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Facteurs Chevaux – Interview

Facteurs chevaux vient de sortir il y a peu son premier album, « La maison sous les eaux ». Pour les plus curieux d’entre vous, ce nom étrange évoquera à coup sûr quelque chose, pour les autres, rappelons-leur que derrière se cachent Fabien Guidollet et Sammy Decoster, membres de Verone. On a voulu les rencontrer pour mieux chercher à cerner l’évident plaisir que l’on prend à l’écoute de ce disque.

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Facteurs Chevaux et Verone, ce n’est finalement pas si différent, qu’est-ce qui a provoqué chez vous cette envie de lancer ce projet ?

Fabien Guidollet : Honnêtement, je pense que c’est un projet absolument différent car c’est un projet de co-écriture où Sammy et moi, nous écrivons les chansons de ce répertoire ensemble. C’est un projet complètement différent. Ce sont des titres vécus à deux.

Sammy Decoster : (Sourire) Je pense que ce qui s’est passé, c’est qu’on a commencé à enregistrer les titres tous les deux autour d’un micro. On a commencé à composer sans vraiment avoir de nom, c’est comme cela que Facteurs chevaux est né petit à petit et ensuite on a enregistré le disque de Verone, « La percée » un peu de la même façon.

FG :  Oui, c’est vrai mais après ce sont deux répertoires complètement distincts.

Justement sur « La Percée« , votre dernier disque avec Verone, certains titres comme « La Vallée » ou encore « La Percée » se rapprochent de celui de Facteurs Chevaux…

FG : Ce sont les mêmes personnes qui composent mais peut-être que ce lien commun dont tu parles c’est que ce disque de Verone est aussi enregistré en prise directe ou en grande partie, on retrouve quelque chose d’assez direct et simple dans cette dimension acoustique mais je pense qu’une fois cela dit, les comparaisons s’arrêtent là et que ce sont des morceaux très différents. 

Comment vous êtes-vous rencontrés ?

FG : Par une petite annonce (Rires)… Dans un magazine gay… Non plus sérieusement, Sammy avait mis une annonce où il cherchait quelqu’un qui jouait de Pedal Steel Guitar. Comme nous, de notre côté, on écoutait énormément d’Americana, on s’était dit « Tiens, il cherche quelqu’un qui joue de la pedal Steel donc il doit faire de la bonne musique », on s’est appelé et on a commencé très vite à travailler ensemble.

C’était quoi votre passé musical avant Verone et pour toi Sammy avant « Tucumcari » ?

FG : J’avais un groupe qui était avec à peu près les mêmes personnes. On chantait en anglais, il y a 15 ans. On s’appelait les Lollypops. On avait fait un 45 tours en vinyle et pas mal de concerts. Il y avait une couleur un peu plus électrique, un peu plus Pop. C’étaient un peu les Byrds mélangés aux Pale Fountains. C’était un peu notre objectif à l’époque.

SD : Moi, de mon côté, je jouais dans un groupe, ce que l’on appelait de la Noisy Pop à l’époque. On était très fan de groupe comme Sebadoh, Lemonheads ou des trucs plus noirs comme The Black Heart Procession et on s’appelait Tornado. On a fondé ce projet avec des amis de lycée et en parallèle, j’étais guitariste pour Ultra Orange.

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On a déjà un peu abordé la question, mais approfondissons un peu si vous voulez bien. Selon, qu’est ce qui distingue Verone de Facteurs Chevaux et vice et versa ?

SD : On se connaît depuis très longtemps maintenant avec Fabien et il y a Verone. Il n’y a pas eu vraiment d’influence directe si ce n’est que c’est Fabien qu’est le chanteur et compositeur de Verone  et on a décidé à un moment d’écrire des chansons ensemble . Je pense que l’on s’est vraiment trouvés à la maison à Saint-Sulpice  des Rivoire à écrire ensemble, à la fois un peu affranchis de ce que l’on avait fait avec Verone et on s’est retrouvé face à cette excitation de se retrouver dans ce paysage, dans cette nature, en pleine montagne. Bien sûr ces chansons ont été inspirées par le lieu, la nature. On s’est mis à écrire et à enregistrer assez rapidement.

