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Disques

The Flaming Lips – Oczy Mlody

The Flaming Lips - Ocsy Mlody

« Oczy Mlody » est donc le quatorzième album studio des Flaming Lips. Une telle longévité est devenue rare dans une période si confuse. Les forces en présence : Wayne Coyne : éminence poivre et sel, Rasputin du Midwest : le gourou. Steven « Drozd » : le chef d’orchestre sans lequel les Lips n’auraient sans doute pas cette profondeur. Michael Ivins : bassman, the Ox #2.

« I accidentally touched my head and noticed that I had been bleeding ». Ainsi je découvris le puits sans fin des Lèvres Brûlantes grâce à ce disque miraculeux : « The Soft Bulletin« . Examinant l’historique du groupe (première incarnation en 1983 : let’s dance!) et guettant chaque sortie d’album, je réalise maintenant la puissance et la cohérence du projet. Après avoir repris intégralement « Sgt Pepper », « Dark Side Of The Moon », volontiers cité le récemment disparu Jacques Du Temps de l’Amour (Yes we CAN), les Lips nous racontent ici un demi-siècle de psychédélisme.
Un titre polonais, me direz-vous ? Et alors, le fort pouvoir évocateur de la phonétique sur les non-locuteurs fera le reste. L’idée surgit quand Drozd bloque sur une phrase tirée de « Close to Home » du romancier américain Erskine Caldwell. La traduction, shakespearienne pour le coup, lui fit penser à une drogue du futur : « Eyes of the Young » : ok parfait, on a un titre ! Cet album nous installe progressivement dans l’incertitude : chef-d’oeuvre ou « encore un truc des Lips avec 2-3 tubes, et le reste : tu planes ou tu baddes ». Le faux avertissement des prétendus connoisseurs est vite démenti : je pense donc je plane. Le disque est un vrai trip : de vos états d’âme/conscience dépendront l’intensité et la longueur du voyage. Un prélude floydien, une balade en scooter qui mute en hymne fétichiste :

Puis l’on retrouve avec bonheur un clone du Vincent Price de « Thriller » sur « There Should Be Unicorns ». Les fans apprécieront le magma mélodique à la façon d’un jeu de société, ponctué d’auto-citations sonores piochées dans le riche répertoire du groupe : les deux savants de « Race For The Prize » devisent avec Yoshimi et les robots vaincus « A Thouars With The Mystics » (la meilleure vanne labiale ever, Motel copyright) en observant les planètes sur l’Ile d’Elbe après un un orgasme paraphile. Les néophytes se baigneront dans ces eaux riches en sodium ou retourneront dans le futur.

« One Night While Hunting for Faeries and Wizards and Witches to Kill » (ce titre!) : injonction de testostérone sur un canevas de Kate Bush. Tel un Timothy Leary des temps modernes, Wayne nous guide à travers les arcanes de ce labyrinthe. Les Flaming Lips, prototype rare du groupe bipopulaire : révéré par l’Internationale Indé (si tant est qu’elle existe encore, de Brest à Fukushima), respecté par l’establishment (l’extraordinairement catchy « Do You Realize?? » fut un temps l’hymne de l’état d’Oklahoma). Je confirme que ce morceau peut avoir un effet puissant sur l’auditoire : votre rédacteur a eu la chance d’assister à l’une de leurs performances à l’Alexandra Palace, London, UK (Ally Pally pour les intimes du rock psyché) : 10 000 trentenaires pleurant de joie dans une salle transformée en piscine à balles : l’émotion vous saisit, un choc ! Et dans des circonstances plus récentes (club parisien, soirée en hommage au groupe), le public plonge aussi volontiers dans un élan Hey Jude-sque sur le final. Le sex glow nous enveloppe sur la face B, stimulés que nous sommes par les grenouilles aux yeux diaboliques. Le bestiaire est toujours aussi lysergique : fées/sorcières, magiciens, et le Château donc : pièce de résistance du disque, « The Castle » dans lequel Wayne et ses Lèvres nous proposent une version digest de « Connaissance du Patrimoine » sous acide : voici le donjon Ouest et ses meurtrières, le pont-levis, les mâchicoulis au lointain.

La très controversée Miley Cyrus (c)hante enfin le « We A Family » qui clôt le 33 tours par minute : leur projet commun « Dead Petz » semble promis à un bel avenir. Les Flaming Lips : un groupe souvent excitant, parfois décevant (« Oczy Mlody » est loin du podium) mais reconnaissons-leur cette singulière capacité à (dé)construire une oeuvre solide et cinglée. 

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