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Happy birthday, Monika! – Deuxième partie

HAPPY BIRTHDAY, MONIKA!

Le label allemand Monika Enterprise fête donc, avec un peu d’avance sur POPnews, ses dix ans d’existence.
Une compilation d’inédits est venue saluer l’événement en janvier dernier, "Monika Bärchen : Songs for Bruno, Knut & Tom". Voilà qui nous donne l’occasion, après l’interview de Gudrun Gut, sa fondatrice, de revenir sur quelques-uns des disques phares du label chroniqués dans ces colonnes année après année. Ce florilège est introduit par les remarques (préférences, souvenirs de collaboration, espoirs) que Gudrun Gut a bien voulu formuler sur son catalogue déjà très riche.

Gudrun Gut : évidemment, il m’est vraiment difficile de choisir le meilleur dans le catalogue de Monika, dans la mesure où j’aime chaque morceau sur chaque disque, sans quoi je ne les aurais tout simplement pas sortis. A Monika, tous les collaborateurs compris, Uta Heller, Dirk Markham, Dörte Fiedler et moi-même, nous mettons toute notre énergie dans la réalisation de chaque single, cela peut être un 7 ou un 10 pouces, ou le premier album d’un artiste, comme Milenasong, notre dernière signature. De nos jours, il est difficile de promouvoir de nouveaux artistes, la récession de l’industrie musicale a apporté un tas de peurs avec elle, de telle sorte que les médias ont nettement tendance à se concentrer sur les noms connus.

Nous sommes très heureux d’avoir sorti le premier album de Figurine, "The Heartfelt", et le dernier album solo de Jimmy Tamborello de DNTEL et Postal Service, sous le nom de James Figurine "Mistake Mistake Mistake Mistake".

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xxxFigurine xxxx xxxxxxxxxxx xxxxxxxxxJames Figurine

Notre projet le plus ambitieux est certainement la série "4 Women no Cry", chacune des quatre artistes venues de villes et de pays différents disposant de 15 à 20 minutes par album. C’est une manière différente d’introduire de nouveaux artistes. Nous travaillons actuellement sur la troisième parution en sélectionnant les artistes à partir de MySpace.

Ensuite, lorsque je vois le développement de Chica Paula (née au Chili, faisant partie d’Oceanclub et connue comme Chica Paula Dj Fame, la seule artiste de Monika avec un background vraiment dance/techno) et de The Folder (de Sun Electric et NSI), sous leur nom Chica and the Folder, je me dis qu’en sortant leur deuxième album, "Under the Balcony", nous avons vraiment fait un pas en avant. Ils font désormais un tas de gigs et leurs concerts live sont une expérience intense dans laquelle on peut comprendre l’importance des racines chiliennes de Paula et apprécier l’extravagance électronique de leur musique dans toute sa complexité et sa profondeur.

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Chica and the Folderxxxx xxxxxxxxxxxxx xxxMichaela Melían

Par ailleurs, je suis vraiment émerveillée par la beauté de la musique de Michaela Melían et fière de produire sa musique sophistiquée, j’aime vraiment les deux albums, "Baden Baden" et maintenant "L.A.". Évidemment, ma fierté n’est pas moins grande d’avoir pu sortir mon propre album, et de le présenter en concert.

Après le choix enthousiaste de la mère poule du label, Gudrun Gut, voici la sélection argumentée de POPnews dans l’ordre chronologique décroissant.

2007

GUDRUN GUT – I Put A Record On
(Monika Enterprise / La Baleine) [site] – acheter ce disque

