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Disques

Julien Gasc – Cerf, Biche et Faon

Julien Gasc - Cerf, Biche et Faon

Sur la pochette, il présente des faux airs du Paul McCartney en rupture de Beatles. Une ressemblance au mieux fortuite, au pire hypothétique. Lui, c’est Julien Gasc, discret trentenaire au copieux CV : ancien guitariste au sein de Hyperclean, facétieux mélodiste sous alias Momotte, tête pensante des inestimables Aquaserge et sideman de luxe pour Bertrand Burgalat et l’ex-Stereolab Laetitia Sadier. 

L’objet du présent délit, Cerf, Biche et Faon, a connu une sortie pour le moins confidentielle en octobre 2013 : 120 copies pour 11 morceaux enregistrées entre le printemps 2012 et janvier 2013 sur un quatre-pistes. Et si cela n’était suffisant pour entretenir le culte, c’est la précieuse étiquette toulousaine 2000 Records — maison de goût ayant aussi bien signé Henning Specht (le tiers allemand de Hypnolove) que le primitif R. Stevie Moore — qui a publié cette première échappée en solitaire.

Autant d’atouts qui ont séduit l’écurie Born Bad Records pour offrir non une seconde chance, mais bel et bien l’exposition amplement méritée à cette singulière proposition en matière de pop « à la française ». Qu’elle en soit d’ores et déjà remerciée.

En effet, de son ouverture Nos deux corps (sont en toi), adaptation d’un poème de Marguerite de Valois — composée par l’infortunée épouse d’Henri IV pour l’un de ses amants, Champvallon — sous influence Brian Wilson période Friends, à son final atmosphérique Hullo en droite ligne Robert Wyatt, l’album revisite, sans nostalgie ni pâle imitation, un continent où chanson d’ici et ambition orchestrale anglo-saxonne jadis s’unissaient. Un geste d’autant plus noble que Julien Gasc ne sacrifie jamais sa langue natale sur l’autel de son dessein, donnant à entendre des mots et non des onomatopées ; soit l’exact contraire du paresseux farceur Sébastien Tellier…

Inspiration avouée ou non, la comète Obsolète de feu Dashiell Hedayat semble avoir traversé le ciel de la campagne de Haute-Garonne lors de sessions que l’on devine fébriles comme un premier rendez-vous. Spasmes punk, Fuck, Le Sexe domine ; folk-rock millésimé, le doux-amer Canada ; variation prog’, La Boucle (où flotte le fantôme vocal de Burgalat) ; ballade à la Todd Rundgren, sublime La Cuarenta ; écho lointain du Dominoes de Syd Barrett, Empruntant, une apparence faussement hétéroclite tant tout est in fine à sa place.

On le savait outrageusement doué, on le (re)découvre fin compositeur et interprète délicat, arrangeur ingénieux et producteur inspiré en dépit ou en raison (après tout, à chacun son Oulipo) de la contrainte technique. Qui donc, aujourd’hui, dans ce pays, est en mesure de livrer une merveille telle que Jouir, cet inédit céleste échappé du répertoire AZ de Pierre Barouh ?

Nullement régressif, sans cesse audacieux : dans un monde idéal, Julien Gasc devrait être tenu comme un modèle à défaut d’un possible futur. 

Cerf, Biche et Faon, ni gibier, ni trophée, simplement l’évidente noblesse du cervidé au port altier.

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