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My Bloody Valentine – m b v

My Bloody Valentine - M B V 

My Bloody Valentine - M B VMy Bloody Valentine - M B V

Le 2 février 2013, des milliers de quadragénaires se trouvèrent, l’espace d’une soirée, transformés en adolescents : après un feuilleton très lâche et couvrant deux décennies, Kevin Shields proposait le « nouvel » (?) album de My Bloody Valentine en téléchargement légal sur son site, qui, affluence aidant, plantait évidemment. L’aube se leva donc, le 3 février, avec l’une des plus longues accouchées de l’histoire du rock : « m b v ». Un mois plus tard, tout a été dit sur ce disque sans majuscule à son titre ou à ses morceaux, choix typographique qui aura logiquement mis la puce à l’oreille aux plus malins des chroniqueurs (une portion congrue). On avait dans une poussée oraculaire qu’on ne renie pas pris des paris sur la chose.

Et de fait, « m b v » est plaisant, dispensable, mais principalement curieux sur un point : le rabat de ses prétentions de départ, ou comment une Arlésienne ayant déclenché suées et avances faramineuses chez des majors haletantes se retrouve au final cantonné à un statut de codicille un peu rabougri. Il y a chez tout fan de My Bloody Valentine en extase devant « m b v » une foi du charbonnier qui force l’admiration, du même ordre que les extases chez les fidèles catholiques devant l’apparition au balcon de François 1er (qui, on prend les paris, différera de Benoît XVI autant que « m b v » de « Loveless »). Revenons à notre mouton : le troisième long de My Bloody Valentine se pastiche dans un premier tiers, s’étire comme un chat au soleil dans le second, et lorgne vers un futur passé de mode dans le dernier. « m b v », c’est un peu Kevin Shields translaté dans « Retour vers le futur ». L’intro de « Only Shallow » est ainsi dupliquée sur « who sees you », pourquoi pas, après tout ? Et Shields voit toujours la drum’n’bass comme un horizon indépassable (Dieu nous en garde) d’où la boucle de percussions hystériques qui sert de matrice au fumeux « Wonder 2 ». A d’autres moments, My Bloody Valentine embraye tardivement le pas à d’aimables suiveurs (Blonde Redhead, par exemple) ou tutoie des cousins disparus (Broadcast sur « is this and yes »). Au fond, le sentiment prédominant sur « m b v » est celui de l’égarement temporel qui donne son petit charme au disque et explique l’adhésion partielle à celui-ci. Shields est un jeune quinquagénaire qui se croit toujours en 1993, l’auditeur le plus souvent un grand adulte qui se retrouve émotionnellement transporté dans les belles années de sa jeunesse. Il n’en faut pas plus pour assurer une évidence sentimentale à un disque « perdu quelque part entre la terre et sa maison » selon ce titre d’album des Geraldine Fibbers que je ne me lasse pas de citer. Mais le temps, ce grand sujet involontaire et par force de « m b v » est aussi ce qui le rend inoffensif et déconnecté. Qui a besoin de « m b v » en 2013 ? Personne, ou à peu près. D’autant que le son franchement daté ne peut faire passer l’album pour une contrebande d’aujourd’hui. Shields n’a, semble-t-il, pas suivi les aventures soniques et modes actuelles (ce qui n’est pas forcément un mal). En attendant, son Messie arrive trop tard, il n’a pas les bons habits, et ressemble plus à Lazare. On va le laisser s’égailler au soleil, et s’éloigner sur la pointe des pieds.

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