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Disques

Mickaël Mottet – Glover’s Mistake

Regards passionnés en arrière pour le premier album solo de l’ex-Angil sous son propre nom. Collage d’influences et écriture fine en anglais : un album d’amours.

Je garde toujours en tête les remarques avisées de Guillaume de Maison Neuve (ce qui me permet de recaser le lien vers l’article et SURTOUT de vous encourager à écouter cet ultime « Vivi », incroyable).
Axiome 1 : Un français qui chante en anglais : c’est dommage. « Singing in a foreign language is very shameful », chantait Guillaume, en anglais !, sur “Giving Up Is a Daily Fight” (split album avec Lispector, « Young Wild And Lonely »).
Axiome 2 : j’aime pas être caressé dans le sens du poil.
Je ne sais pas pourquoi je garde en tête ces phrases, dont je me suis fait des règles, si ce n’est pour les transgresser.
Voilà donc typiquement un album qui ne devrait pas me plaire et que j’aime beaucoup. Curieusement, il arrive à un moment charnière du feu rock indépendant, qui vient, disons, à sa crise de la quarantaine, ou du moins de celle de ses auteurs, ex-fans des 90s. Toujours tout feu tout flamme mais clairement d’un autre temps. Le temps de la radio, des découvertes tous azimuts, des lectures de magazines, ou pire de fanzines, des prescripteurs éclairés, des emprunts/achats de disques, des médiathèques, des cassettes échangées, des CD gravés, des micro-productions en sortie physique, comme on dit maintenant. “Glover’s Mistake” est, en cela, le parent français de “Microphones in 2020”.
Un regard jeté en arrière sur tout ce qui l’a constitué, dans un réagencement musical à la fois vif, urgent et cultivé. L’aspect général tient à peu de choses, quelques notes de piano, parfois un riff, une architecture de peu dans la tradition DIY des home-studio mais constellée de charmants ajouts qui pétillent de références et nous font voyager dans ce qui fut, aussi, notre cheminement.
“I Won’t Be Still” pourrait être du Divine Comedy (“Promenade” pleine de vents) au visage balafré par les Stooges. “The Invisible” nous évoque la pop bricolée et, un temps, susurrée de Centenaire, autre gemme française.
Mais rien n’est si simple, tout l’album est sans cesse contrarié par des chausses-trapes, des éléments qui ne devraient, a priori, pas être là : un flow rap sur des claviers-clavecins (“The Butt”, des vents soyeux (clarinettes, hautbois, saxophone) qui s’invitent sur des compositions branques, pas là que pour faire joli donc mais aussi pour donner de l’air et brouiller, si ce n’est saper la bricole de la composition (“Swoop In from the Coasts”).

On pense ainsi sans cesse au dernier Mark Hollis, plein d’inconfort, de silences, de pistes inachevées. En ce sens, “Glover’s Mistake” est une rêverie musicale. On pense à la phrase de Lacan « l’inconscient est structuré comme un langage » car Mickaël Mottet réunit ses éléments constitutifs disparates et les joint en leur donnant forme. “Glover’s Mistake” est un album hommage à ses épiphanies qu’on s’amusera à débusquer. Certaines très évidentes (le sample d’Iggy Pop période “American Caesar”, la nôtre donc, sur “Swoop In from the Coasts”, Melanie de Biasio sur “BBC 6 Music”, McEntire, notre batteur sur “I Won’t Be Still”), d’autres peut-être moins (le batteur jazz Elvin Jones sur “Elvin on the Drums”) mais il donne lui-même une sélection détaillée chez les camarades de Section 26, qu’on vous encourage à lire et écouter.

Quant à nous, on s’amuse, modestement, à trouver un faux air de The Halo Benders dans les percussions de “Playing with My Dream Band” ou, avec “Bible Study”, carrément un swing Red Hot Chili Peppers, (première) période John Frusciante. On pense d’ailleurs sans cesse aux albums solo du guitariste prodige ex-camé : notamment dans les collages de “Niandra Lades and Usually Just a T-shirt” ou ceux de dEUS (dEUS, putain…), champions inattendus de l’époque. On est donc dans une culture au sens large, sans restriction stricte (un ancien fan, avoué, de Saxon ne peut pas être mauvais) et c’est en cela que “Glover’s Mistake” touche. Phrasé Beastie Boy ou Kiedis si ce n’est Alan Parker (Mimi, l’épouse, est même citée sur le titre hommage “15 Ways to Leave Mark E. Smith” qui aurait pu trouver sa place sur la compilation tribute de Teenage Hate Records à côté du titre de Michel Cloup), Mickaël Mottet fait feu de tout bois pour évoquer ses marottes (les groupes à multiples têtes pensantes dans “The Butt”, les écoutes de la BBC), son passé d’adolescent aspirant rock star chambriste avec “Playing with My Dream Band”, stéréolabien et, là encore, on repense à “Microphones in 2020”, aux années d’apprentissage et de voyage à Londres.
Ultime point, non des moindres, une attention particulièrement soignée à l’écriture en langue anglaise d’un petit fFenchy malin avec cette ouverture qui en dit long :
An entire career based on mondegreens.
It seems things are never what they seem.
Si ce n’est pas tout nous, ça, infatigables déchiffreurs de textes cryptiques en anglais depuis la plus tendre adolescence.
Pour ceux qui se demandent encore ce qu’est un mondegreens, on vous propose le titre du dernier album de The Married Monk, « Headgearalienpoo », autre français styliste en anglais (pas en amerloque, nuance !) ou, mieux, celui qui fait le corps de la chanson “Maples Leaves” de Jens Lekman (et comme ça on boucle avec The Fall).
Disque des passions qui durent, il était évident de le terminer par une chanson d’amour : c’est le magnifique “Glover’s Mistake”, du pur Low plus vrai que nature, puisque Low c’est avant tout, entre eux et avec nous, une histoire d’amour au long cours.

Avec “Glover’s Mistake”, Mickael Mottet laisse tomber le masque félin d’Angil et publie un disque frais comme l’adolescent qu’il est sans doute resté, puissant dans les ramifications qu’il tisse. Et si ça vous pousse, en plus, à regarder “Turnpike Type de dEUS” (d’ailleurs, le saviez-vous ? POPnews écrit sur dEUS depuis la quasi création du site en… 1999), starring l’éternel Seymour Cassel, tout n’aura pas été vain.

Avec l’aide de Johanna D., you me is the real me.

“Glover’s Mistake” de Mickaël Mottet est sorti le 9 octobre 2020 chez We Are Unique ! Records.

I Won’t Be Still
The Invisible
The Butt
Swoop In From The Coasts
15 Ways To Leave Mark E Smith
Composing Our Own Forlanas
BBC 6 Music
Bible Study
Elvin On The Drums
Playing With My Dream Band
Glover’s Mistake

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