Loading...
Disques

Nicholas Krgovich – This Spring: Songs by Veda Hille

Nicholas Krgovich rend hommage à Veda Hille avec une collection de  chansons issues du catalogue de la performeuse canadienne de 1994 à 2020. Exercice de style et acte d’amour.

On n’arrête plus notre petit Nicholas qui enchaîne les sorties à un rythme auvergnat. “OUCH” en 2019, puis l’an passé un album de reprises, “Pasadena Afternoon” et une collaboration avec Shabason et Harris, “Philadephia”, qui fait date, trouvons-nous, dans le genre nouveau du r’n’b-pop-ambient. Exactement dans la même veine, “Florence”, sorti en numérique et cassette chez Idée Fixe Records en mars dernier, offre le même album dépouillé des interventions vocales de Krgovich. Une manière de se concentrer sur l’ambient, les field recordings, voire, c’est l’un des arguments de vente, de s’offrir une tranche de karaoké, de se prendre pour Krgovich lui-même et de casser les oreilles de vos familles et voisins.

“This Spring” lorgne, lui, du côté de “Pasadena Afternoon”. Le deuxième titre de cette cassette, souvenons-nous, était une reprise de “Plants” de Veda Hille. Nicholas Krgovich entretient une relation toute particulière à Veda Hille. Fan de l’autrice-compositrice depuis l’adolescence, il relate avoir suivi avec passion ses concerts (jusqu’à une bouderie prolongée dans sa chambre lorsque ses parents l’ont empêché d’aller applaudir son idole dans un café hippie). Nickie a grandi mais la passion ne s’est pas tarie, le poussant même à se faire housesitter lors du voyage de noces de Veda. Le mari de Veda Hille fut batteur des groupes de Krgovich, P:ano et No Kids, et fatalement Nicholas en est venu à produire certains titres de la Canadienne, figure étonnante qui navigue entre la pop et le spectacle vivant. Citons, pour les shows les plus récents : un spectacle, “Little Volcano”, autour du “Clavier bien tempéré” de Bach, d’une convalescence et d’une résidence en Ecosse ; ou encore une pop-opérette relecture du “Eugène Onéguine” de Pouchkine. Sans compter les albums depuis 1994…

Lors des concerts de reprises dont est issu “Pasadena Afternoon”, beaucoup ont demandé à Krgovich d’où venait le titre “Plants”. L’idée d’un album dédié aux covers de Veda Hille couvait, et on peut supposer que le confinement a aidé à la germination.

“This Spring” est un condensé de l’art multifacettes de Krgovich. “Plants”, en relecture de sa propre relecture, tout en woodblocks et flûte, rappelle “Philadelphia”. “Where Am I from” oppose piano jouet et Rhodes, lames contre lames donc, et cite Glenn Gould, autre weirdo de Vancouver. Cet album dresse une carte intime, très liée à la géographie (Krgovich et Hille ont vécu dans le même quartier). “Lucklucky” sur un un air de musique répétitive, qui rappellera à tous le “Oh Superman” de Laurie Anderson, joue sur les oppositions de la carte et du territoire.

“Bedlam” promène un saxo sexy pour la troisième production de ce titre par Krgovich. Il s’agit bel et bien de raviver des souvenirs et de garder leur essence pour les emmener ailleurs.

“Born Lucky” se pare d’atours reggae-dub-r’n’b quand “Miracles” est inspiré d’un prélude de Bach et… des anti-miracles (refrain) du saint patron de Glasgow, Saint (haricot) Mungo.

“Burst: Neighbororhood Song” tient de l’indie (soft) rock à guitare, très Modern Lovers, ou plutôt de Jonathan Richman quand il voulait bien encore s’armer d’une électrique.

“Slumber Queen” tire sur le folk du genre Little Wings (guitare en prise directe très réverbérée) mais aussi, par moments, vers le plus propre folk anglais. Un folk boiteux, donc, mais très vivant avec envol de voix et claquements de mains.

Un  peu partout, on retrouve la manière Krgovich, crooner moderne, romantique puisant dans les coffres magiques de la pop depuis les 50’s (doo wop, soul blanche…), avec sa voix si délicate et sûre (“A Toast”, “Noah’s Ark”).

« This Spring » est plus qu’une carte de visite, c’est une carte amoureuse de ce Valentin éternel qu’est Krgovich et qu’il adresse à son mentor. Il lui laisse la place et la voix sur le final “This Spring”, chanson de deuil et de renaissance.

C’est aussi une œuvre de passeur d’un Canadien à une Canadienne, toujours dans cette entraide très caractéristique de cette bande nord-américaine, voire de l’hémisphère Nord (les relations variées de Krgovich s’étendant de Tori Kudo à Destroyer en passant par Mount Eerie). On ne peut qu’apprécier ce rôle nous permettant d’accéder aux très belles chansons de Veda, gorgées de citations de Glenn Gould à Walt Whitman et qui pourraient nous rester inaccessibles pour des raisons diverses et variées (disons la voix trop « apprêtée » pour nos oreilles abimées par le DIY). L’ambition non cachée est de nous engager à poursuivre notre écoute des albums de Veda, en effet fort curieux, aux productions fouillées, riches et diverses. Encore une fois, on s’étonnera de la discrétion de la presse sur la variété canadienne.

On espère que le disque inclura les abondantes notes de Krgovich et de Veda Hille sur les chansons et sur leur relation que l’on a essayé maladroitement de résumer.

Avec l’aide de Johanna D., rouleau de printemps.

“This Spring : songs by Veda Hille” sort en LP et format numérique le 21 mai 2021 sur Tin Angel.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *