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Disques

Bertrand Betsch – Tout Doux

Bertrand Betsch - Tout Doux

Déjà avec “La Vie apprivoisée”, Bertrand Betsch avait trouvé une vertu qui manquait à ses derniers disques, un certain sens de l’économie. Il confirme son retour en grâce avec ce superbe “Tout doux”.

Bertrand Betsch est un personnage aussi attachant qu’il peut être insaisissable. Il est rare de ne pas trouver un titre absolument brise-cœur sur un de ses disques, mais il n’a pas toujours su se débarasser de titres plus anecdotiques sur ses derniers albums, d’où un résultat un peu bancal ou maladroit. Depuis « La Vie apprivoisée », BB a repris à son compte un sens de la concision qui lui faisait parfois un peu défaut. Et cette concision lui va à merveille. Son propos ramassé fait mouche, bouleverse et emporte l’adhésion. 

Quand Bertrand Betsch chante la lassitude et le nivellement des sentiments, on entend cette même ironie lumineuse que l’on aimait tant sur les premiers Florent Marchet, comme ici sur l’inaugural « Tout doux ». Il est loin le temps des grimaces pour Betsch, le temps des postures bravaches, on aimerait ne plus fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve.

Ce qui est nouveau chez Betsch, c’est cette chaleur immédiate, cette empathie pour celui qui l’écoute car il y avait toujours chez  lui une forme de distance, d’absence à soi-même, de cynisme mordant pour soi et les autres. Toutefois, les démons ne sont pas encore morts et bougent encore : « Je porte toujours en moi la honte d’être vivant. »

A la fois très cohérent et hétéroclite, « Tout doux » joue d’un style délicat. « J’espère » évoque le primo-Velvet Underground quand « Ça vaut la peine » convoque Taxi Girl et Souchon dans une mélodie faussement enjouée. Il s’amuse du contraste pour un propos peut-être plus grinçant encore. 

Lui qui aime tant le travail en collaboration, on pourrait citer ici sa participation essentielle au disque magistral de Kiefer, « Manifeste ». Pour « Tout doux », il a voulu tout faire tout seul. C’est sans doute de là que vient ce sentiment d’une substance bien palpable.  De cette collaboration, il semble avoir retenu une envie de simplicité. Il trouve parfois même la lumière comme sur le combattant « Demain toujours ». Bertrand Betsch chante aujourd’hui les presque-riens, les petites choses qui font la vie. Il balade une belle élégance tout au long d’un disque sensuel et delicat.

« Chanter pour masquer le vide en soi

Chanter c’est appeler quelqu’un qui ne répond pas

Chanter pour briser le miroir, la glace

Chanter pour parler à qui nous fait face »

 

C’est dans le plus simple appareil, un piano songeur le temps de « L’Alibi » que Bertrand Betsch nous transperce avec une mélancolie suggestive. Ce qui est neuf aussi chez lui, c’est cette volonté de laisser de côté les filtres de pudeur et d’aller au plus près des mots. Prenez « Quoi vous dire » et sa cruauté désabusée, ces amours de hasard. Bertrand Betsch dit les deuils, les grandes passions incandescentes qui brûlent et qui glacent. L’évolution d’une vie, son cycle, c’est de naviguer à vue entre de grands cercles de déception et de peine mêlés à quelques instants plus rares d’apaisement. On grandit ainsi entre intranquillité et peur d’une sécurité trop acquise. 

Emil Cioran disait : « Ce qui n’est pas déchirant est superflu, en musique tout du moins. » La musique de Bertrand Betsch est tout sauf superflue, à l’image de ce modeste et paradoxalement ambitieux « Tout doux ».

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