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Passion Pit – Manners

PASSION PIT – Manners
(Columbia / Sony) [site] – acheter ce disque

PASSION PIT - Manners"Manners" est un de ces disques ne représentant pas un certain type de musique, même si on le classe aisément dans le fourre-tout électro-pop, mais une catégorie particulière de sensations. Félicité, bonheur, exubérance. Si le "Chunk of Change EP" sonnait comme l’essai caduc d’un amateur transi d’amour écrivant des chansons médiocres dans sa piaule d’étudiant, "Manners" s’avère plus organique et consistant, le résultat du travail d’un groupe de potes tentant d’écrire quelques singles avec les moyens du bord et parvenant à réaliser un album cohérent et tenant miraculeusement la route sur la durée.
Certains iront vite en besogne et diront que les chansons se ressemblent presque toutes, mais Passion Pit sait suffisamment modifier son angle d’attaque et ses divers arrangements pour miraculeusement sembler plus frais qu’on ne le suppose aux premières écoutes. La gamme des claviers s’avère ainsi plutôt variée, la différence de traitement et de composition étant flagrante entre, par exemple "To Kingdom Come" et "The Reeling". Les choeurs, assez finement intégrés, notamment sur l’excellente "Moth’s Wings", savent se faire soit emphatiques et martials, soit faibles et distants. Si l’on ne prête pas attention au disque dans son ensemble, en privilégiant certaines pistes, "Manners" peut à certains moments donner l’impression d’être ampoulé et sentencieux, reproche qui ne manque pas d’apparaître dès le titre d’ouverture, "Make Light". Le spectre musical développé par Passion Pit n’est certes ni le plus étendu ni le plus complexe qu’il ait été donné d’apprécier cette année, mais s’étend largement au-delà des simples exercices pop et électroniques.
On peut reprocher à la formation américaine un usage immodéré de certaines ficelles, ou la mise en avant d’éléments un brin putassiers, certainement pas l’intérêt de leurs textes, qui, en dépit de leur caractère parfois faussement sophistiqué, se révèlent au moins chargés d’interrogations et d’observations en tous genres. On sent qu’Angelakos, du haut de ses vingt et un ans, s’il ne parvient pas encore à s’exprimer avec clarté et justesse, a au moins des choses à dire, et généralement sur des sujets fort casse-gueule, avec lesquels il est aisé d’aligner niaiseries et clichés. "Swimming in the Flood" évoque le sentiment de noyade émotionnelle au sein d’une relation, "Moth’s Wings" la recherche d’une amitié sûre et durable en période de crise, "Folds in Your Hands" le désir de contrôler son prochain, pour rester sobre. Le falsetto d’Angelakos empêchera probablement bon nombre d’auditeurs d’apprécier "Manners" à sa juste valeur, mais, pour peu qu’ils s’y immergent et se permettent de reconsidérer sa primordiale position, ils découvriront un chant souple, énergique, sortant des tripes et finalement particulièrement adapté aux compositions.

Il existe de nombreuses raisons pour lequelles "Manners" risque de devenir, à l’image du "Oracular Spectacular" de MGMT en 2008, l’album le plus récupéré de l’année par les médias grand public, et non les derniers Animal Collective ou Grizzly Bear comme on le supposait. L’histoire du groupe possède un fort potentiel marketing, leur musique passe parfaitement en boîte ou en accompagnement sonore pour la télévision, et, surtout, il y a un manque médiatique à combler en attendant le prochain Coldplay ou une énième découverte soit-disant monumentale. Passion Pit n’est certainement pas cette dernière, mais vaut davantage qu’une couverture de magazine ou un passage télé. "Manners" mérite qu’on l’écoute simplement et que chacun s’en fasse une idée honnête, et je doute malheureusement qu’il ne soit vite pris entre deux feux et rapidement étouffé, marginalisé et méprisé par certains, faussement considéré comme un chef-d’oeuvre par d’autres. L’avenir prouvera ou non mes craintes. Toujours est-il que "Manners", à mes yeux, demeurera, à défaut d’une oeuvre marquante, un bon album, singulier, énergique, et agréablement superficiel.

Julian Flacelière

Make Light
Little Secrets
Moth’s Wings
The Reeling
Eyes as Candles
Swimming in the Flood
Folds in Your Hands
To Kingdom Come

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