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Disques

Raretés confinées (4) : “She Gave Me Away” de Minor Majority

Ce confinement est pour beaucoup d’entre nous l’occasion de nous replonger dans quelques disques obscurs et oubliés. Et, parfois, d’y retrouver des chansons qui ont compté, et qui nous évoquent des souvenirs. Aujourd’hui, “She Gave Me Away” de Minor Majority (2004).

Si des groupes comme ABBA, de Stockholm, ou A-ha, d’Oslo, avaient marqué la musique populaire dans les années 70 et 80, les décennies suivantes ont vu les musiciens scandinaves à la fois accroître leur présence et se diversifier. Outre évidemment le black metal dont je ne suis pas un grand spécialiste, Norvégiens, Suédois, Finlandais et Danois s’illustraient ou s’illustrent toujours dans l’electro-jazz plus ou moins atmosphérique (Nils Petter Molvær, Bugge Wesseltoft, Jimi Tenor…), le rock tendance garage (The Hives, The (International) Noise Conspiracy, Powersolo…), l’indie pop (Eggstone, Cardigans, Wannadies, Popsicle, Hater…), les singers-songwriters féminines (Stina Nordenstam, El Perro del Mar, Frida Hyvönen et bien d’autres tout aussi remarquables) ou le folk-rock sous influence américaine, voire americana. On se souvient peut-être du regretté St. Thomas, dans le sillage de Neil Young, de The International Tussler Society, des Danois de Murder (dont j’avais récupéré le fort bon deuxième album lors d’une journée de showcases de groupes locaux… au Luxembourg) ou du plus sophistiqué Thomas Dybdahl révélé chez nous par le label bordelais Talitres.

Dans ce registre, j’avais beaucoup aimé, avant de les oublier un peu, les Norvégiens de Minor Majority. Avant moi, un autre label bordelais, Vicious Circle, s’était enthousiasmé pour leur musique, décidant de sortir leurs disques en France à partir du troisième album “Up for You & I”. Et qui dit distribution dit (en principe) journées promo. En 2004, je m’étais donc retrouvé à interviewer le groupe, déjà pour POPnews. Dans mon souvenir, la rencontre avait eu lieu dans un café de la rue de Rivoli, pas très loin des bureaux des “Inrocks” où je travaillais alors, et qui n’avaient pas encore déménagé.
Ils étaient deux, ou en tout cas deux à dire des choses méritant d’être retranscrites : Pål Angelskår (chant, guitare acoustique, et écriture de la plupart des chansons) et Jon Arils Stieng (guitares, sans doute l’artisan du son du groupe). Ils en avaient profité pour faire un petit passage à la boutique Parallèles, près des Halles, et ce qu’ils en avaient rapporté n’était pas franchement avant-gardiste. Jon avait acheté en vinyle d’occase les deux premiers Dire Straits et nous avions convenu que c’était encore pas mal à l’époque. Il ne cachait d’ailleurs pas l’influence que la bande à Mark Knopfler avait eue sur son jeu, et il suffit d’écouter le petit riff ourlé de “(In That) Premature Way” pour s’en convaincre.
La relecture aujourd’hui de l’interview, bien sûr faite en anglais (langue dans laquelle ils chantaient, et qu’ils parlaient certainement mieux que moi), vient confirmer le souvenir que j’en avais gardé. Les Minor Majority n’avaient pas forcément des choses bouleversantes à dire sur leur musique, mais comme elle ils étaient clairs, modestes, sympathiques et sans chichis. Pareil sur scène – j’ai dû les voir deux ou trois fois à Paris à l’époque – où ils jouaient comme s’ils étaient dans leur local de répètes et restaient volontiers discuter avec leurs fans après le concert.

Le classement alphabétique me permet de retrouver sans peine leurs CD dans ma discothèque, entre Midlake et Miossec. La plupart avaient été chroniqués à l’époque par mes camarades. Il manque le tout premier, “Walking Home from Nicole’s”, que je crois pourtant avoir – il faudra que je regarde s’il est chez mes parents –, et le dernier, paru en 2019 après dix ans de silence. Sorties uniquement en Norvège, où le groupe a connu un certain succès, les éditions vinyle atteignent des cotes assez élevées sur Discogs.
Pour me replonger dans la musique du groupe sans avoir à tout réécouter, j’opte pour la compilation “Candy Store”, composée d’un premier CD best-of et d’un second rassemblant des titres pour la plupart inédits. Défilent des chansons qui, bien que je ne les aie pas entendues depuis des années, me sont immédiatement familières : “Dancing in the Backyard” en duo avec Karen Jo Fields qui a souvent chanté avec le groupe, “Come Back to Me”, “Supergirl”, “Alison”… Beau son, voix superbe de Pål entre Stuart Staples et Michael Stipe, mélodies soignées : si l’ensemble manque un peu de fantaisie et d’originalité, et s’avère un brin répétitif sur la longueur (ce que nos chroniques d’alors soulignaient souvent), le romantisme désenchanté quoique jamais plombant qui s’en dégage n’a rien perdu de son pouvoir de séduction. La mélancolie domine mais sait se montrer enjôleuse, comme sur “She Gave Me Away”, ballade lumineuse qui avait visiblement retenu l’attention des gens de Vicious Circle (un CD single promo en témoigne) et qui avait été clippée. Seize ans plus tard, rien ne nous empêche d’en faire un petit tube à usage domestique, pour danser dans l’arrière-cour ou dans le jardin – faute de pouvoir aller plus loin.

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