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Savages – Interview

Tous les atouts sont réunis pour que Savages passe dans la cour des grands avec “Adore Life”, le deuxième album du groupe. Nous avons rencontré Gemma Thompson et Fay Milton pour faire le point sur leur vision du rock’n’roll et sur le successeur de “Silence Yourself”, annoncé comme contenant leurs chansons les plus percutantes à ce jour.

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Avant d’entrer aux studios RAK, vous aviez passé quelque temps dans un autre studio Londonien. Une partie des titres n’a pas été retenue. Pourrais-tu nous dire pourquoi ?

Gemma Thompson : Nous avons passé trois semaines dans le studio d’un ami au nord de Londres. L’idée de départ était de commencer à y composer de nouveaux titres. Mais le studio était si petit, avec un plafond tellement bas qu’il était impossible de jouer fort car le son nous revenait en feedback. La frustration a commencé à nous gagner, et en réaction à ce problème de son, nous n’avons composé que des chansons très calmes. C’est comme si cette pièce ou nous jouions prenait le dessus sur ce que nous voulions réaliser.

C’est à la suite de cette session en studio que début 2015 vous avez testé des nouveaux titres à l’occasion de neufs concerts donnés lors d’une résidence à New-York. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette expérience ?

G.T. : Pas tout à fait car entre les deux, nous avons développé quelques idées de chansons dans un autre studio dans l’est Londonien. Nous nous sommes envolées pour New York avec ces ébauches pour effectuer une résidence dans trois clubs différents, dans lesquels nous nous sommes produits chaque semaine. Nous bénéficions en parallèle un local de répétition. Chaque concert a été l’occasion de tester différentes approches des morceaux. Ce qui nous a permis de faire le tri entre ce qui fonctionnait ou pas. Les conditions étaient idéales pour créer.

Comment vous est venue l’idée de cette résidence ?

G.T. : Suite à la première expérience, nous étions un peu désespérées. J’ai un souvenir très net de nous quatre assises autour d’une table, nous disant qu’il fallait quitter Londres pour trouver de quoi nous inspirer. Le choix de New York s’est rapidement imposé car nous avons toujours ressenti quelque chose de particulier en nous produisant là-bas, comme si le public était celui qui comprenait le mieux notre approche de la musique. Nous avons pris un risque, mais nous savions que le public New Yorkais serait prêt à nous accompagner dans cette aventure, sans nous juger.

Fay Milton : Et c’est exactement ce qui s’est passé sur place. Certains ont même assisté à tous les concerts. C’était motivant pour nous car nous n’étions pas très confiantes au début, imagine la tension et le stress engendrés par ce type d’approche créative. Ce stress a donné des concerts remplis de tension, à un stade que nous n’avions jamais atteint. Mais à la fin de la troisième semaine, nous savions que nous avions fait le bon choix. Nous avons été portées par l’énergie et la confiance des fans, c’était libérateur.

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Qu’est ce qui a changé la donne aux studios RAK ?

Le fait qu’après notre résidence, nous sommes rentrées libérées et que nous étions dans des conditions idéales pour enregistrer notre disque. RAK est un studio historique, tellement de grands disques y ont été enregistrés. Nous nous y sommes senties vraiment à l’aise.

Combien des morceaux joués à New York se retrouvent aujourd’hui sur “Adore Life” ?

G. T. : Six ou sept, dans un format parfois différent. Pour “Surrender” par exemple, nous sommes repartis de zéro car nous n’arrivions pas à trouver la bonne approche. D’autres comme “The Answer”, “Evil”, “When In Love” sont assez fidèles à leurs versions live.

F.M. : “When In Love” surtout. Nous l’avions beaucoup répétée mais n’arrivions pas à lui donner consistance en live. Nous enregistrions tous nos concerts pour les écouter et cette chanson sonnait vraiment merdique. Nous avons persévéré, alors que d’habitude nous n’insistons pas trop si un titre ne fonctionne pas, et à l’arrivée c’est un titre que nous adorons toutes. C’est difficile à décrire, cette chanson mériterait une analyse psychologique (rire).

