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Field Music – Plumb

Field Music - Plumb

Au fil des albums, Field Music est parvenu à établir une signature : mariage inédit d’une lisibilité ligne claire, frôlant la sécheresse (pas de solos ni de saturation ; des riffs à l’économie, visant l’épure) avec un goût baroque pour la profusion, le biscornu (architectures savantes héritées du rock progressif, grande subtilité rythmique, vocaux en mille-feuilles dans un axe Queen/Sparks – l’affectation opératique en moins). Ce style, les frères Brewis l’ont porté à son plus pur degré d’incandescence sur « Measure » (2010), double album à la fois foisonnant et fluide, dont le contenu évoquait idéalement ce qu’aurait pu être la face B d' »Abbey Road » combinée à une sensibilité art rock. Le deuxième disque en particulier constituait un sommet d’équilibre et de délicatesse, alternant pleins et déliés, jusqu’à draguer les rivages bordés de silence du Talk Talk seconde manière.

Sans changement de cap stylistique particulier ni démarquage du précédent, « Plumb » pourrait facilement faire office de face 3 occulte de « Measure ». Mais là où ce dernier n’étouffait jamais l’auditeur malgré sa longue durée, le nouvel album, aussi ramassé soit-il (à peine 35 minutes) ne parvient pas à captiver. Élaboré comme une sorte de continuum, qui certes ne manque pas de brio (on pense aussi aux Fiery Furnaces pour cet art de la randomisation sauvage érigé en principe d’écriture), le disque manque simplement de ce qui faisait de « Measure » une œuvre en état de grâce : les chansons. Ici pas de « Clear Water », de « First Come the Wish », de « See You Later » ou de « Something Familiar », seulement un agencement à mi-chemin du canevas pointilliste et de l’ébauche free style. Peut-être était-ce là l’aboutissement inévitable de la démarche de Field Music : leur art singulier, coupé de toute séduction primaire comme de tout souci de formatage, élevé en chambre stérile loin des miasmes de l’air du temps, courait en permanence le risque de la sclérose, mais sans y tomber, grâce à une musicalité jamais prise en défaut. Pour la première fois avec « Plumb », on se dit que les frères Brewis se sont pris au jeu de leur propre virtuosité, oubliant l’art des mélodies. Puissent-ils se rattraper la prochaine fois… 

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