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Disques

Elyas Khan – Brawl in Paradise

pochette

« Brawl in Paradise », le premier album solo d’Elyas Khan, n’est peut-être pas un « disque très attendu » – son auteur n’a de toute façon plus l’âge de jouer les révélations de l’année –, mais c’est en tout cas un disque qu’on aura longtemps attendu. Peu après la sortie du deuxième album de Nervous Cabaret, “Drop Drop” (2007), le chanteur et guitariste décidait de partir un mois à Berlin pour enregistrer des demos. Il s’y est finalement installé, plongeant de fait son groupe dans un demi-sommeil qui n’a été jusqu’ici interrompu que par une petite tournée avec Amanda Palmer sur la côte Est des Etats-Unis. La genèse de « Brawl in Paradise” remonte donc à cette période, et l’on aurait pu craindre qu’une aussi longue gestation ne dilue un peu trop l’énergie brute qui faisait tout le prix des morceaux du Cabaret Nerveux.

Qu’on se rassure : certes, la production du disque est particulièrement travaillée, et l’absence de cuivres rend l’ensemble moins tonitruant que les œuvres précédentes, mais Elyas Khan ne semble pas avoir trop cédé à la langueur berlinoise, le dynamisme de la scène locale (électronique notamment) semblant avoir plutôt renouvelé son inspiration. Même si elle prend parfois les atours d’un “croon” orientalisant (sur le morceau-titre, “The River” en hommage possible au “Fleuve” de Jean Renoir, ou le rêveur et magnifique “Three Merry Boys”), la voix est toujours aussi puissante, happant l’auditeur dès son apparition, c’est-à-dire à la première seconde du premier morceau. Celui-ci n’est qu’un bref préambule qui peut rappeler les expérimentations d’Animal Collective, et qui annonce la couleur : la matière sonore – y compris la voix elle-même – sera ici davantage travaillée, triturée, qu’avec Nervous Cabaret.

Boucles, inclusions d’extraits de conversations ou de discours au milieu des chansons, mélange de sonorités acoustiques (“Just a Shadow », les clochettes sur le single “Bells”…), de guitares saturées, de lignes de basse au groove minimaliste (“Bells” encore, “Cook the Ocean”), de boîte à rythmes et de percussions exotiques : “Brawl in Paradise” est un grand mezze sonore préparé par un musicien étranger partout (“Alien in Waiting”), et qui se sent donc chez lui où qu’il soit. Aussi décomposé (à la façon d’un cut-up, textes inclus) que méticuleusement composé, cet album fait parfois l’effet d’un tour de montagnes russes : mieux vaut avoir le cœur bien accroché, mais les sensations fortes sont garanties.

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