L’un des titres de l’album, “I Need Something New” a été quasiment composé sur scène. Pourrais-tu nous décrire cette expérience ?

G.T. : Jehnny avait juste des paroles qu’elle utilisait sous forme de “Spoken Words” entre les chansons. Progressivement nous avons essayé d’y ajouter de la musique, de développer quelques pistes, et le morceau a pris forme.

Après cette expérience New-Yorkaise, nous aurions pu penser qu’“Adore Life” aurait été enregistré dans les conditions du live, ce qui n’a pas été le cas. Pourquoi cette décision ?

Le premier album était plus dans cette approche, une sorte de document qui représentait le groupe et son énergie en live. Pour “Adore Life” nous avions plus de temps en studio et nous avons souhaité jouer un peu plus sur les textures, donner plus de relief au son.

La volonté du groupe pour ce nouvel album a été de vouloir enregistrer les chansons les plus bruyantes qui soient. Cette envie vous est-elle venue comme une évidence suite aux deux années de tournée qui ont précédé l’enregistrement, ou la raison en est-elle tout autre ?

(sourires gênés) F.M. : J’aimerais beaucoup savoir qui a écrit ça, car c’est une déclaration qu’il est ensuite difficile à assumer ! En plus c’est un concept vraiment étrange.

G.T. : A chaque fois que l’on m’en parle, j’ai l’impression de faire partie de ZZ Top (rire).

F.M. : Ou bien Spinal Tap ! Nos propos ont vraiment du être exagérés (rires).

G.T. : C’est surtout une partie de notre son que nous avons voulu approfondir. Un mélange de notre expérience passée et de méthode d’écritures plus classiques. C’était une façon d’explorer des pistes nouvelles.

F.M. : (éclate de rire) Je suis incapable de répondre à cette question.

Avant d’avoir  écouté une seule note de l’album cette déclaration me paraissait cohérente car Henry Rollins, icône absolue du punk hardcore, lit un extrait de Jazz Cleopatra dans le trailer d’”Adore Life”.

G.T. : Henry Rollins avait parlé de nous dans une émission radio. Suite à ça Jehnny et lui ont commencé à échanger par emails. Nous écoutions un morceau de Lou Reed au phrasé très narratif dans le studio et Johnny Hostile, notre producteur a suggéré l’idée que ce serait vraiment bien si Henry Rollins pouvait réaliser quelque chose dans cet esprit sur notre trailer. C’est un personnage fascinant. Il est venu rejoindre Suicide sur scène lors d’un concert récent au Barbican à Londres et on aurait dit un gamin passionné et surexcité. Il nous parlait de sa passion pour Suicide, de l’esprit originel du punk etc. Nous n’en revenons toujours pas qu’une telle figure du rock ait déclaré que nous étions son nouveau groupe favori.

Quelle chanson de l’album arrive le plus à synthétiser votre envie de départ sur l’idée que vous aviez d’”Adore Life” et pourquoi ?

G.T. : C’est une question vraiment difficile ! Probablement “The Answer” qui est la première chanson qui a été composée pour l’album. Nous y avons apporté très peu de changements en dehors d’un travail sur la structure. Ce n’est pas parce que c’est le premier titre à avoir été achevé que c’est une réponse paresseuse ! (rire).

F.M. : C’est un album sur lequel chaque chanson a sa place et son importance, mais je suis d’accord avec la réponse de Gemma.

Le choix de Trentemøller pour le mixage parait plutôt inattendu. Cette décision est-elle le fruit du hasard, d’un respect mutuel du travail de l’autre ?

