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Disques

Julien Gasc – Kiss Me, You Fool!

Julien Gasc - Kiss Me, You Fool!

Pour qui avait découvert en 2014 les travaux de Julien Gasc en dehors de ses faits d’armes au sein d’Aquaserge, un nouvel effet de surprise, bien que moindre cette fois-ci, se fera encore probablement ressentir à l’écoute de « Kiss Me, You Fool! ». En effet, la patine artisanale du premier long format « Cerf, Biche Et Faon« , notamment présente sur le magnifique titre « Ensemble », a quelque peu été gommée. La rugosité de l’ancien décorum laisse donc désormais place à des textures sonores chères à Sébastien Tellier et Bertrand Burgalat et nettement moins bricolo. Du côté des ambiances, l’indéfectible influence de Stereolab est toujours aussi perceptible, chose logique si l’on considère le degré de connivence et la fréquence de collaboration du bonhomme avec Lætitia Sadier. Elle est par ailleurs conviée derrière le microphone sur « Mandrax », et semble même désormais avoir inspiré son compatriote au niveau du chant. Le débit vocal du barde moderne s’est effectivement affiné : il est moins aigu et plus posé qu’auparavant.


Sur cette nouvelle livraison, les morceaux purement rock ont disparu, les mélodies sont encore plus vertigineuses qu’avant et les arrangements embrassent souvent l’esprit d’un jazz langoureux augmenté d’un soupçon de mélancolie en apesanteur. Or ce qui vient immédiatement à l’esprit à l’écoute de ces onze nouvelles compositions, c’est la notion de classe. Cette constante élégance, teintée de rêverie en noir et blanc et ponctuée de nuances de gris, oscille souvent au travers de claviers millésimés, généreux et évocateurs, et parfois de guitares électriques, sombres et menaçantes mais toutefois en retrait.

Certes, Julien Gasc aurait pu passer pour un majordome trop bien peigné de la pop rétro à la française mais l’artiste est bien trop malin pour ne pas introduire quelques grammes de gravier dans les rouages. On assiste alors à une chouette manœuvre d’auto-sabotage particulièrement probante sur « Circle Bar ». Ailleurs, « Les Pages Anonymes » est susceptible d’en remontrer à plus d’un Lescop et « L’Été Anglais » mise sur une décontraction baroque épatante. Quant au sublime « Le Débussé », il ressemble à s’y méprendre à un hypothétique morceau deep house des noughties, dépourvu de beat appuyé et dont on imaginerait volontiers Pilooski en faire un edit dansant.

En définitive, l’absence de maniérisme vocal du bonhomme a de quoi forcer l’admiration tant il semble difficile de nos jours pour un chanteur francophone de ne pas céder au pompiérisme ou encore au fâcheux syndrome dit de « la pomme de terre dans la bouche » (dont est atteint un autre Julien, le dénommé Doré). Son phrasé rappelle même à l’occasion celui d’Amaury Cambuzat au moment où son groupe Ulan Bator a amorcé son grand virage à la faveur de l’album « Nouvel Air » (2002). En résumé, c’est une excellente nouvelle : les trois quarts d’heure époustouflants de « Kiss Me, You Fool! » pourront autant ravir les inconditionnels de The High Llamas que les thuriféraires du catalogue Tricatel.

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