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Bilan 2019 – Derniers adieux

Ils nous ont quittés en 2019 ou dans les années 2010 ; nous leur rendons un ultime hommage.

Les disparus de la décennie

Le temps défile et se fait toujours assassin. Il est somme toute logique que certains (grands) artistes rock aient disparu dans la décennie 2010, et en particulier ceux qui naquirent avant le milieu du siècle précédent, avant même la naissance du rock’n’roll qui souvent berça leur adolescence. Ainsi, trois géants qui entretenaient plus d’un lien entre eux nous ont quittés : Lou Reed en 2013, David Bowie et Leonard Cohen la même année, en 2016. Leur songwriting, nourri de poésie, éleva les mots du rock au rang d’art majeur. Leurs discographies respectives restent parmi les plus considérables de l’histoire, et parmi les plus influentes.

Nous ne reviendrons pas sur ce qui a pu unir les deux premiers au début des années 70, notamment le temps d’un disque passé à la postérité que Bowie produisit pour l’ancien leader du Velvet, “Transformer”. Avant leur passage dans l’au-delà, Leonard Cohen (à qui le Jewish Museum de New York a consacré cette année une belle exposition que nous avons visitée) et David Bowie auront chacun publié deux albums crépusculaires et magnifiques, de ceux qu’on n’osait plus espérer d’eux, aux titres si proches : “You Want it Darker” et “Blackstar”, ou comment magnifier l’angoisse d’une mort proche, par l’imaginaire, et une lucidité sans égale.

Enfin, 2016 aura vu la disparition inattendue d’un autre génie, le 21 avril (jour décidément funeste !) : Prince, bien sûr. Un musicien total, dont l’œuvre, par sa variété (funk, psychédélisme, électro-pop minimaliste, ballades crève-cœur et expérimentations en tout genre), sa profusion et son innovation constante (au moins dans les années 80) reste sans équivalent. A Paisley Park, le nain mauve semblait enregistrer en permanence, au fil de son inspiration, jouant généralement tous les instruments lui-même. Comme avec Bob Dylan ou Neil Young (encore vivants, heureusement !), sa production excédait largement ses seules sorties commerciales, même quand il publiait un album par an. Des archives ont déjà commencé à voir le jour, et on peut s’attendre encore à des brassées d’inédits dans les années à venir. En espérant que les tiroirs seront raclés moins profondément que pour Hendrix ou Jeff Buckley… (Hugues Blineau et Vincent Arquillière)

Quelques disparus de l’année

Mark Hollis


Mark Hollis s’en est allé le 25 février, l’annonce de sa disparition ravivant bien des souvenirs adolescents, et, plus encore, une empreinte indélébile pour ceux qui, après le succès commercial du milieu des années 80, auront suivi ses aventures en apesanteur à l’intérieur de Talk Talk, puis en solo sur un unique album sans titre. La mort du musicien a ainsi donné à beaucoup – fans, musiciens–- l’envie de partager sur la toile leur amour inconditionnel pour sa dernière existence musicale connue, de « Spirit of Eden » (1988) à « Mark Hollis », sorti dix ans plus tard, qui marquera son retrait définitif de la vie publique. L’histoire de son (immense) groupe, Talk Talk, est singulière à plus d’un titre, et grande est l’envie de nous y replonger, étape par étape, pour mesurer combien Mark Hollis a traversé son époque plus vite, plus fort que n’importe quel autre, avant le retrait de la scène musicale. Se retirer du monde, une manière élégante d’éviter le disque de trop, les redites, les contraintes imposées par la marchandisation de la musique. La disparition, sans doute, comme éthique, et d’autres manières de vivre sa vie, hors champ. (H.B.)

Scott Walker


Impossible de ne pas penser à nos propres cheminements personnels, toujours en zigzags, du métal à la pop, en passant par l’expérimental et le lyrique, pour évoquer la mémoire et la musique de Scott Walker, tant il fut pour nous un compagnon de route. Pourtant, le rapport que l’on peut entretenir avec son univers relève sans doute davantage de la fascination que de la proximité : fascination pour une voix exceptionnelle et de plus en plus intimidante au fil des ans, une musique orchestrale sans équivalent dans l’histoire de la pop, la photogénie d’un homme à la classe innée et aux tourments plus ou moins bien cachés. Et pour un parcours à nul autre pareil. Passer de Bacharach à Sunn O))) via Brel, même en cinquante ans, ce n’est pas courant… Comme tant de musiciens, de Marc Almond à Neil Hannon, on trouvait chez Scott la grandeur que la vie nous refusait. Ses disques resteront des phares dans la nuit. (V.A. et G.D.)

