JIM O’ROURKE – Insignificance
(Drag City / Labels)
Avant d’écouter ce disque de Jim O’Rourke, prière d’oublier le personnage et tout ce qui tourne autour : la centaine de collaborations, la carrière solo déjà pléthorique, le rôle de cinquième Sonic Youth, bref le statut de quasi gourou qui perturbe forcément le jugement. Je garderai donc sous la main en guise de repères la toile d’araignée de "Camoufleur", de Gastr Del Sol, le gigantesque bouquet de fleurs (certaines malheureusement en plastique) que fut "Eureka", la magique apparition d’ "Eureka", la chanson, dans le film éponyme de Aoyama et la réussite incontestable constituée par ce trop court disque acoustique que fut le EP "Halfway to a Threeway" fin 1999. Si l’on s’en tient à cela, le morceau qui ouvre "Insignificance", "All Downhill from Here", un gros rock très lourdaud d’apparence, est franchement le cul entre deux chaises, du genre de banalités rock’n’roll top crédibles qu’on n’a déjà pas pardonnées à Lou Reed il y a quinze ans. "Don’t Believe A Word I Say", nous y apostrophe O’Rourke, décidé à nous prendre un peu pour des c…., avant de rattraper miraculeusement son morceau, de justesse, par les fils d’entrelacs de guitares et de piano d’une classe folle. Ouf. "Insignificance", le morceau qui suit, rassure : les compositions du New-Yorkais d’adoption sont assurément plus simples, plus "rock" et un peu plus sobres que par le passé, mais les arrangements, les mélodies, sont toujours à la hauteur. Et puis la simplicité a du bon, "Good Times", berceuse susurrée sur fond de guitare et de pedal-steel en est la preuve, de même pour "Get A Room", et sa fin gigogne/cigogne qui s’envole joliment pendant quatre bonnes minutes.
Mais bref, revenons au mythe perturbateur : après avoir littéralement aidé à construire le post-rock, puis shampouiné de frais la pop orchestrale avec "Eureka", Jim O’Rourke fait du pop-rock un mécano qu’il assemble en grand maître sous nos yeux ébahis : la magie foisonnante des sixties et le corps souple et alambiqué de la musique américaine contemporaine. Ingrédients balisés mais recette miracle ? "Insignificance » réussit totalement là où Richard Davies avait partiellement échoué l’an passé avec un "Barbarians" trop introverti, dans ce projet un peu fou et obstiné de faire jaillir un feu d’artifice d’étincelles des deux vieux cailloux que sont la pop et le rock. Juste un peu moins démonstratif, un peu moins condescendant par moments, et O’Rourke aurait signé un album parfait.
Guillaume
All Downhill from here
Insignificance
Therefore, I am
Memory lame
Good times
Get a room
Life goes off