Pris dans l’enfer des tournantes (de ping pong) dans le backroom de Strand, on en oublierait presque de jeter une oreille à The Fresh & Onlys, ce qui aurait été une belle erreur, voire une faute morale. Si les éléments du groupe nous paraissent à première vue disparates, force est de constater la cohérence et la pertinence de l’ensemble : le batteur métronomique fait dans le rock choucroute, le guitariste mauvaise graine aux cheveux crêpés donne dans le punk énervé à base de Jaguar, le bassiste fait des rondeurs de bassiste pendant que le chanteur barbu à casquette « Oakland A’s » chante de l’americana. Evidemment, décrit de cette façon, ça peut paraître étrange mais le tout tenait solidement au corps. Pas de quoi acheter le disque mais vraiment de quoi passer un bon moment. Peut-être que le fait d’avoir essayé des guitares vintage avec les amis provençaux une bonne partie de l’après-midi y est pour quelque chose mais on s’est ré-ga-lé à regarder le guitariste, une sorte d’Olivier Mellano avec des cheveux, qui donnait le maximum de son kit avec une élégance certaine.
On se repose un peu les yeux devant Tron et surtout les oreilles avant la venue de papy Martin Rev : vieux Lou de mer maigre et flasque, n’ayant pas renié ses vieux claviers et boîtes à rythmes pour aller fricoter avec les entre-deux âges Metallica.
Bien dégarni mais avec une très belle paire de lunettes et des baskets bleu-flashy, Martin se présente sous les fumées naissantes devant son public composé de vieux rockers et de jeunes avides de punk synthétique. Rien de bien intéressant, si ce n’est voir la légende sur scène (donc trop tard), faire le kakou en tapant du poing sur son clavier debout, sur des samples et des rythmes synthétiques hors d’âge et tellement au goût d’hier, donc du jour. Le spectacle est évidemment dans la salle : une cagole saoule fait un coma éthylique à demi-feint allongée sur le devant de la scène pendant que la foule la prend en photo, puis elle se relève et embrasse un jeune nabot qui n’en avait peut-être pas demandé tant. Le public oscille entre enthousiastes aveugles et sourds, et vieux à qui on ne la fait pas. D’autres se demandent franchement si on les prend pour des jambons… Pendant ce temps là, Martin enchaîne, parlotte et chantonne avec beaucoup de réverb, se goure un peu dans les samples mais un coup de coude rectifie tout ça.
On ne comprend rien à ses interventions vocales, bien sûr, malgré des parties en français qu’on appréhende mieux parce qu’il mime les paroles genre « le coeuar » avec la main sur la poitrine. Les meilleurs moments restent ceux où il improvise sur des samples sixties et/ou caribéens, rappelant que Suicide, c’est finalement l’âge d’or du rock n’roll revisité par des nihilistes darkos armés de claviers et de boîtes à rythmes en quête d’un nouveau Wall of Sound à base de bruit blanc.
Sur la fin, c’est-à-dire quand il commençait un peu à nous escagasser les oreilles, quelqu’un dans les coulisses prévient Martin que c’est fini, qu’il faut qu’il range son petit barda. Il accepte non sans dire qu’il pourrait continuer toute la nuit, qu’il est à peine chaud mais que bon… Punk d’accord mais les horaires, ce sont les horaires. Du coup, on boit du rhum et du whisky une bonne partie de la nuit pour faire passer le mauvais Rev.