Gudrun Gut est, avec Ellen Allien, l’autre Berlinette qui compte sur la scène electro allemande. Comme cette dernière avec Bpitch Control, elle est aux commandes d’un label intersidérant, le Monika Enterprise, et officie régulièrement comme travelling-all-over-the-world-dj. Mais elle ajoute aussi à son passif d’avoir participé au premier Einstürzende Neubauten et à son actif d’animer régulièrement sur Radio Eins une émission populaire, Oceanclub Radio, chaudement bercée par sa voix sensuelle. "I Put a Record On" est, aussi étonnant que cela paraisse au regard de sa longue carrière, son premier disque solo, et la seule réponse digne qu’une femme puisse faire au "Hey, Mr Dj, put the record on, I want to dance with my baby" de Madonna ("Music"). A savoir une musique électronique qui sans jamais racoler (voix en retrait, sinon filtrée), sans verser dans le disco-house putassier (ni patins à roulettes ni boule à facettes ni hymne fédérateur), tresse ensemble les fils d’une techno aérienne et minimale et d’une enviable érudition musicale. Tout ici est détournement languide et malin : depuis les trois notes de tango répétées en boucle obsédante sur l’imparable "Move Me", en passant par la reprise de Smog ("Rock Bottom Riser", sur laquelle Uta Heller et Matt Elliott ont prêté leur voix), la techno ambient ("The Land"), le rétrofuturisme goguenard d’un "GirlBoogie 6" avec bribes de voix blues filtrées et rythmiques joliment bancales, et j’en passe. La musique de Gudrun Gut n’offre pas de prises immédiates ni de mélodies accroche-cœurs, elle choisit le plus souvent de s’insinuer dans votre univers, d’une façon un peu reptilienne, silencieusement, en décrivant des anneaux concentriques et en jouant sur une forme de fascination du répétitif. On a le droit de s’y laisser prendre.

David Larre

MILENASONG – Seven Sisters
(Monika Enterprise / La Baleine) – [site] – acheter ce disque

Gudrun Gut : C’est notre dernière signature. Sabrina Milena est originaire de Norvège. Elle a vécu à Berlin, a déménagé à Brighton, et vit maintenant en Australie depuis quelques mois. Elle est tellement désireuse de connaître le monde, la musique et les arts, toujours prête à explorer de nouveaux territoires.

Milenasong nous offre un folk parsemé d’arpèges de banjo, de nappes de synthés, de bruits divers et variés. Et puis, au milieu de cet univers plutôt homogène, la voix caméléon de Sabrina Milena se fait tour à tour douce, plaintive ou plus décidée, se dédouble assez souvent, tremble d’émotion, vient nous visiter comme un spectre traversant les enceintes de la chaîne hi-fi. Entre Berlin et Oslo, la jeune femme – qui est également illustratrice – revendique cela, ainsi que le côté pictural de sa musique : "Je considère le travail par couches, la production, les arrangements et contrastes, comme un défi. La voix reste mon principal instrument." Au final, "Seven Sisters" est un disque plutôt attachant, évoquant aussi bien le travail sur le son de Sparklehorse ou Portishead que la musique des pays de l’Est, le folk torturé de Cat Power ou celui, limpide, de la française Milkymee (qui, elle aussi, est installée dans un pays scandinave) ou encore les dérives sonores de groupes comme Sigur Rós. Un disque exigeant et aérien – un univers clos, également, mais dont les fenêtres semblent ouvertes à 360°.

Christophe Dufeu.

2005

BARBARA MORGENSTERN / ROBERT LIPPOK – Tesri
(Monika Enterprise / La Baleine) – acheter ce disque

Gudrun Gut : C’est naturellement Barbara Morgenstern qui, en un sens, est l’artiste la plus importante du label, dans la mesure où nous avons sorti cinq de ses albums, si on compte les collaborations avec Robert Lippok, l’album "Tesri", plus un DVD. Je pense que l’album "Fjorden" est mon préféré.

Ceux d’entre vous qui connaissent Berlin le savent bien : depuis la chute du mur, cette ville constitue un lieu propice pour délires d’architectes. De la future gare Hauptbahnhof au Sony Center sur Potsdamer Platz en passant par les tuyaux bleus qui traversent Unter Den Linden, cette nouvelle capitale malgré elle fascine par son urbanisme débridé et culotté. En quelque sorte, la scène musicale berlinoise actuelle s’imprègne de cette créativité qui n’a peur de rien et de cette capacité à construire des structures audacieuses et passionnantes.
Après "Falling into Komeit", son chef-d’oeuvre de l’année dernière, Robert Lippok s’est associé à Barbara Morgenstern, pilier du label Monika Enterprise, pour composer "Tesri", nouveau coup de maître. Dès "Please Wake me for Meals", Barbara Morgenstern donne quelques coups de marteau (c’est-à-dire deux énormes notes qui ponctuent tout le morceau) dans l’architecture finement cousue par les petites mains en porcelaine de Robert Lippok. "White Wise Rabbit" est sans doute le titre le plus emblématique de la parfaite complémentarité Morgenstern / Lippok : deux sonorités s’entrelacent pendant 1 minute, la plus oppressante que l’on devine sortir du cerveau de Barabara Morgenstern et la plus fragile des doigts de Robert Lippok, pour ensuite se trouver enveloppées par des nappes synthétiques fantomatiques et hachées par un breakbeat sec. A partir de ce moment, et sans que le moindre changement soit perceptible, "White Wise Rabbit" s’ouvre sur une mélodie complètement différente. Magique. (…) Il ne faut pas se fier à la pochette de cet album qui rappelle celles d’Einstürzende Neubauten. Là où la bande à Blixa Bargeld traduisait l’absurdité d’un Berlin eighties à l’horizon obscurci par la folie des hommes, "Tesri" se fait l’écho de la créativité passionnante et ouverte sur l’avenir et sur le monde d’une capitale allemande en pleine mutation.