G.T. : C’est un musicien exceptionnel. L’idée n’est pas venue de nous, mais encore de Johnny Hostile qui avait tourné avec lui. Il nous l’a décrit comme un “music geek “ obsédé par la pop sous tous ses genres. Nous avons alors commencé à écouter son travail et nous avons été bluffées. Pour ne pas prendre trop de risques, nous lui avons confié une chanson, et le résultat était époustouflant, il n’y avait rien à changer. Il avait vraiment compris ce que nous voulions.

F.M. : C’est incroyable car le morceau nous est revenu complètement changé par rapport à notre version initiale. Le son correspondait exactement à ce que nous recherchions.

Écoutez vous de la musique électronique ?

F.M. : Oui, effectivement. Une amie me disait il y a quelques jours qu’il n’y avait pas beaucoup de musiciennes intéressantes en ce moment. Je n’en revenais pas qu’elle puisse me dire ça et j’ai donc commencé à lui enregistrer une mixtape. Une fois celle-ci terminée, je me suis aperçue que 80 % des titres étaient de la musique électronique. Il se passe vraiment quelque chose d’intéressant en ce moment autour de cette scène. J’adore Grimes par exemple, son travail de production est fascinant.

N’avez vous pas été tenté de faire appel à un producteur extérieur pour arriver à votre objectif plutôt que de rester “en famille” avec Johnny Hostile?

G.T. : Nous y avons brièvement pensé, mais il nous connaît tellement bien que nous avons encore fait appel à ses services. “Adore Life” s’inscrit dans la continuité du précédent album. Il nous fallait un producteur qui nous comprenne en tant qu’individus et musiciennes.

F.M. : Nous avions une idée bien arrêtée sur ce que nous voulions obtenir comme résultat. Nous ne voulions surtout pas de quelqu’un qui vienne modifier notre son ou la structure des morceaux. Nous en sommes à un stade de complicité et de confiance que nous nous comprenons sans avoir à expliquer pendant des heures ce que nous avons en tête pour arriver au but souhaité. Si j’avais une idée de son de batterie en tête, Johnny arrivait rapidement au résultat voulu, et c’est un sacré luxe.

Est-ce important pour le groupe d’avoir la structure Pop Noire pour gérer tout ce qui tourne autour du développement artistique du groupe ?

G.T. : Pop Noire a été très important pour nous au début car la structure a grandi en même temps que le groupe. C’est maintenant plus devenu le bébé de Jehnny. J’ai beaucoup de respect pour sa vison et sa motivation à gérer cette structure.

F.M. : Le groupe est maintenant une identité à part.

J’ai regardé l’émission Emission BBC “Whatever Happens to Rock’n roll”  dans laquelle Jehnny était invitée aux côtés de John Cooper Clarke et Eric Burdon de The Animals pour débattre autour de l’état actuel du Rock’n Roll. Son discours positif faisait le plus grand bien face à la morosité et les clichés ambiants. Pour moi “Adore Life” est l’exemple même du fait qu’il est encore possible de créer des disques stimulants, que chaque génération arrive à apporter sa vision. Qu’en pensez vous ?

F.M. : Cet esprit rock n’roll est toujours bel et bien vivant. Nous l’avons encore ressenti lors de l’enregistrement de la vidéo de “The Answer” au Portugal. Nous avions passé une annonce deux jours avant pour inviter des fans sur le tournage et le nombre de gens à venir et leur attitude pendant le tournage a été incroyable. Tu aurais du voir les pogos, les “head bangings” etc

G.T. : L’énergie que ces gamins ont donnée pendant douze heures était incroyable. Nous n’en revenions pas, ils communiaient avec la musique.

F.M : C’est même plus varié que des gamins, car certains viennent aux concerts avec leurs parents qui sont également fans du groupe. Et les deux générations se défoulent autant l’une que l’autre. C’est tellement agréable à voir. Et ça nous donne une telle énergie. Le rock’n roll ne se résume plus à la musique d’une seule génération, il n’a plus d’âge, c’est ce que beaucoup de gens ont du mal à comprendre.

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