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Interviews

Low – Interview

Déjà le 11ème album pour Low et pourtant le groupe continue de fasciner et de bousculer les frontières. “Ones and Sixes”, album d’une veine plus agressive, restera certainement comme l’un des meilleurs de leur carrière. Nous avons rencontré Alan Sparhawk, leader habité du groupe pour tenter de percer le mystère de la création de ce disque essentiel.

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En dehors de « One and Sixes », gardez vous une tendresse particulière pour l’un de vos albums et pourquoi ?

Naturellement j’irais vers des disques pour lesquels nous avons bousculé nos habitudes et nous ont permis d’avancer pour le reste de notre carrière. C’est arrivé la première fois avec le EP“Songs For a Dead Pilot” qui est un disque difficile à écouter. Pour la première fois nous avions décidé que ce disque nous représenterait à 100 %, qu’il n’y aurait aucun compromis. Attention, cela ne veut pas dire que je ne suis pas fier des disques qui l’ont précédé, mais le moment était venu de sortir de la zone de confort que nous avions créée à partir des bases posées précédemment. Finalement cet EP a donné la direction des quelques albums qui ont suivi. Je suis très fier que nous ayons été capables d’aller au bout de nos idées et d’arriver à ce résultat. Nous avons également procédé de la sorte en 2007 pour “Drums and Guns”, un disque salvateur à tous les niveaux. Enfin le « Christmas EP » pour lequel nous nous étions beaucoup investis tout en pensant qu’il ne ferait plaisir qu’à quelques fans. Il a été chaotique à réaliser mais son accueil a dépassé toutes nos attentes, et a contribué à nous faire connaître en dehors des États-Unis.

Chacun de vos albums a une forte identité, vous vous renouvelez sans cesse. Cela se fait-il naturellement ou bien est-ce le fruit de beaucoup de réflexions ?

Les deux, j’ai naturellement une tendance à vouloir créer du nouveau. L’expérience m’a appris que si on ne produit pas un minimum d’effort, le résultat est d’une platitude déconcertante. Mais se renouveler demande énormément de travail. On expérimente toujours sur différents styles musicaux, on collabore avec beaucoup de gens. Cette rigueur nous permet de sortir de nos zones d’ombre et de s’aventurer vers l’inconnu. Parfois cela nous demande très longtemps avant que le résultat sonne structuré. Notre public ne se rend pas forcément compte des efforts fournis en écoutant le disque ou en venant à nos concerts. Je suis habité chaque instant de ma vie par cette envie d’explorer, j’y pense sans cesse.

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C’est maintenant le troisième album que vous enregistrez avec Steve Garrington. Que pensez-vous qu’il a apporté de neuf au groupe ?

Nous sommes devenus beaucoup plus professionnels depuis que l’on travaille ensemble. C’est un bien meilleur musicien que Mimi et moi même. Il est entièrement dévoué à ce qu’il fait. Il s’assure sans cesse qu’il donne le meilleur de lui-même. Nous sommes chaotiques dans notre approche de la musique avec Mimi. Steve s’assure que nous ne nous égarions pas trop en gardant un regard sur la structure et la qualité de nos compositions. L’avoir à nos côtés nous pousse à repousser nos limites, à toujours aller plus loin. Grâce à lui, nous ne sommes plus des musiciens du Midwest paresseux qui gratouillent leurs guitares (rires). Nous lui en sommes reconnaissants, il a rejoint le groupe a un moment où nous aurions pu sombrer dans une routine créative.

« Ones and Sixes » est un disque qui demande plus d’efforts à l’écoute que « The Invisible Way ». Son son est également plus agressif. Est-ce une réaction par rapport au disque précédent ?

Oui, sans hésiter. Nous écrivons toutes nos chansons avant d’entrer en studio. Cette fois-ci,  je me suis instantanément aperçu qu’elles étaient complètement différentes de la période “The Invisible Way”. La question de la direction à prendre s’est résolue d’elle même. Il était notre ingénieur du son. Nous avons sympathisé et je me suis rapidement aperçu qu’il pourrait être la personne dont nous avions besoin pour “Ones and Sixes”. Le premier morceau composé a été “No comprende”. Il synthétise parfaitement le résultat final. On y retrouve des voix en conflits, de la dissonance, un rythme tendu. Tout était là dès le début de la phase d’écriture. Il nous a servi d’étalon pour la suite.

