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The Horrors – Luminous

The Horrors - Luminous

Considéré dès ses débuts comme la “next big thing” par certains magazines britanniques de manière aussi implicite que convenue, le monstre à cinq têtes The Horrors présentait toutes les caractéristiques du probable feu de paille, susceptible de bénéficier dʼun massif support médiatique avant de se retrouver prématurément relégué aux archives tel un vulgaire boys band de plus, contraint de sʼen retourner à lʼanonymat sans sourciller.

En effet, en arborant au mitan des “noughties” un look collectif de corbac aussi caricatural que grotesque, un peu comme si le mythique quintette sixties The Sonics se téléportait incognito au beau milieu dʼun bal masqué gothabilly des eighties, Faris ʻRotterʼ Badwan et ses quatre acolytes avaient réellement de quoi laisser le chaland dubitatif dʼemblée quant à leurs intentions et leur véritable légitimité artistique.

Et pourtant, encore un peu vert mais déjà détenteur depuis ses premiers singles (dont « Death at the Chapel » et »Sheena Is a Parasite« , 2006) dʼun insolent potentiel imputable en grande partie à sa maîtrise des instruments dans un esprit early garage très nerveux, le jeune groupe évite de justesse le bûcher à lʼoccasion de la sortie de son premier long format, « Strange House » (2007), qui délivre en quarante minutes un propos dense, concis et efficace, bien que loin dʼêtre exempt de défauts.

Or, au lieu de ne laisser quʼun tas de cendres déjà dépourvu de volutes, la fine équipe persévère, sʼimpose, finit par abandonner ses frusques de carnaval et son pot de khôl au format familial, sʼemploie à ne garder que certaines des bases chères à The Birthday Party tout en se tournant vers des structures et des atmosphères évoquant de près ou de loin Can, My Bloody Valentine et même The Teardrop Explodes dans une moindre mesure. En cela, le deuxième album « Primary Colours«  (2009) fait office de pari risqué et courageux, fort dʼun résultat aussi cohérent et surprenant que réussi et réjouissant. Passer dʼune forte identité garage à un son hybride sous haute influence krautrock et teinté de shoegaze tout en changeant nettement dʼaspect physique sans être soupçonné dʼopportunisme ou dʼinstabilité semblait pourtant relever de la gageure.

Cʼest surtout à la faveur de « Skying » (2011) que la mue se confirme et se précise de manière étonnante alors que sʼévaporent avec « Endless Blue » les dernières traces de ce rock sixties qui avait introduit les garnements dans le circuit de lʼindustrie musicale. Qui aurait pu imaginer, après une première métamorphose plutôt périlleuse, que Badwan et ses potes allaient se payer le culot ultime de fantasmer via leur fabuleux single « Still Life » un improbable relooking des Simple Minds des pires moments à lʼaide dʼune vision esthétique crépusculaire et conquérante, ample et belle, riche et complète, un peu comme pour dire « En 1985, on aurait préféré que Jim Kerr et sa bande sonnent comme The Psychedelic Furs sous psychotropes ! » ?

Cʼest alors au prix dʼun effet de surprise amoindri que la troupe de Southend-On-Sea conserve pour ce quatrième album simplement nommé « Luminous » le cap abordé avec « Skying », taquinant toujours volontiers lʼaxe ténu qui sépare les ténèbres de la lumière blanche. Dans un contexte à la fois solaire et lunaire (comme en attestent « Jealous Sun » et « Falling Star » en milieu de parcours) où des paroles simples et globalement optimistes constituent un nappage adéquat, le sens des ambiances est présent dès « Chasing Shadows », morceau introductif chargé dʼinstaller lʼatmosphère idoine quʼon imagine fonctionner parfaitement en guise de lever de rideau dans un cadre live. Plus loin, ce que révèlent aussi les deux premiers titres dévoilés sur la toile au cours des derniers mois, « I See You et So Now You Know », cʼest que lʼaspect hypnotique nʼa pas été non plus négligé sur ce nouvel opus, parsemé dʼarpèges électroniques du plus bel effet spatial comme en témoigne « In and Out of Sight », porté par un traitement vocal velouté qui marque un furieux grand écart avec « Count in Fives » (2006) et rappelle par la même occasion certains morceaux de School Of Seven Bells.

Malgré une tendance au statu quo, la bande des cinq évite non seulement la redite de brillante façon, mais réussit de surcroît à sʼaffranchir encore un peu davantage de ses divers modèles depuis « Skying ». Et dire quʼil y a huit ans, on haussait les épaules et les yeux lorsque le quintette était évoqué comme possible next big thing outre-Manche ! « Change Your Mind » (huitième titre de « Luminous ») ? Voilà qui est fait depuis bien longtemps !

 

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