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Disques

Sylvain Chauveau & Ensemble Nocturne – Down to the Bone (An Acoustic Tribute to Depeche Mode)

Sylvain Chauveau & Ensemble Nocturne - Down to the Bone 

Il fut un temps où se déclarer fan de Depeche Mode n’allait pas de soi. Même passé sa période “garçons coiffeurs” (le premier album avec Vince Clarke), alors qu’il abordait des thèmes plus graves et profonds, qu’il intégrait à son électro-pop les sons du rock industriel, et que Martin Gore arborait cuir et chaînes, le quartette de Basildon avait bien du mal à être pris au sérieux. Depeche Mode (qu’il était de bon ton de rebaptiser “Des pêches molles” ou “Des péd’ moches”) restait ce groupe pour lycéens même pas tourmentés, trop commercial, pas assez crédible. Il aura fallu attendre “Music for the Masses” en 1987 et, surtout, l’incontestable “Violator” trois ans plus tard, triomphe à la fois critique et commercial, pour que cela change.

Quand Sylvain Chauveau sort en 2005 “Down to the Bone”, la légitimation culturelle de la formation britannique est donc depuis longtemps achevée. Cet album hommage avait pourtant de quoi surprendre, venant d’un musicien issu de la sphère des « musiques nouvelles », où les chiffres de vente sont bien loin de ceux d’un des groupes les plus populaires au monde. De plus, l’artiste avait produit jusqu’ici une musique essentiellement instrumentale, ou en tout cas non chantée. Mais ceux qui l’avaient entendu reprendre superbement le “Smalltown Boy” de Bronski Beat en rappel de ses concerts savaient combien une certaine new wave, pas forcément la plus obscure, avait intimement façonné son sens de la mélodie et des atmosphères.

“Down to the Bone”, que réédite dix ans plus tard le label Ici d’ailleurs en CD et vinyle (premier pressage dans ce format), sous une nouvelle pochette, est une absolue réussite. Paradoxalement, c’est le disque qu’on conseillerait aux néophytes pour pénétrer dans l’univers de Sylvain Chauveau, alors qu’il n’en est pourtant que l’interprète. Le choix de “Stripped” en ouverture n’est sans doute pas innocent : la musique de Depeche Mode y est bien déshabillée et réduite à l’essentiel, avec l’appui de l’Ensemble Nocturne, créé pour l’occasion. Piano, clarinette, violoncelle et alto remplacent les synthétiseurs et les percussions électroniques martiales et instillent une douce mélancolie que vient encore renforcer la voix, plus posée que celle de Dave Gahan.

On n’est pas pour autant dans une relecture purement acoustique, “néochambriste”, affichant son “bon goût” en se coupant totalement de l’esprit des compositions originales. De discrets effets électroniques viennent ainsi régulièrement perturber et apporter du relief aux chansons, et des titres comme “Death’s Door” ou “Freelove” poussent assez loin la déstructuration sans pour autant sacrifier la mélodie. Quant à l’intro a capella de “Enjoy the Silence”, elle semble captée sur un vieux dictaphone. C’est un travail d’équilibriste, où chaque note semble à sa place, et où la fidélité au répertoire de Depeche Mode s’illustre davantage dans les libertés prises que dans un respect sclérosant.

Notons pour les fans que Sylvain Chauveau a une actualité chargée en cette rentrée, puisque son deuxième album, “Nocturne impalpable”, salué en son temps par Christian Fennesz et Ryuichi Sakamoto, est également réédité (en vinyle sur le label Minority Records) en novembre, et que sort le 2 octobre un nouveau disque, “How to Live in Small Spaces”, chez Brocoli. Rassemblant quatre longues plages écrites pour des spectacles de danse, il présente la veine la plus minimaliste et expérimentale – pas franchement la plus accessible, donc – de ce compositeur discret mais prolifique, explorateur sonore en dehors des grands circuits. Enfin, “Down to the Bone” sera bientôt joué sur scène (première date prévue à Paris le 28 novembre), et on peut affirmer sans trop s’avancer que ce sera magnifique.

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