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Beach House – Depression Cherry

Beach House - Depression Cherry

Cela fait quelques semaines que le nouvel album de Beach House tourne sur l’ordinateur. Les neuf morceaux se succèdent, et dans ma tête, aucune ne prend le pas sur l’autre. Écouter Beach House, c’est marcher, non, voguer sur un nuage de ouate, parfois faire face à une lumière aveuglante, mais la plupart du temps se lover dans une obscurité feutrée. L’inconvénient de cet univers cyclique et confortable, c’est qu’il pourrait mener à la monotonie, voire provoquer le sommeil. La lancinance des deux premiers albums du duo de Baltimore, « Beach House » en 2006 et « Devotion » deux ans plus tard, n’égalent en rien la flamboyance des manifestes « Teen Dream » (2010) et « Bloom » (2012). Alex Scally et Victoria Legrand ont annoncé dès leur premier communiqué de presse que ce disque serait : « un retour vers la simplicité, avec des chansons structurées autour d’une mélodie et de quelques instruments, où la batterie live, [considérée comme  agressive], joue un rôle moins important. » La première impression est qu’en abandonnant la batterie retentissante de « Bloom », « Depression Cherry » perd la force de son prédécesseur, et se rapproche des contrées atones des premiers temps. 

Le disque tourne maintenant sur la platine, son enveloppe de velours rouge cerise détonnant, posée juste à côté. Ce disque d’un groupe authentique qui contrôle son image, choisit les salles où il joue, déplore la surconsommation automatisée de musique sur Internet, s’enferme pour répéter pendant des heures les boucles d’un morceau pour atteindre sa perfection, cette perfection qu’ils se réservent, à eux comme à leurs fans de souche. Ce groupe qui a adopté ce qu’on appelle la dream pop comme médium artistique, et qui n’en déviera que quand son évolution naturelle l’y appellera. Quel groupe peut encore s’enorgueillir de telles valeurs après dix ans d’activité ?

Ca y est, ils ont capté mon attention, et les images de chaque morceau se dissocient enfin.

Une ouverture veloutée, progressive, où l’on retrouve la voix définitivement plus féminine de Victoria Legrand sur fond de guitare slide et de tambourin : le morceau « Levitation » répète qu’il veut nous emmener quelque part (« There’s a place I want to take you »), et nous sommes prêts à suivre le groupe. Le premier single dévoilé « Sparks » est peut-être le morceau qui fait le plus d’étincelles avec ses débuts et sa fin brouillés en mode repeat, avant que l’album fasse une référence plus appuyée à « Bloom » : « Space Song » est dans la lignée d’un morceau comme « Myth », hypnotisant, où les blips circulaires, laissent place au souffle d’un refrain qui n’a pourtant rien d’évident sur « Depression Cherry ». L’album enchaîne en effet les strophes et les changements de rythmes, modulant la voix de Victoria qui n’a jamais autant perdu de sa matérialité androgyne, montant dans les mêmes aigus que la guitare de son partenaire, quand elle ne se transforme pas en soupirs sur « 10:37 ». Dans « PPP », une tentative de parler-chanter insuffle une cassure, mais les chœurs aériens reprennent vite le dessus, malgré quelques batteries qui cliquètent sur les derniers morceaux. Spécifiquement sur « Days Of Candy », qui clôt « Depression Cherry », lente harmonie accompagnée par les huit chanteurs du Pearl River Community College.

On pourra regretter ici les envolées de « Lapis-Lazuli » ou de « Wishes » qui faisaient de « Bloom » un disque immatériel et puissant à la fois. Mais on pourra s’enrouler confortablement dans la continuité de ce disque-refuge (« fall back into place » chante à propos Victoria dans « Space Song »), enrobé de velours, dont les compositions sont brodées main du fil rouge de l’exquise et mystérieuse mélancolie.

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