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Disques

Watine – Intrications quantiques

Sur un album où les notes, limpides et éparses, coulent comme une évidence, la musicienne propose un fascinant voyage au cœur des sens, de l’âme, de la matière. Et nous fait toucher du doigt, et du cœur, les mystères de l’univers…
Dans ce deuxième tome d’une trilogie follement ambitieuse, débutée avec le superbe “Géométries sous-cutanées” en 2018, Catherine Watine se connecte en direct avec les éléments, fait surgir de son piano, de ses collages ou de ses inspirations électroniques une musique épurée mais foisonnante, élaborée et pourtant simple, évidente. Une pulsation, un bourdonnement, et l’artiste nous emporte dès l’inaugural “Eros & Thanatos” dans un fascinant pas de deux entre l’amour et la mort, où le sang coule, épais et chaud, puis se fige. Ces notes inspirées, éparses, précises, la musicienne va les puiser, dirait-on, dans le flux qui irrigue ses veines, là où s’exprime le battement de son âme…

Elle poursuit tout au long d’“Intrications quantiques” son cheminement dans les outre-mondes, ces entre-deux où les humains parfois se perdent, mais peuvent aussi rencontrer l’indicible. On a ainsi l’impression, dans “Blurred Shapes”, de se trouver, comme dans une œuvre de David Lynch, au-delà de tout ce que nous connaissons du réel, ou de ce qui y ressemble, et de découvrir un monde mystérieux, inquiétant ou réconfortant, c’est selon. Watine s’aventure dans les forêts sombres et denses de nos peurs et de nos désirs confondus, pour y ouvrir des clairières où l’on se verrait dans un miroir limpide, où l’on se retrouverait face à notre être enfoui, antédiluvien. La sève d’une fougère ; le sang d’une biche ; le souvenir de l’eau ; le bruit d’une pierre : c’est tout cela qui affleure ici au niveau subatomique, loin, très loin sous l’épiderme… Le piano, omniprésent, le Pleyel fidèle, guide nos pas, nous accompagne en douceur dans l’obscurité enveloppante de nos craintes immémoriales. Cela pourrait être une définition de l’art.
La lumière d’un phare qui troue la nuit… Au cœur de “The Lighthouse in the Edge” émergent des mélodies discrètes mais somptueuses, comme des sources miraculeuses naissant au fond de l’océan. Dans le noir que rien ne déchire, où ne perce jamais la lumière, et pourtant. Ici, les courants des profondeurs nous entraînent et font chavirer nos émotions.

Et puis, soudain, une cloche tibétaine. Catherine Watine fait musique de tout bruit… Fait entrer le son du monde dans ses paysages oniriques. Et le monde entier. Et les êtres. Et les choses… Au fond des abysses, on fait des rencontres inattendues. Des créatures lumineuses et bienfaisantes, qui nous offrent une douce, si douce étreinte (“Still Waters Run Deep”).
Plus loin, retour sur la terre. Le vent souffle dans les branches. Les arbres vivent et pensent. “Rustling Forest” offre une oasis de tranquillité. On s’y repose, entouré de chevreuils, d’insectes et de fées. La vie se déploie, sous toutes ses formes. La mousse, l’écorce, l’humus, la chlorophylle, l’hémoglobine, la peau… Il suffit de fermer les yeux, et tout prend forme, jusqu’à la moindre particule.
Le voyage se termine, déjà, avec la rythmique unique et entêtante du plus célèbre des boléros. Sur “Interstellar Un-Ravel“, Ravel et Björk se donnent la main, sous le regard démiurge et bienveillant de l’artiste. La chaleur irradie. L’apaisement est total. L’expérience, intime, sensorielle et spirituelle, hors du commun.

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