FG : On s’est pas vraiment posé de question. C’est un projet qui est venu de façon complètement différente en particulier en terme de temps et de lieu. On n’a jamais vraiment joué les morceaux de Sammy, ceux que tu as fait après Tucumcari ou ceux en préparation. On a toujours voulu poser des limites entre chacun de nos projets respectifs, sauf au début de Facteurs Chevaux où nous étions en train de construire notre répertoire. Au début, on mélangeait les répertoires en concert car on n’avait pas encore assez de chansons pour Facteurs Chevaux et jouer toute une soirée mais rapidement, on s’est rendu compte que c’étaient des univers bien que piochant dans l’ensemble de nos projets qui trouvaient une identité autre.

Vous sortez donc ce premier album, « La Maison sous les eaux ». Si je vous cite en parlant de ce disque, par exemple les Everly Brothers, Crosby Still Nash And Young ou encore Nino Ferrer et plus prés de nous ARLT, vous pensez quoi de cette énumération de noms ?

FG : On n’a pas forcément les mêmes disques de chevet . Personnellement, je suis assez fan de Crosby Still Nash And Young avec ou sans Young d’ailleurs. Les Everly Brothers, je pense qu’on aime leurs disques tous les deux. Nino Ferrer, c’est un peu une référence incontournable et particulièrement le Nino Ferrer des années 70. Arlt, on écoute tous les deux mais de là à parler d’influence, je ne pense pas. C’est un projet plus jeune, des contemporains dont on aime beaucoup le travail.

SD : Moi, de mon côté, ce qui est assez marrant c’est que je me rappelle d’une époque avant mon disque de 2009, « Tucumcari » où je suis passé du chant en anglais à quelque chose en Français, ça a été un peu comme un déclic pour moi. J’avais un peu le fantasme de réussir à faire une musique qui ressemblait  à la campagne française, aux villages et je ne trouvais pas d’équivalent en en Français. Tu vois, par exemple, je pouvais écouter Georges Brassens que j’aime beaucoup  mais en guitare-voix, je ne trouvais pas ce truc  qui me rappelait ces petits villages que j’aime, la campagne et tout ça. D’une certaine façon, je suis un grand fan de vieux Blues et pour moi Facteurs Chevaux, c’est une espèce de Blues quelque part, de Blues français car il y a ce son d’une pièce, ce son  très acoustique, très épuré avec des chansons longues et parfois des hululements. Je pense à quelqu’un comme Blind Willie Johnson, c’est quelqu’un qui m’a beaucoup inspiré. A un moment donné, j’étais aussi  très fan de tout ce qui était un peu hanté, je parlais toute à l’heure des Black Heart Procession, toutes ces ambiances noires et sombres avec de la scie musicale. C’étaient des choses qui me parlaient. Parfois, c’était aussi la dimension esthétique qui m’amenait vers un disque, la pochette, je veux dire. Je me rappelle d’un disque de Hood que j’ai acheté sur le seul argument de la pochette, le champ en Ecosse ou des univers sombres comme ceux de Mogwai ou encore Matt Elliott. Je crois bien que pour Facteurs chevaux, je suis allé puiser un peu là-dedans.

FG : Après, je pense que réellement dans la façon  dont on fait les chansons  dans un cadre rural et aussi les endroits où l’on joue, essentiellement dans des villages, dans des montagnes, dans des grottes, finalement, au-delà de nos influences anglo-saxonnes, on se retrouve dans la pratique  plus prés de chanteurs français connus ou pas comme Ferrer ou Manset ou des inconnus comme ce chanteur occitan, Verdier des années 70 ou Alain Alanic. Dans la réalité, on est plus proches de ces gens-là. Ce sont des chansons jouées avec une guitare et des textes qui ressemblent à des contes, des choses très françaises finalement même si dans le son et l’enregistrement en particulier en prise directe, c’est un peu un mélange des deux mondes. On n’a pas de lien contextuel avec Crosby Still Nash And Young.