Qu’attendez vous du travail d’un producteur, qu’il vous bouscule ou bien qu’il vous aide à concrétiser vos idées ?

Les deux car parfois tu maîtrises ce que tu fais et d’autres fois leurs conseils te permettent d’amplifier ton idée de départ et les palettes de sons. Parfois juste entendre ton producteur te dire qu’une prise est la bonne te fait un bien fou, car tu doutes beaucoup en studio. Quand tu es seul tu dois jouer en prêtant attention à ce que tu fais, puis ensuite réécouter le morceau pour savoir si l’enregistrement est bon. Je ne veux absolument pas avoir à assumer tous ces rôles. Avoir quelqu’un de confiance rend la situation plus pure. On a eu de la chance car presque tous nos producteurs étaient des fans du groupe avant de travailler avec nous. Ils ont vraiment respecté notre travail en studio, avec une réelle volonté de nous aider. Cela a également été le cas pour “Ones and Sixes” avec  BJ Burton que j’ai rencontré lorsque j’ai produit le dernier album des Trample By Turtles sur lequel il était ingénieur du son.

Est-ce important pour vous de toujours surprendre l’auditeur, de lui lancer des défis ?

J’ai toujours eu cette volonté. La plus grande difficulté que je rencontre est de connaître le meilleur moyen d’y arriver. (Son attitude change, il devient très intense ndlr) Quand j’étais jeune, je voulais juste monter sur scène et arriver à faire fuir le public jusqu’à ce qu’il ne reste plus personne. J’avais encore cette attitude au début de Low. Vers 1990 j’habitais à Phoenix et je suis allé voir Beat Happening en concert. Il devait y avoir une dizaine de personnes dans la salle. (Encore plus intense) Je me souviens parfaitement de ce que j’ai ressenti en voyant ce concert, une sensation très étrange, mais j’ai su que ce que je voyais sur scène était ce que je voulais faire de ma vie. Je n’ai pas reproduit leur attitude à l’identique, mais j’en ai gardé l’esprit.

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Pourriez-vous nous éclairer sur la signification du titre de l’album ?

Pendant un moment j’ai commencé à identifier les choses qui m’entourent en leur attribuant un chiffre allant de 0 à 5. Par lassitude, j’ai voulu rendre la chose un peu plus complexe pour me créer une sorte de code en faisant la même chose de 0 à 6. C’était une façon d’organiser mon chaos interne car mon esprit a besoin d’une routine. Des mois plus tard, lorsque j’ai décidé de nommer l’album comme “Ones and Sixes”, ces codes étaient devenus un énorme concept englobant des sujets aussi vastes que la sexualité, satan, etc.   

Vous avez déclaré aimer le travail de Kanye West et de Kendrick Lamarr. Qu’admirez vous le plus chez eux, leurs textes, la production de leurs albums ? Sont-ils des sources d’inspiration pour le groupe ?

Oui clairement. Leur son est agressif, leurs paroles intelligentes. Personne ne manie le langage de manière aussi profonde qu’eux. Ils sont si intelligents. L’histoire du langage propre à l’Amérique est fascinante à étudier. L’argot en est une représentation tellement vivante et profonde. Il y a tellement de nuances, de tensions dans le vocabulaire utilisé dans le Hip-Hop. Quelqu’un comme Kendrick Lamarr est intouchable dans son style. Un maitre absolu. Ce mec et Kanye West méritent leur succès. Ils représentent le futur de la musique. Quelle audace d’être aussi célèbres et de publier des disques aussi expérimentaux, qui repoussent les frontières existantes. Je ne vois personne capable de rivaliser avec eux. Surtout Kanye qui utilise sa célébrité pour communiquer de façon artistique, agressive et innovatrice. Je ne suis qu’un vieux plouc de l’Arizona et ce mec arrive pourtant à me toucher. C’est incroyable.

Merci à Antoine Corman

Crédit photos : Nina Airtz

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