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Chicago Underground, Berg Sans Nipple, Thomas Mery – Le Batofar, 18/11/2002

CHICAGO UNDERGROUND / BERG SANS NIPPLE / THOMAS MERY – Le Batofar, 18/11/2002

Ce soir au Batofar, le menu est complet : entrée + plat + dessert.

En entrée, Thomas Mery, plus connu jusqu’à présent pour sa voix au sein de Purr. En solo ce soir pour un set électronique, le garçon montre d’entrée de jeu un parti pris scénique peu commun. C’est un écran de projection qui nous renvoie son image, de dos, guitare en mains, nous permettant ainsi d’avoir une vue imprenable sur son écran d’ordinateur. Ce renversement de perspective me conduit à une sorte de voyeurisme provoqué par un type semblant vouloir nous "montrer" sa volonté de ne rien cacher et de désacraliser la musique qu’il produit. Dans un Batofar bien vide pour débuter cette soirée, je baigne dans un bouillon électronique ambiant minimaliste, mon attention maintenue par quelques accords de guitare et des mots à peine audible, prononcés par un autiste reclus dans son monde. Jouées un peu trop en retenue pour se rendre franchement accessibles, les mélodies, au bout de quelques minutes, prennent quand même forme, belles et fragiles. Le public, très respectueux (oui, même au bar) de l’atmosphère que tente d’installer l’image de Thomas, semble médusé devant cette prestation atypique. Fondée sur l’échantillonnage, les parasites informatiques, des percussions bricolées tout terrain, cette musique évoque souvent Man. Bien que pas toujours facile d’accès, surtout en concert, les compositions du jeune homme se révèlent finalement assez prenante, pour peu que l’on veuille bien entrer dans son jeu.

Place au plat principal : Berg Sans Nipple. Contrainte technique, superstition ou simple habitude ? Toujours est-il que l’on retrouve le duo franco-américain installé de la même manière que d’habitude : Jérôme Lorichon à gauche, Shane Aspegren à droite. Débutant par l’énorme "Sub-urban Transparence", mélange de douceur synthétisée et de violence rythmique, le concert place d’entrée la barre très haut. Lorsque, dans la continuité du même morceau, arrive la batterie de Shane, sèche et très "sur-présente", le contraste visuel et sonore devient flagrant entre un Jerôme, calmement recroquevillé sur ses claviers, et un Shane, excité sur ses fûts, chacun exprimant à sa manière l’intensité qu’il met dans cette œuvre binomiale. Les artisans de cette musique envoûtante, aussi réservés l’un que l’autre, tous deux dans leur sphère sensorielle dont l’intersection se fait entre nos oreilles, ont une présence scénique étonnante malgré leur absence quasi totale de communication avec le public.
Le Batofar s’est bien rempli depuis. L’audience découvre de nouvelles compositions rendant insoutenable l’attente de l’album prévu pour début 2003. Les montées spiralées sont terribles, les deux compères s’entraînant mutuellement dans une surenchère propre au décollage sonique. Mon corps m’échappe, mes sens revendiquent leur indépendance. Berg Sans Nipple est une sorte de cône : les morceaux débutent à la base, lentement, calmement, puis évoluent progressivement vers le sommet dans un resserrement et une intensification rythmique, le tout gagnant malgré tout prodigieusement en ampleur.
Que ce soit avec sa trompette dont il tire des sons inconnus ou de son métalophone, Jérôme accentue un peu plus à chaque morceau le contraste entre sa douceur et la sécheresse de Shane, rendant l’osmose encore plus belle. Tout le concert nous aura valu une montée en puissance savamment dosée, me laissant avec un sourire béat.

Malgré la recette du dessert, pas facile de passer après Berg Sans Nipple. Chicago Underground s’en sort pourtant très bien, jouant l’atout jazz. Emmenée par la batterie de Chad Taylor (Isotope 217) d’un côté, la trompette de Rob Mazurek (Tortoise) d’un autre et des programmations électro entre les deux, la sauce prend très bien. Avec ses alternances de solos inhérentes au style musical, le tout sur fond de boucles de basse programmées, ces deux Américains dégagent une vraie présence. Le public a en partie changé, certains s’en sont allés, d’autres sont arrivés, certains se sont éloignés de la scène, d’autres rapprochés. Quelle que soit sa composition, le public est manifestement emporté par le tourbillon d’une batterie volubile et les envolées d’une trompette libérée de toute contrainte. On pourra cependant reprocher à Chicago Underground de s’éterniser quelque peu sur certains morceaux, délayant hélas le propos par moment.
A l’instar de Berg Sans Nipple, la paire d’outre-Atlantique ne semble pas apprécier les pièces monolithiques. Les morceaux suivent donc rarement le même chemin plus de quelques minutes et les rythmes se superposent volontiers, s’accordant dans une danse entraînante. Et lorsque l’ordinateur prend plus d’importance, ce n’est que pour mieux mettre en valeur la trompette et les percussions.

La soirée aura été bien remplie. Les rythmes sont partis dans tous les sens ce soir. Je suis fatigué mais heureux. Je rentre me coucher. Demain la vie recommence.

Fred

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