Philippe Pascal


A la charnière de deux décennies, Marquis de Sade aura été, avec Taxi Girl, le plus beau groupe français de l’ère post-punk. Lettrée, habitée par l’aura de son chanteur Philippe Pascal, la musique sombre des Rennais restera comme une référence absolue en France et même au-delà, puisant ses références dans la culture du passé (“Conrad Veidt”) tout en incarnant la modernité dans ce qu’elle peut avoir de plus pur et tranchant. Une carrière brève marquée par deux disques inoubliables, “Dantzig Twist” et “Rue de Siam”, et un succès public modeste qui ne sera jamais à la hauteur de son influence indélébile sur le rock français – leur concitoyen Etienne Daho en premier lieu, qui n’aurait peut-être pas osé se mettre à chanter sans eux, et qui collaborera par la suite avec le guitariste Frank Darcel. Il suffit d’écouter le premier single de Marquis de Sade publié en 1978, “Air Tight Cell”, pour saisir l’urgence et la classe inouïe de ces garçons en gris, seule alternative plausible (et digne) de ses contemporains anglais, Joy Division ou Gang of Four.

Philippe Pascal poursuivit l’aventure avec Marc Seberg, qui le fit traverser les années 80 en outsider “new wave”, restant toujours sur le seuil d’une reconnaissance plus large jusqu’à la séparation du groupe en 1992. Un unique disque sous le nom de Philippe Pascale (un duo avec Pascale Le Berre) en 1994, passé injustement inaperçu, précéda une longue traversée du désert, avant un retour inespéré de son premier groupe, en grande pompe, en septembre 2017, sur la scène mythique du Liberté à Rennes. Après quelques concerts toujours intenses et une date programmée aux Transmusicales, Philippe Pascal et Marquis de Sade étaient sur le point d’enregistrer un troisième album, près de 40 ans après “Rue de Siam”. Il n’en sera rien, la mort du chanteur magnétique mettant hélas un terme à nos espoirs. (H.B. et V.A.)

Ric Ocasek


Avec les rutilantes Cars, cet étrange personnage au visage en lame de couteau avait offert une ribambelle de tubes à double fond aux radios américaines entre la fin des années 70 et le milieu des années 80. C’était aussi un producteur tout terrain, qui avait travaillé avec Weezer, Bad Brains, Bad Religion, The Killers ou Suicide (le deuxième album). Sans oublier Nada Surf, pour leur premier album qui contenait le tube “Popular”. Le leader du groupe, Matthew Caws, lui avait rendu un bel hommage sur NPR.

Daniel Johnston et David Berman

Nous sommes tous Sorry Entertainers

Année 2019, annus horibilis pour la pop. Si on a été franchement abattus par les décès de Mark Hollis et de Scott Walker (lire plus haut), habitant déjà les hautes sphères et glorifiés de leur vivant pour l’Éternité, le moral nous est resté dans le fond des chaussettes sales bien plus longuement et plus amèrement lorsque nous ont quittés Daniel Johnston et David C. Berman.

C’est que les chansons et l’esthétique de David et Daniel font partie de notre ADN commun et même des pierres fondatrices de POPnews. On relira, pour le « Fun », les chroniques quasi baptismales de nos albums matriciels (« American Water » pour Silver Jews ou « Fun » pour Daniel Johnston). D’autres chroniques d’époque sont accessibles comme « Rejected Unknown », « Daniel Johnston Is and Always Was », les rééditions des premières cassettes, ou encore le ebau tribute album « Daniel Johnston Discovered Covered ».

Pour David Berman, on relira également ce que les copains ont écrit sur « Lookout Mountain, Lookout Sea » ou la dernière chronique de ce qui restera l’ultime album de Berman, exilé de ses Silver Jews : « Purple Mountains ». Depuis 1998 donc (« It’s Spooky », Danny avec Jad Fair), les âmes de Berman et de Johnston, grands frères sinon parrains, hantaient nos lignes… Et eux non plus, on n’est pas près de les oublier (G.D.)

Crédit Ph. Pascal : FAUX CATHERINE/SIPA

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