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Disques

Garden With Lips – La Vie De Court

 

Garden With Lips - La Vie De Court

Gildas Secretin alias Garden With Lips maîtrise l’art de la combinaison entre une forme de classicisme Pop avec une envie d’aventure et signe avec « La vie de court » un troisième et immense disque.

En France, quand on parle de musique et de novation, on cite tout de suite les grands noms, les grandes influences et on trouve derrière eux leur cortège de suiveurs plus ou moins inspirés, de copistes paresseux. Combien de clones de Gainsbourg, de Dominique A pour une identité singulière ? Quoi de plus étrange que ce conformisme d’une création qui se refuse de laisser dépasser des têtes qui proposeraient quelque chose d’autre, à mi-chemin entre un classicisme assumé et des velléités réelles d’expérimentation.

De Gildas Secretin alias Garden With Lips, vous ne devez pas savoir grand-chose. Pourtant vous le connaissez sans le connaitre. Graphiste de métier, le monsieur est le détenteur des images pour l’excellent label brestois L’église de la petite folie (Arnaud Le Gouëfflec, John Trap, Delgado Jones, etc…). Si l’on doit parler de la musique de Garden With Lips, il sonne comme une évidence d’en parler comme de quelque chose de l’ordre des dessins et autres créations de son auteur. Quelque chose qui serait faussement dépouillé, construit par strates successives, comme un empilement fragile, un chant à la fois à l’os et déstructuré. Auteur déjà de deux autres albums qui tutoyaient déjà l’excellence, Garden With Lips crée ici quelque chose de purement singulier, une proposition que l’on n’avait pas encore entendu par ici. On sent bien que le parisien a été nourri à la sécheresse minimale du « Seventeen Seconds » des Cure mais Gildas Secretin ne s’arrête pas là. Car il n’y a absolument rien de Post-Punk dans « La Vie de court » ou plutôt si mais ce sont plus les cendres, les vestiges encore fumantes qui dégagent comme une atmosphère. Quelque chose de l’ordre de la torpeur.  Tout cela comme une voix étouffée, un effet transgenre qui ne choisit pas entre la dimension volatile de l’air et la minéralité d’un souffle.  Il suffit d’écouter le désorientant « Polyandre » en ouverture proche des XX qui auraient délaisser leur groove qui déraille. 

Il faudra se méfier de cette impression tout en trompe l’œil de dépouillement comme vient la construction étrange que forme « 20 Octobre ». « La vie de court » n’acceptera pas une écoute inattentive. C’est sans doute l’une des vertus des grands disques, de ne pas tolérer autre chose qu’une totale attention. Souvent construit autour d’un Xylophone qui sonne comme le Trumba de Louis Thomas Harding, les neuf titres de ce troisième album de Garden With Lips ont tous l’envie de venir nous perturber et désaxer nos points d’amarrage.  Cela sonne parfois comme un rap littéraire et chuchoté comme « Tes envies romantiques » qui prouve que le spoken Word peut emprunter d’autres chemins que ceux d’un Michel Cloup. On pensera parfois au Pascal Bouaziz des premiers Mendelson. Mais la communauté d’esprit ne s’arrête pas là avec l’auteur du sublime « Haikus ». On retrouve chez les deux une écriture acerbe, économe et paradoxalement tendre. Attardez vous par exemple sur « De temps en temps » avec ces mots ombreux.

La musique de Garden With Lips se nourrit de murmures, de sons de la vie, du pouls du quotidien. Elle est aussi et surtout quelque chose qui ressemble à un mirage, cette impression de présence au loin, cet impalpable, ce presque fuyant. Du « Tête têtue » en touches pointillistes à ce « Carole » comme une comptine dérangée ou encore « L’adolescence » tout en rupture  avec cette lente progression qui rappellera dans sa construction le « Nacer Bianco » de Borja Flames.

On n’oubliera pas non plus « Le soleil » en conclusion et la collaboration de Laetitia Velma déjà croisée aux côtés de Garden With Lips sur les deux autres albums. Se dégage de cette balade crépusculaire une volonté de se dégager de ce qui nous englue.

Garden With Lips avec « La  vie de court » signe un des essentiels de l’année 2016 et sans aucun doute le meilleur d’une discographie pourtant déjà passionnante. Un disque qui sonne comme la vie et ses milles et un tracas.

 

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