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Disques

The Orielles – Disco Volador

Les sœurs Esmé Dee (chant, basse) et Sidonie Hand-Halford (batterie), qui forment The Orielles avec Henry Carlyle Wade (guitare, chant) et Alex Stephen (claviers), sont un peu les pendants féminins et britanniques des frères Brian et Michael D’Addario, alias The Lemon Twigs. Comme eux, elles ont pour père un musicien dont le talent n’a jamais été reconnu. Si quasiment personne n’avait entendu parler de Ronnie D’Addario avant que ses rejetons accèdent à la lumière, pas grand monde non plus ne possède les deux très estimables EP – rappelant The Church ou les Chameleons – sortis à la fin des années 80 par The Train Set, groupe dont faisait partie le géniteur d’Esmé Dee et Sidonie. Dans les deux cas, les enfants auront été à bonne école, se familiarisant avec la pratique musicale et découvrant une vaste collection de disques dès leur plus jeune âge.


Comme les Lemon Twigs, The Orielles nous ont d’emblée séduits sur scène par leur fraîcheur, leur enthousiasme et leur absence de calcul. Mais leurs enregistrements (quelques singles à partir de 2014, dont les premiers produits par Jez Kerr de A Certain Ratio, puis un album en 2018, “Silver Dollar Moment”) nous paraissaient jusqu’ici encore un peu verts. D’où l’excellente surprise que constitue “Disco Volador” : sans doute pas l’album de la maturité – ils sont encore trop jeunes pour ça –, mais un disque particulièrement abouti et parfaitement réjouissant, qui semble chercher l’évasion au fin fond de l’espace. Quand “Silver Dollar Moment” agrémentait une tambouille indie-rock assez classique (plutôt efficace sur “Let Your Dog Teeth Grow” ou “I Only Bought It for the Bottle”) de petits effets psyché-cosmiques, “Disco Volador” offre un son plus ample et organique, qui est un peu la suite logique de “Blue Suitcase”, le titre qui refermait l’album précédent.


Si l’intention du quartette n’était sans doute pas de renvoyer à une époque révolue (et qu’il n’a pas connue), c’est bien le début des années 80 qu’évoque, au moins dans l’esprit, ce nouveau disque. On pense à la fois à l’espèce de post-disco exotique et déluré que jouaient à New York Kid Creole, Pulsallama ou, dans une variante plus minimaliste, Konk, Liquid Liquid et ESG, et à la pop plus introvertie, mais revendiquant elle aussi une certaine légèreté, que pratiquaient en Europe Weekend, Antena ou (si l’on veut être encore plus pointu) l’Estonien Velly Joonas. On passe même parfois de l’un à l’autre dans la même chanson. Ouverture parfaite, “Come Down on Jupiter” commence plutôt atmosphérique, voire planant, son spatialisé et rythmique syncopée, avant d’accélérer sans prévenir à 1’33 et d’envoyer très haut un refrain en forme de fusée à deux étages. Le groupe applique ce principe à plusieurs reprises sur l’album, de manière suffisamment habile pour éviter qu’il tourne au procédé.

Dansant, “Disco Volador” ne se repose jamais uniquement sur le rythme, pourtant particulièrement riche : bongos, cowbell, sifflets et autres bricoles non identifiées. Même sur les titres les plus groovy comme “Bobbi’s Second World” ou “7th Dynamic Goo”, c’est avant tout les mélodies vocales effervescentes d’Esmé Dee que l’on retient, comme chez The Go! Team ou Deee-Lite. Elles sont les lignes directrices d’un disque qui brasse tellement d’influences (de l’exotica aux girl groups en passant par le postpunk, le funk et l’acid house) et fait penser à tellement d’artistes – en vrac, outre ceux déjà cités, Stereolab, Broadcast, Tahiti 80, Hot Chip, The Pastels, The B-52’s, Pink Floyd période “The Dark Side of the Moon”, les guitares de New Order (“A Material Mistake”) voire de The Clientele (“Whilst the Flowers Look”)… – qu’il courait le risque de n’être qu’un fourre-tout indigeste. Et qui est heureusement tout le contraire.

Cette musique ne vous sauvera pas la vie, mais elle vous rendra sans doute les jours sombres que nos traversons un peu plus supportables. C’est déjà beaucoup.

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