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Disques

Grandaddy – Blu Wav

Un nouvel album de Grandaddy où leur leader Jason Lytle exprime ses tourments et regrets de manière souvent déchirante sur une country cosmique très touchante.

Le temps passe et il continue d’occuper l’esprit. Les semaines s’égrènent et il conserve sa place au chaud près du cœur. Sorti il y a plus d’un mois, le dernier album de Grandaddy continue d’imprégner nos âmes malgré les funestes événements qui l’ont précédé. En effet, après un hiatus d’environ une décennie, le groupe américain s’était reformé en 2017 pour le très réussi “Last Place” avant que la mort prématurée du bassiste Kevin Garcia ne mette brutalement fin à la tournée qui suivait. Leur leader Jason Lytle avait ensuite pu se consacrer aux copieuses rééditions de leurs chefs-d’œuvre “The Sophtware Slump” et “Sumday”, mais il va de soi qu’il en était tout de même ressorti profondément affecté. Cela se ressent sur le nouveau disque du groupe, portant le drôle de titre de “Blu Wav”, curieuse contraction de bluegrass et de new wave.

Sur celui-ci, l’Américain apparaît plus seul que jamais, poor lonesome conwboy perdu dans l’espace, comme on peut le voir dès la pochette du disque. Un cowboy pratiquant une réelle country cosmique tant l’inclinaison pour cette musique traditionnelle américaine est patente ici, en particulier au travers d’un usage parcimonieux mais toujours juste de la pedal steel. Certes, beaucoup de chansons se ressemblent ici mais, d’une part, c’est toujours aussi beau, et surtout cela s’avère particulièrement poignant, cette mélancolie partageuse et accueillante exprimée ici sur une musique vraiment plus désolée.
Cela s’entend grâce à la combinaison guitare acoustique-synthés, incontestable patte de Jason Lytle, fréquemment accompagnée de chœurs qui apportent à la fois plus de grandeur et un surplus d’émotion. Que ce soit sur “Cabin in My Mind”, “Long as I’m Not the One” ou encore “You’re Going to Be Fine and I’m Going to Hell”, on est profondément ému par cette musique souvent très lente, mélange naturel d’ampleur et de dénuement, à la beauté simple et sans prétention. Même les trois courts instrumentaux qui parsèment l’album finissent par être touchants.

Au bout du compte, sur ce nouveau Grandaddy, Jason Lytle fait régulièrement penser à Daniel Johnston, par cette innocence et cette sincérité exprimées sans filtre sur des paroles empreintes de tristesse et de désolation, qu’il évoque des peines de cœur (« You left me alone in a field / And he picked you up in his new truck and since then I still haven’t healed » sur un morceau déjà mentionné et portant le titre on ne peut plus suggestif de “You’re Going to Be Fine and I’m Going to Hell”, ou encore « On a train or a bus I think of us and start to cry… No Ma’am I’m not alright » sur “On a Train or a Bus Side”) ou des souvenirs adolescents (« And for a short and sweet time I wasn’t alone » sur “Ducky, Boris and Dart”). On ne peut alors que compatir aux tourments et regrets portés de manière si simple et évidente, en arrivant presque à vouloir se perdre et errer dans l’immensité en sa compagnie, notamment sur “East Yosemite”.

La solitude ressentie et exprimée ouvertement par Jason Lytle sur le nouvel album de Grandaddy atteint donc un aspect foncièrement déchirant. Par la beauté de la musique agissant ici comme un médium pour exposer l’affliction de son auteur, nous ne pouvons être qu’intensément touchés. Surtout, aujourd’hui comme hier, cette musique est la marque d’un grand songwriter qui, espérons-le, nous gratifiera encore longtemps d’aussi magnifiques et bouleversantes œuvres.


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