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Disques

Tindersticks – Waiting for the moon

TINDERSTICKS – Waiting for the Moon
(Beggars Banquet/Naïve)

TINDERSTICKS - Waiting for the MoonDix ans déjà que les Tindersticks sont entrés dans notre vie, avec un double album toujours bien placé sur nos listes d’île déserte. L’un des nombreux chefs-d’œuvre d’un millésime exceptionnel (souvenez-vous : les premiers albums de Divine Comedy, des Auteurs, de Silvain Vanot, le retour inespéré des Apartments avec le sublime "Drift", American Music Club, les Red House Painters, Toasted Heretic, Moose, les Boo Radleys, les Trashcan Sinatras…), qui marquera à la fois l’apogée du "rock indépendant" tel qu’on l’entendait alors, et le début de sa fin, les derniers feux de son âge "classique". Depuis, l’univers musical s’est atomisé, le mélange des genres est devenu la règle – souvent pour notre plus grand plaisir -, et notre ouïe s’est beaucoup développée. Mais les Tindersticks sont toujours là, plus autarciques que jamais, et peuvent se vanter d’un parcours proche du sans-faute. A force d’excellence discrète, le sextette finissait même par faire partie des meubles, chaque nouvelle sortie déclenchant un enthousiasme un peu moins grand que la précédente.
"Waiting for the Moon" vient rompre cette relative routine, sans pour autant représenter une révolution copernicienne dans le style du groupe : les Tindersticks ne se sont pas convertis à la "laptop music" et ne se prennent pas non plus pour la réincarnation des Stooges (d’autres font ça très bien). Non, ils poursuivent tranquillement leur route sans se préoccuper de l’air du temps, mais avec une inspiration, un désir, un souffle renouvelés. Ce nouveau disque apparaît ainsi comme un best-of inédit, qui exposerait les différentes facettes du groupe en les sublimant toutes. On retrouve notamment les effusions orchestrales qui ont fait leur réputation – l’exemple le plus récent étant l’extraordinaire "Trouble Every Day" écrit pour le film éponyme de Claire Denis, portées ici à un point d’incandescence jamais atteint. "Say Goodbye to the City", qui marque le retour du trompettiste Terry Edwards, vieux compagnon de route du groupe, est peut-être ce que les Tindersticks ont produit de plus intense. Plus languide, "My Oblivion", qui rappelle des pièces épiques comme "My Sister" ou "Ballad of Tindersticks", déploie majestueusement, durant sept minutes, des cordes et des chœurs panoramiques sur les délicats arpèges d’une guitare jazz.
"4.48 Psychosis", avec son talk-over plaqué sur des accords saturés à la "White Light White Heat" (sur d’autres chansons, la guitare fait plutôt penser à "Loaded"), renvoie à un morceau comme "Marbles", sur le premier album – sauf qu’ici, le texte est emprunté à la dramaturge britannique suicidée Sarah Kane. Dans un registre plus léger, les Tindersticks renouent également avec les duos à la Lee & Nancy ; cette fois-ci, c’est la chanteuse Lhasa (de Sela) qui s’y colle, pour un "Sometimes It Hurts" digne des précédents essais du groupe. L’inspiration soul "vintage", très présente sur les deux albums précédents et sur certains concerts récents, est ici moins évidente, sauf peut-être sur "Trying to Find a Home", où alternent trois voix, deux masculines (Stuart et Dickon, à l’évidence) et une féminine. Enfin, "Running Wild", qui clôt l’album, convoque les ambiances crépusculaires de "Curtains".
Sans rompre totalement avec l’héritage du groupe, les ballades "Until the Morning Comes" et "Just a Dog" apportent une certaine nouveauté. La première, placée en ouverture, et abordant vraisemblablement le thème de l’euthanasie, aurait presque pu figurer sur "Songs of Leonard Cohen" tant elle est évanescente, placide et recueillie, dénuée de la tension qui habitait qui habitait jusqu’ici les chansons des Tindersticks, même les plus calmes. A l’opposé, la seconde est terrienne et claudicante, d’une nonchalance toute américaine, entre Tom Waits et Harry Nilsson sobre. Références mises à part, "Waiting…" est surtout un beau disque d’un groupe inimitable, qu’on est prêt à suivre les yeux fermés et les oreilles grandes ouvertes pour une nouvelle décennie.

Vincent

Until the Morning Comes
Say Goodbye to the City
Sweet Memory
4.48 Psychosis
Waiting for the Moon
Trying to Find a Home
Sometimes It Hurts
My Oblivion
Just a Dog
Running Wild

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