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Disques

Jazz Cartier – Hotel Paranoia

Jazz Cartier - Hotel Paranoia

La critique aime les trinités. Depuis que Drake a attiré l’attention sur la scène rap de Toronto, c’est en effet trois rappeurs locaux qui sont mis en avant. Outre Drizzy, les heureux élus sont donc Tory Lanez, et Jaye Adams, alias Jacuzzi Lafleur, alias Jazz Cartier. Déjà remarqué l’an passé, ce dernier a capitalisé tout de suite sur l’engouement pour sa ville et sur l’accueil favorable reçu par sa mixtape Marauding in Paradise, en sortant une suite en février 2016, un Hotel Paranoia pour lequel il a lancé un site web dédié, et qui bénéficie d’un retour presse rare pour un projet issu d’une métropole qu’il est désormais convenu d’appeler The Six.

Jazz Cartier a soif, il veut saisir sa chance. C’est évident dès le premier titre, « Talk of the Town », où il s’affirme comme le prince de la ville, où il prétend qu’il est là pour durer, et où il règle d’emblée la question de sa comparaison avec Drake. Ailleurs, sur « Opera », il se présente comme le nouveau visage du pays. Sur « Stick & Move », il nous dit que 2015 n’était qu’un entrainement, espérant sans doute que 2016 sera l’année du triomphe. Et sur des titres comme « 100 Roses », il s’impose avec un rap urgent et criard. Cette volonté de réussir et de marquer les esprits se manifeste aussi dans l’usage plus systématique des chants, et par la présence d’un single taillé pour la radio, « Red Alert », de romances langoureuses comme « After The Club » et « Better When You Lie », et d’un titre R&B, « Tell Me », avec River Tiber.

Mais en dehors de la forme très amène de certains morceaux, Jazz Cartier n’a pas changé tant que ça depuis sa dernière mixtape. C’est d’ailleurs toujours le même collaborateur qui assure la quasi-totalité de la production, Michael Lantz, avec ce style propre qu’il a nommé de façon appropriée le Cinematic Trap, une formule qui reprend les motifs de la trap music, par exemple ses rythmes épileptiques, mais qui l’alanguit, l’ornemente de cordes, de piano et de cuivres, et la transforme en bande-son d’un film, au point de tourner au contemplatif, comme sur « Tales / Psycho ’93 Freestyle », ou au sinistre, comme sur « Talk of the Town » et « Opera ».

Jazz Cartier, n’est pas que flamboyance et fanfaronnade. Le titre de la mixtape l’indique, ainsi que son concept, en gros le même que celui de l’Hotel California dont il s’inspire : celui d’un refuge avenant, mais dont il est impossible de sortir. Ce projet a bel et bien une face noire et paranoïaque, et le rappeur s’y aventure sur le terrain social, quand il nous parle sur « Black and Misguided » d’une famille qui décline tous les clichés, drogue, sexe et délinquance, à l’encontre des Noirs.

En fait, même si l’aspiration à élargir son audience y est évidente, Hotel Paranoia n’a rien à envier à son prédécesseur : « Stick & Move » prend sans mal la place de « New Religion », le temps fort de Marauding in Paradise ; les accents jamaïcains de « Black and Misguided » contribuent à sa singularité ; le Canadien impressionne sur « Opera », et sur le furieux « Save Me From Myself » ; il réinvente avec brio le « How We Do It » de Montell Jordan, dans un contexte trap ; le très joli « Illuminati Love Song » réussit sa virée vers le R&B ; et même le millimétré « Red Alert » se montre plaisant. Avec ce projet, en fait, si l’on fait abstraction des titres mollassons et mélos qui envahissent sa seconde partie, Jazz Cartier parvient à ses fins : il confirme être une figure incontournable de la scène rap très en vue de Toronto.

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