Mr Modular.

COBRA KILLER & KAPAJKOS – Das Mandolinenorchester
(Monika / La Baleine) [site] – acheter ce disque

Le duo dynamique des Cobra Killer a l’habitude de choquer son monde par une musique électro allumée, des rebondissements à tout va et des prestations scéniques entre grand guignol et strip club de seconde zone. Pas de répit cette fois-ci, le choc (musical) est de taille, les délurées Gina et Annika s’entremêlent à un orchestre de mandolines et revisitent leur répertoire… rien que ça !!!
Mais comment est-ce que les brûlots électro-punk des deux furies peuvent-ils s’accomoder des frêles mandolines ? Et bien pas si mal que ça en fait, voire plutôt bien. Le mélange qui aurait pu être une sorte de dragée au poivre musical, a bon goût et l’enthousiasme des réinterprétations est contagieux. Bien évidemment, ça reste du Cobra Killer (comprendre des déflagrations d’énergie pulsatile) et vous ne passerez pas ce disque à votre petite soeur pour l’endormir le soir, mais les "tubes" du groupe ("Heavy Rotation", "Show Me Your Ruler" et "Helicopter 666") prennent de nouvelles formes intéressantes et permettent de se rendre compte que le disque est plus qu’un bête exercice de style. En l’écoutant, j’ai beaucoup pensé au tres bel album de Big Yum Yum. Comme le Big Yum Yum, les Cobra Killer se réinventent un folklore, une culture populaire. Elles se créent leurs Syldavie à elles, un pays imaginaire influencé par une vision déformée de l’Europe de l’Est et une certaine nostalgie. Leurs chansons, ainsi sorties de leur contexte naturel et soumises à un coup de lustre balkanique, semblent reprendre vie et ne s’en portent que mieux. Il est moins question de trash music que de plaisir et d’humour. Le niveau d’énergie qui en ressort est encore plus élevé que celui des originaux. L’album est rafraîchissant, il fait preuve d’une certaine candeur et donne la pêche. Leur meilleur album à ce jour ? Peut-être pas, mais certainement le plus cohérent et le plus civilisé.

Gildas Le Pallec.

2004

ROBERT LIPPOK – Falling into Komëit
(Monika Enterprise / La Baleine)

Julia Kliemann et Chris Flor de Komëit ont prêté leur appartement "Falling into Place" à Robert Lippok, en congé temporaire de To Rococo Rot. Et le Robert, pas gêné, s’est enfermé plusieurs jours dans ledit appartement et s’est mis en tête de refaire une partie de la déco. Pour notre plus grand bonheur, Robert Lippok s’est, en fait, juste contenté de modifier certaines petites choses : changer la nuance des rideaux de sorte que le salon paraisse plus chaleureux, déplacer le vase de sorte que l’odeur des fleurs soit plus perceptible, ce genre de choses. En réalité, Robert Lippok a su maintenir parfaitement l’équilibre mélancolique et la base minimaliste des chansons de Komëit tout en y injectant sa propre personnalité, au travers de retouches électroniques toujours justes. D’ailleurs, quand Kings of Convenience avouaient leur envie d’occuper le terrain électro, "Falling into Komëit" était typiquement l’album que j’attendais d’eux. Malheureusement l’album électro solo d’Erlend Oye fut fort décevant. Je crois réellement qu’en mariant si subtilement et si parfaitement les lignes acoustiques et les volutes électroniques, Robert Lippok crée une nouvelle variation de la pop. Loin de produire un objet théorique et froid, l’ami allemand progresse sans cesse dans son art de bâtir des bulles chargées d’émotion. Robert Lippok n’est pas dans son époque, Robert Lippok façonne notre époque.

Mr Modular.

Propos de Gudrun Gut recueillis par David Larre

Merci à Erik Benndorf

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