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Disques

Léonore Boulanger – Feigen Feigen

Léonore Boulanger - Feigen Feigen

Le propre des vraies musiques savantes, c’est qu’elles ont la modestie de ne pas le montrer. Plutôt que de ramener sa science, Léonore Boulanger dévoile toute son humanité et une belle sensualité dans « Feigen Feigen ».

Les sorties du label Le Saule, ce pourvoyeur de délices en tous genres, ne sont pas toujours aisées à l’écoute mais c’est sans doute une grande part de notre plaisir car il invite dans nos oreilles quelque chose d’inattendu qui s’appelle la surprise.

Mais si, rappelez-vous ! Quand vous aviez une frâicheur nouvelle, que tout ce que vous écoutiez avait un goût d’inédit. Le Label Le Saule, c’est un peu cela. Rappelez-vous de ma chronique de « Fructidor  Cancions Del Mashuke« , le dernier disque de Philippe Crab et vous comprendrez un peu l’excitation que l’on peut rencontrer à l’écoute des oeuvres de ce label. 

Assurément, il y a une patte Le Saule. Au même que quelqu’un qui goûterait des vins à l’aveugle, malgré les particularités et l’orignalité singulière de chacun des artistes de la maison de disques, on retrouve dans les disques de Jean-Daniel Botta, d’Aurélien Merle ou de June et Jim un même esprit ou plutôt l’expression de quelque chose de presqu’impalpable.

Ce qui parfois pouvait dérouter sur les disques précédents de Léonore Boulanger, c’était une certaine forme de distanciation froide face à ses sujets, minuscule petit reproche que l’on pouvait faire à ces constructions sans fondations. 

Avec « Feigen Feigen », Léonore Boulanger signe son disque le plus abouti. On y retrouve les mêmes marottes, la confrontation d’une Afrique maîtrisée avec la structure de la musique contemporaine. Enregistré dans un ancien atelier de forgeron, « Feigen Feigen » sent la lente maturation d’une oeuvre, la tranquille construction d’une folie en devenir.

Ce qui fait de « Feigen Feigen » la continuité de « Square Ouh La la » et de « Les Pointes et les detours » mais aussi une forme de progression, c’est cette capacité à épurer les mouvements pour en laisser surtout les impressions.

Pour autant, n’imaginez pas ce disque comme une chose évanescente et fragile. Loin de là, les structures y sont floues et en même temps ramassées. De « Bluette » comme une évidente passerelle avec le disque précédent à « Tornade » et son piano en ostinato, on devine déjà les contours de l’évolution du travail musical de Léonore Boulanger. Elle y chante la sensualité et la féminité. 

Elle n’en oublie pas pour autant de déconstruire comme sur « Tourner » qui joue avec nos perspectives. L’expérimentation chez Léonore Boulanger est ouvertement joueuse, jamais frondeuse ou intimidante. La demoiselle a le sens de l’accueil.

Nous parlions de piano à l’instant. Le piano est omniprésent au sein de ce disque. Si l’on devait d’ailleurs résumer hâtivement l’idée, on pourrait dire que les compositions s’étoffent à partir du clavier et d’un jeu sur le rythme. Il faudra également mettre en évidence ce travail sur la voix. Il suffit d’écouter « Mon Tout » ou « Les Questions » pour en avoir la démonstration.

On a l’impression singulière d’assister à un dialogue, à un rapport de charme. On imagine facilement une pièce exigue où plutôt que de se laisser imposer l’espace, Léonore Boulanger travaille l’intimité et dégage une chaleur particulière.

Alternant minimalisme sec et arrangements ludiques, Léonore Boulanger se plait à corrompre notre sensibilité. Prenez cette petite chose qu’est « Toquade », comme si Björk se mettait à chanter dans la langue de Molière et retrouvait une forme artistique. Un titre de Léonore Boulanger c’est un peu comme un cercle qui s’élargirait dans un autre cercle et encore un cercle et toujours un cercle. On y croise l’Asie, l’Afrique ou l’Allemagne. Quand on pense rythme primitif et jeu avec les suspensions, on pense à Moondog forcément comme sur « Shiva », où son influence semble évidente. Imaginez un croisement entre la Pop Thailandaise, la folie d’Arrington De Dyoniso et les divagations du vieux barbu aveugle et vous aurez le début de l’idée de ce à quoi ressemble « Feigen Feigen ».

« Long Frelon » et « Grimper » semblent annoncer de nouvelles pistes pour Léonore Boulanger, comme si sur le prochain album, la jeune femme pouvait partir vers des ossatures ouvertement plus Rock voire plus Pop.

Mais ne présageons de rien pour son avenir car il est à parier qu’elle se plaira à venir contrarier nos rêves de Nostradamus. Présageons surtout d’un avenir radieux pour notre curiosité à l’écoute des disques de Léonore Boulanger

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