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Pascal Comelade – Interview, première partie

Interview, première partie

A peine aura t-on digéré sa copieuse compilation « Monofonicorama Best-Off 1992-2005 » parue au printemps, que Pascal Comelade revient avec un nouveau disque, « La mètode de rocanrol ». Rassurez-vous, le Catalan ne prétend pas donner une quelconque recette pour réussir dans un genre qu’il vénère et auquel il doit tout. Seul avec ses pianos, il poursuit inlassablement sa quête de musique instrumentale entre poésie et bizarrerie. L’occasion était trop belle d’aller lui tendre un micro sous le nez pour faire le point avec lui sur ses trente années de carrière, en levant au passage quelques malentendus. Résultat, plus d’une heure de conversation que nous vous livrons en deux parties.
Dans cette première partie, retour sur ses influences, sa pratique musicale, ses collaborations mais aussi le rock et la BD. Monsieur Comelade, vous avez la parole.

Pascal Comelade

Quelle est votre définition du terme « artiste populaire » ?
Ce que je fabrique, je le dois en grande partie aux musiques que j’ai entendues quand j’étais plus jeune et au contexte dans lequel je les ai entendues. C’est-à-dire la radio, le bal et quelques rarissimes concerts. Je te parle de la fin des années 60 et du début des années 70. C’est une époque où tu peux faire abstraction de la télévision, des émissions spécialisées à la radio, etc. La pratique populaire pour moi, c’est un orchestre de bal qui joue une espèce de panaché du palmarès et des musiques de danse du moment et puis la radio qui représente très peu de choses. C’est-à-dire une ouverture vers la pop musique comme façon de voir le rock. J’ai fait ma culture musicale dans ce contexte-là. Après, ma consommation de disques démarre avec des choses très pop qui virent au rock au milieu des années 70 et qui deviennent plus pointues à la fin des années 70. A partir de là, c’est une recherche personnelle. Je parle de la période où je reçois de la musique. Ce que je fais aujourd’hui est tributaire de cette époque-là.

Est-ce que ce terme « d’art ou d’artiste populaire », comprend un rapport de proximité avec le public ou une certaine façon de faire de la musique ?
Non, c’est une gestion qui appartient au musicien en fonction de sa notoriété. Moi, je fais de la musique instrumentale qui n’appelle pas de mise en représentation du type qui la fait comme s’il s’agissait d’un chanteur ou un groupe. Je suis dans une production de la musique très hors circuit. En période de promo ou de concert, je suis à peu près assimilable à un artiste pop mais en temps normal, je ne suis pas du tout mis en représentation. J’ai commencé à travailler, il y a une trentaine d’années, et je n’ai jamais arrêté. Je ne suis pas en situation de carrière ou de remise en cause de carrière. Le disque n’est pas une étape dans ma vie. C’est un travail en continu. Je me sens beaucoup plus proche d’un interprète de musique classique ou d’un musicien de jazz. Avec ce paradoxe de la promo et de la maison de disque derrière. Je vis une situation de luxe. Je devrais être dans un total anonymat produisant une œuvre qui devrait se suffire à elle-même puisque la finalité c’est l’utilisation de cette musique.

Comment expliquez-vous votre médiatisation alors ?
Le travail de la maison de disques et la pratique de la musique qui est identifiable à un groupe de rock puisque je me produis sur scène avec des musiciens.

Sur la pratique elle-même, tout le monde sait que vous utilisez un mix entre des instruments-jouets et des instruments de lutherie, comment cette formule s’est imposée à vous ?
Ça se passe en plusieurs étapes. Quand j’ai commencé à travailler, j’étais dans l’électronique, tout seul, avec des vieux synthétiseurs et des magnétophones à bandes. Ensuite, j’ai rencontré d’autres musiciens qui venaient pour la plupart du milieu des musiques improvisées et de l’avant-garde. On a eu l’idée de monter un grand orchestre entièrement composé d’instruments-jouets. Le problème qui s’est posé à nous, c’est quelle musique jouer ? Sachant que ces instruments nous offrent des possibilités limitées, on s’est tourné naturellement vers les musiques répétitives. Par contre, dans cette lutherie en bois et en plastique, il y avait les pianos et là, ça devient intéressant puisqu’on trouve des réductions de piano fabriquées par des grandes marques. Je parle de pianos directement jouables à deux mains. Et puis, il y aussi les mini guitares qui sont d’authentiques réductions de grandes marques. Au fil des ans, j’ai développé une pratique de ces instruments en réduction pour mille raisons. J’ai utilisé ces pianos-jouets à partir de 1978 en les mélangeant à de l’électronique. Ensuite, vers 83-85, on n’était que sur les jouets avec un piano et un violon par-ci par-là. Le piano-jouet reste tout au long de mon parcours l’outil prédominant. Ce n’est pas forcément l’instrument soliste, mais il donne une coloration particulière à ce que je fais.

Vous considérez vous comme un compositeur empirique, intuitif ou savant ?
Au fil du temps, j’ai évacué tous ces aspects intellectuels. Longtemps, je me suis pris la tête avec toutes ces histoires. Depuis quatre ou cinq ans, je ne me pose plus de questions, ça m’a permis de lever pas mal de freins. Disons que je me situe entre le bricoleur et l’artisan. Le bricoleur sera le sens péjoratif de l’artisan et l’artisan le stade scientifique du bricolage. Je ne refuse pas la technique, entendons-nous bien, mais je ne m’en sers pas. Finalement, ce n’est pas plus compliqué que ça. Le bricolage ce n’est pas une posture, c’est parce que je ne m’intéresse pas à la technique. J’ai réalisé un jour que la prise de son sans effets était ce qui m’allait le mieux. C’est sans doute une résurgence de la relation que j’ai avec le rock’n roll primitif. Quand je fais de la musique en studio avec des effets, ça devient hygiénique. J’appelle ça de la « musak », de la pure tapisserie sonore.

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