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Par contre, si je vous parle d’un mélange peu orthodoxe de classicisme folk  avec une véritable étrangeté vous vous reconnaissez dans cette définition-là.

Les deux ensemble : Oui Oui tout à fait

FG : L’étrangeté oui mais on ne l’a pas voulu comme cela. C’est juste que l’on s’est nourri de l’ambiance qui nous entourait. C’était notre envie du moment, ce ne sera peut-être pas le cas sur le prochain disque.

SD : Je me rappelle d’ambiances quand on a commencé à composer les premiers morceaux, on était dans la cuisine, c’était la nuit noire au dehors,il faisait parfois chaud et on ouvrait la fenêtre. Il y avait une ambiance qui s’imposait avec une lumière et c’est vrai que je pense que cette ambiance lors de nos temps d’écriture dans cette maison , on la retrouve dans le disque, je dirai même que cela le caractérise.

On sent très clairement à l’écoute du disque que c’est quelque chose qui s’est forcément fait dans une intimité profonde, cela se ressent à l’écoute de l’album et ensuite ce qui surgit très vite, c’est ce climat d’étrangeté que je qualifierai de pointilliste, où rien n’est dit mais est plutôt suggéré, qu’en pensez-vous ?

FG : Oui c’est assez vrai. Je crois que c’est dû au fait que l’on travaillait sans contrainte, on écrivait tout à fait librement ce qui nous passait par la tête, on était aussi complètement perméables à ce qui nous entourait mais sans avoir la moindre pression de production  ou de délai. C’est cela qui donne cette idée de liberté au disque et cette impression d’être hors-contexte, c’est-à-dire que l’on n’avait aucun objectif autre que de se faire plaisir et d’essayer d’écrire de belles chansons. On était peinards avec nos guitares sans ingénieur du son et les contraintes du studio.

Tu parlais à l’instant de lieux, Sammy, le moins que l’on puisse dire c’est que vous aimez jouer dans des lieux hors-normes comme des grottes, des refuges de montagne ou des fours à chaux. Quelle est l’importance des lieux car on sent que chez Facteurs Chevaux, il y a un rapport étroit aux lieux ? Par exemple, pour les concerts, qu’allez-vous chercher dans des endroits comme ceux-là ?

FG : Autant le disque, c’est un disque de bout de la route à savoir que l’un et l’autre on avait pas vraiment d’objectif, autant pour les concerts, c’est aussi des concerts du bout de la route. Il n’y a pas de pression, le but c’est de rencontrer des gens, on court-circuite le système et on va en dehors du système sur un chemin de traverse rencontrer directement les gens dans des lieux où on est peinard. De beaux lieux, autant que cela soit beau, la musique n’en est que plus belle. Si tu vas sur une île par exemple, tu vas au bout de la route, tu es tranquille et tu ne peux aller plus loin.

SD : J’ajouterai que cette démarche  s’est faite naturellement  avec la musique qui prenait forme de jour en jour, c’est-à-dire que le fait de mettre une longue Réverb sur les voix, le fait de pouvoir enregistrer dans une église, c’est assez naturel au bout d’un moment de se dire  que c’est normal de faire des concerts dans des églises. On a eu l’opportunité de le faire , on a eu la clé d’une église de Savoie avec un ami, on y a d’ailleurs enregistré une partie du disque et on s’est dit naturellement « Multiplions l’expérience ailleurs. »

Un ami dans les Hautes-Alpes nous a aidés à créer cette première tournée et on s’est dit qu’il y avait plein d’endroits  où l’on pouvait jouer et qui sont plus inspirant que d’autres lieux. On peut jouer dans une très belle salle des fêtes qui sera très inspirante.

Parlons maintenant de la Genèse du disque et en particulier son enregistrement.

