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DiversInterviews

Un tour en ville #19

Les indépendants face à la pandémie

Dans le domaine de la culture, au sens large, le couvre-feu puis le confinement ont compromis bon nombre de spectacles et de publications. Jusqu’à poser la question de la pérennité de certains lieux de diffusion, de quelques structures indépendantes et de projets artistiques. Dans les grandes villes, au ralenti, nous interrogeons musiciens, acteurs des sphères indés et autres pour prendre le pouls de la cité. Malgré le marasme, l’espoir demeure et des initiatives se font jour… qu’il est urgent de soutenir.

Bordeaux

Sean Bouchard, responsable du label Talitres

Comment c’était avant ?

Tout dépend où se situe « l’avant ». Cela fait désormais 20 ans que je mène la barque d’un label indépendant. Au fil des ans nous avons vécu maints bouleversement, diverses remises en questions, nombreuses joies et satisfactions, presque autant de déconvenues et d’envies d’aller voir ailleurs. Talitres est une petite entreprise qui a toujours connu la crise. Depuis l’orée des années 2000, l’industrie musicale traverse une crise profonde et durable. Cela n’est pas une légende. Et malgré tout nous avons toujours le luxe suprême de signer et défendre les artistes « qui parlent à nos oreilles et secouent notre cœur. » C’est une chance infime, soyons en conscients. Les expériences passées et la crise sanitaire actuelle m’incitent à penser qu’il est plus jamais nécessaire de travailler nos sorties avec un militantisme forcené, d’œuvrer plus encore à notre identité, à nos spécificités et à nos différences.

Quelle est la situation actuelle de la ville ?

La situation a Bordeaux est sans doute très similaire à celle dans de nombreuses villes françaises… et d’ailleurs. Une usure psychologique pour certains, une envie décuplée d’agir pour d’autres. On y reviendra un peu plus loin, mais nous avons la chance de partager nos locaux avec deux autres maisons de disques, un ingénieur du son et une fédération de labels indépendants : c’est un navire qui parfois chancelle, mais qui a le mérite suprême d’exister, une certaine forme de coopération quotidienne, vertueuse et indépendante.

Des motifs d’espoir ?

Il a toujours des motifs d’espoir, surtout en temps de crise. Faisons en sorte de pouvoir les saisir. Doublons d’optimisme, d’imagination et de volonté d’entreprendre. Il ne sert à rien de faire le dos rond et d’attendre des jours meilleurs. Ces jours meilleurs naitront de nos réflexions individuelles et communes, le printemps n’arrivera que si nous le guidons. L’espoir que cette diable d’année 2020 (et très certainement son binôme 2021) puisse engendrer des réflexions durables et constructives : prôner l’indépendance bien sûr, soutenir les initiatives locales, lutter contre toute forme de concentration excessive, redéfinir des choix de vie plus respectueux tant des hommes que de la nature. Il y a bien sûr de nombreux motifs d’espoir même si on imagine que la route sera longue et complexe. Faire en sorte que les belles paroles ne soient pas que des belles paroles, mais qu’elles puissent être suivies d’actions concrètes et durables. Nous n’en sommes bien malheureusement pas encore là. Penser qu’une stratégie d’entreprise ne se conçoit qu’avec celles qui nous entourent. Idem pour la société : encourager l’initiative individuelle mais combattre l’individualisme.

En recentrant la réflexion sur le label, les motifs d’espoir sont bien évidemment également présents : deux décennies d’activité est un motif d’espoir, le sentiment que nous avons été bien sûr ébranlés mais que nous sortirons de cette période avec des convictions renforcées, certaines redirections, des envies nouvelles voire décuplées.

Comment peut-on vous soutenir ?

En œuvrant pour une société moins mercantile, plus juste, plus libre et plus ouverte. Entreprendre dans le sens le plus noble du terme : mener des actions qui même de façon infinitésimale peuvent faire changer les choses, ne rien concevoir comme acquis, savoir remettre en question et douter, ne pas suivre bêtement les adages simplistes et flemmards. Et faire preuve de curiosité, de réalisme et de rêve.

Et vos projets du moment ?

Les projets sont nombreux, et plus nombreux ils sont, plus nous avons le sentiment d’avancer, souvent dans la bonne direction. Je ne suis pas là pour mettre en exergue le catalogue de Talitres, ni pour dresser une liste de sorties à venir, ni pour dire combien nous cherchons encore et toujours à balancer nos œillères aux ornières et à ouvrir de nouvelles brèches. Nous espérons la transversalité, l’échange et le partage.

Vous faire plaisir sur le site de Talitres, c’est possible.

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