trouver des mélodies au moins aussi fortes qu’une ligne de chant. Je trouve que beaucoup de groupes qui chantent se reposent trop là-dessus, négligent le reste, pensent que la ligne de chant fera tout…

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