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Disques

Nicholas Krgovich – In An Open Field

Nicholas Krgovich - In An Open Field

On pourrait commencer cette chronique par citer les mots de Robert Wyatt, qui vient allonger la longue liste des panégyriques de Nicholas Krgovich (cf nos chroniques précédentes), et que l’on trouve sur la cellophane recouvrant ce nouvel « In An Open Field » : « Quite beautiful, very touching… human ».

Et pourtant malgré Robert, à la lecture du plan de travail – homme de peu de foi ! – je prends un peu peur. Nicholas voulait épuiser ses trucs et ses tics et écrire simplement tout ce qui lui passait par la tête. Pour voir ce qu’il allait en ressortir. Après avoir emmagasiné tout ce matériel, effectué un peu de tri, enregistré une session avec un groupe et quelques ajouts de prod plus tard, il sort finalement un album excellemment troussé, bijou pop fantaisie qui réalise le grand écart entre la lounge-jazz-pop de No Kids et le r’n’b de petit blanc de poulet de la délicieuse triplette « On Sunset »/« On Cahuenga »/« The Hills ». N’en jetez plus, personnellement, je suis séduit. Comme ce charmant garçon est un peu vicieux (il arbore en concert un T-Shirt Steely Dan), il pêche allégrement dans les casiers les plus miraculeux de Donald Fagen et d’Arthur Russell. D’ailleurs, il débauche le tromboniste attitré de ce dernier, Peter Zummo, pour le final et classieux « My Riverboat » (mais pas que, toutes ses interventions sont délicieuses) qui est un concentré d’influences contradictoires et génialement agencées : fanfare New Orleans sous valium, steel à la sauce aigre douce tropicale et élégance du phrasé laid back (refrain en plusieurs temps, également par-fait). Et le tout avec une apparente facilité tout à fait déconcertante.

Mon petit doigt me dit que Jens Lekman va être un poil jaloux de cette bombinette qui vient chasser sur ses terres. Et Dirty Projectors (« Do It Again », « A list ») n’a qu’à bien se tenir face à ce possible rival, en version fils à papa qui écoute Franck Ocean après avoir fait ses gammes. Ah cette guitare acide, presque punk, presque funk mais si délicate qui arrive sur la pointe des pieds (tiens, elle revient, elle est là aussi sur « Now »).

Ai-je évoqué les copains en goguette Nedelle Torrisi de Night Jewel ou encore Chris Cohen qui viennent prêter main forte et voix douce sur cet album aux tonalités pastel (belle pochette au passage) ?

Et puis, il y a tous ces petits détails de production qui nous enchantent tels la pedal steel de BJ Cole (ouah ce type a vraiment joué avec tout le monde !) sur les contrebasses de « Country Boy », ou les claviers Marimba de « Now ».

J’ai tellement écouté « Come Into My House » de No Kids que le vinyl craque beaucoup et qu’un sillon s’est abîmé. Je n’en ai pas de version numérique et cela me le rend très précieux. Je sais d’ailleurs précisément où intervenir pour réduire l’interruption.

J’ai bien peur que « In An Open Field » en prenne vite le chemin et d’une certaine façon cela me réjouit. En tout cas, je rêve de couchers de soleil, d’un cocktail servi par le jeune Tom Cruise, d’un slow langoureux avec moi-même la larme à l’œil car « In An Open Field » est le disque de post-rupture idéal, d’introspection et de dépression sous le soleil (sans bodega).

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