FG :  le disque, on ne l’a pas enregistré comme un album normal où l’on réserve un studio pour faire des sessions d’enregistrement du 01 au 08 mars par exemple. C’est plus un carnet d’écriture. On a enregistré les chansons très simplement en prise directe avec deux micros. Mais au fur et à mesure l’on écrivait les chansons. Même si le disque  dans sa forme est enregistré en direct et peut être proche de ce que l’on fait sur scène, en fait c’est très différent car c’est un carnet d’écriture. Il y a la fraîcheur dans l’écriture que l’on a voulu garder dans le disque  même avec ses maladresses et ses erreurs de jeunesse. Sur scène, c’est autre chose car  depuis on a rejoué les morceaux  et on les amène plus loin. C’est encore une autre approche. C’est finalement assez éloigné du disque.

SD : L’avantage que cela avait aussi c’est que du coup, on enregistrait le morceau au plus proche de l’étincelle créative et c’est aussi un peu la force du disque, c’est que l’on y ressent cette surprise même pour nous, de découvrir de nouvelles lignes de chant, d’avoir découvert une harmonie qui marchait. On sent cette hésitation au moment de la prise et j’ai tendance à penser que c’est assez interessant.

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On a l’impression que ce disque est un peu un disque de libération comme pour l’un comme pour l’autre, au niveau du chant par exemple.

SD : C’est vrai que l’on s’est envolés tous les deux vers une certaine forme de lyrisme que je pense que nous avions en nous de par ce que nous avons écouté mais cela a ouvert les portes d’une certaine façon et c’est l’avantage de travailler ensemble quand on se connaît bien, on a confiance en l’un et l’autre et du coup des choses se créent et l’un devient l’appui de l’autre.

Vous aviez des rôles un peu prédéfinis ou cela changeait ?

SD : Cela se faisait en fonction des morceaux. Chacun amenait un  début d’idée de texte  ou d’idée de musique. Cela évite de se bloquer dans sa propre création mais on n’avait pas de recette.

FG : On s’est dit, on enregistre des titres en les écrivant car paradoxalement, notre truc c’est un machin de mecs confinés dans  un isolement mais  qui veulent le faire partager. C’est ce que l’on essaie de retrouver dans les concerts en allant dans des lieux un peu insolites ou dans un cadre rural isolé, c’est précisément trouver la convivialité mais en partageant notre isolement. C’est partager notre intimité de façon conviviale.

SD : Les textes sont plus dans le registre des images plutôt dans la narration pure ou dans les sons. Autant dans les textes que dans les mélodies, tout est entre les lignes, c’est aussi le cas des harmonies, il y a des brumes que l’on entend mais qui ne sont pas là. Cela contribue sans doute à cette forme d’étrangeté dont tu parlais toute à l’heure, on cherchait cette présence ailleurs. Parfois, c’est l’arbre qui nous regarde, l’animal qui est tapi

Comment vous expliquez cette omniprésence de la nature dans le disque ?

FG : Je ne sais pas trop, sans doute à cause du lieu où l’on a enregistré ce disque et puis la nature c’est comme une forme de transfiguration entre l’humain et la nature. C’est vrai que Sur If le Grand if, on peut y deviner un peu d’animisme ou de mysticisme.

J’aime bien cette phrase de toi, Sammy

« La musique pour moi, c’est une balade, t’es en bagnole et tu passes dans une forêt après dans un village puis une ville. »

SD : C’est marrant que tu évoques cette phrase car je l’ai encore citée il y a quelques jours à un journaliste. C’est un peu ce côté clair-obscur, c’est une promenade en solitaire. Notre musique est une musique à écouter dans la durée.

FG : Les morceaux sont très riches même s’ils sont enregistrés de manière très simple, quasiment en mono 2 pistes presqu’anachronique techniquement parlant. En même temps, les morceaux sont quand même ambitieux  dans leurs formes et les harmonies sont relativement complexes sur certains titres. C’est aussi l’occasion de retrouver la valeur du temps, quelque chose auquel on tient tous les deux et qui se perd beaucoup en ce moment. La seule chose que tu aies dans la vie, c’est le temps, le reste c’est dérisoire.

Peut-on espérer un nouveau disque de Sammy Decoster  dans un avenir proche ?

SD : Oui, je travaille sur mon second disque. Il devrait normalement sortir au printemps ou été 2017.

Et Verone alors ?

FG : on travaille sur de nouvelles chansons que l’on rôde sur scène.

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