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Dominique A – Interview

Dominique nous fait asseoir au fond du canapé – « trop mou » pour lui, effectivement, on s’enfonce bêtement – et s’installe sur une chaise devant nous, nous surplombant légèrement. Je tripote nerveusement mes questions. C’est qu’il ne s’agit pas de dire trop de conneries. Mais le A. est affable et nous parle sans chichi de son nouvel album au titre quelque peu trompeur, « Tout sera comme avant ». Nouvelles méthodes de travail, nouvelles ambitions, mais aussi internet, littérature et politique : Dominique A. s’explique (elle fait sérieux cette phrase d’intro, non ?).

Je suivais tes rapports d’inactivité régulièrement sur ton site officiel, et tout d’un coup, hop : « je vous ai bien eus avec mon rapport d’inactivité, je rentre en studio dans 2 jours »…
« Hi hi » (rires)

Oui, j’oubliais le « hi hi »… tu as bien caché ton jeu en fait…
Ouaip… j’avais envie de faire ce truc là, régulier, comme j’avais du temps. J’avais appelé ça « rapport d’inactivité » parce que je trouvais ça rigolo, et c’était aussi dans l’idée que ce que je faisais à ce moment-là ne regardait que moi. C’était aussi dans l’idée de combattre – combattre, c’est un bien grand mot – cette impression qu’on a besoin de connaître tous les processus de la conception d’un disque alors que justement ce qu’il y a d’un peu magique, c’est de ne pas savoir ce qui se fait ni comment ça se fait et qu’un beau jour ça apparaisse indépendamment de tout, du contexte, qu’il n’y ait pas de caméra sous la douche et que le disque arrive, que les gens l’écoutent. Faire savoir le plus tard possible qu’il y avait un disque qui arrivait.

C’était mûrement réfléchi dès le départ ?
Mûrement, peut-être pas, mais l’idée n’était pas de faire un compte-rendu de mes activités dans la perspective d’un disque, d’écrire « ce mois-ci j’ai composé quarante-cinq chansons, ça parle de ci, ça parle de ça, elles s’appelleront comme ci et comme ça ». Je voulais que les gens par rapport à ça soient le plus vierge possible jusqu’au moment où ils pourraient le pirater sur Internet (rires).

Ces rapports étaient un peu un jeu de piste culturel, est-ce qu’il y a des échos entre ce dont tu parlais et ce qui alimentait au quotidien ton écriture, entre cette partie visible et la partie cachée ?
J’ai dû parler d’un ou deux livres qui m’ont finalement inspiré deux ou trois chansons. Je pense notamment au bouquin « Le rivage de l’exil », dont j’avais parlé, qui m’a inspiré « Les Clefs ». Ce n’était pas vraiment un jeu de piste, c’était plus jouer un peu à mon journaliste frustré, mettre les gens sur la voie de choses que j’aimais bien. Il y a avait un côté très ludique. Je ne peux plus le faire en ce moment, je n’ai pas le temps, et puis ça ne m’amuserait plus, je ne me sens pas très disponible pour commenter les trucs des autres.

Dans la préface du livre qui accompagne la sortie de l’album, tu dis que tu picores des thèmes ou des phrases dans la littérature, c’est un procédé d’écriture systématique pour toi ?
Non non, je fais confiance à mon imagination aussi (rires). C’est vrai que sur ce disque-là, il y a au moins la moitié des titres qui sont inspirés de mes lectures… ça peut être une lettre qu’on m’a envoyée, ou un article de journal, mais c’est vrai qu’il y a ce rapport en particulier aux romans et aux nouvelles qui en font souvent des déclencheurs. Je peux vraiment te dire quelle chanson provient de tel truc, même si finalement la chanson n’a pas grand rapport avec le déclencheur en question.

Mais c’est quoi, c’est une phrase qui déclenche une suite ou plutôt une ambiance, une impression générale ?
Non, c’est souvent une phrase… il y a deux chansons par rapport auxquelles je me suis vraiment inspiré du bouquin, ce sont « Les Clefs » et « Antonia » sur l’album précédent. Sinon, c’est plus un appel, un truc qui sonne bien, qui est musical, qui a un écho, ça me fait me dire « tiens je suis persuadé que je peux faire quelque chose avec ça ». En ce moment ça ne m’arrive pas du tout parce que je ne suis pas réceptif. Je profite de ce qui se passe, de la sortie de disque, mais pas du tout de me dire « tiens je vais faire des chansons pour un disque » – je n’écris pas de chansons si je ne me dis pas qu’il y a un disque derrière, mon idée c’est toujours de faire un disque avant de faire des chansons. Sinon je suis réceptif à ce que je lis, à ce qu’on me dit, à ce que je vois…

Le titre « Pendant que les enfants jouent », il vient du livret du coffret, d’une lettre de fan ?
Oui, oui, tout à fait, c’est un bon exemple de ce que je disais. C’est le type même du truc où je me dis « tiens, c’est un bon début ! ». Et puis en plus c’est la lettre qui m’a le plus touché, il y avait quelque chose de très marrant, le moment où elle basculait de ses souvenirs personnels à la façon dont j’y étais lié.

Est-ce que tu estimes avoir fait des progrès au niveau de ta voix ?
Heu, oui… je suppose que oui. Mais je ne peux pas savoir, pour être sincère. La scène, y’a eu beaucoup de scène. C’est ce qui a fait que j’ai acquis plus d’aisance. J’ai peut-être aussi un meilleur sonorisateur qu’il y a dix ans (rires). Je pense que c’est très progressif, je ne me dis pas aujourd’hui « tiens, j’arrive à faire ça, je n’y arrivais pas il y a dix ans… ». Je me dis simplement que je m’entends mieux, c’est surtout ça qui est important. A partir du moment où tu t’entends, tu comprends à quoi ressemble ta voix, tu peux être plus naturel. C’est de l’entraînement, c’est sportif. Déjà quand je suis tout seul, je m’entends mieux que quand je suis en groupe, donc c’est plus facile pour moi de chanter juste.

Tu as dit quelques fois que le fait de réentendre ta voix sur des enregistrements live était un frein à la sortie d’un véritable album live, c’est toujours vrai ?
Oui, oui. Déjà, aujourd’hui, les dieux de l’industrie discographique ont inventé le DVD. C’est un vrai cache-misère pour le live en fait. Pour moi un live, c’est vraiment de la 3D. Un live restreint à sa dimension sonore ne sera toujours qu’une vague idée de ce qu’est le concert. Après, il y a des lives qui sont bien, mais que je réécoute régulièrement, il n’y en a pas des masses. Je préfère glisser un morceau live de temps en temps sur un disque, pour montrer des éclairages différents d’une chanson. Pour l’instant, tout ce qu’on a enregistré, à de rares exceptions près, ne m’a jamais donné envie de faire un disque live.

Pourtant, les morceaux évoluent énormément sur scène, d’un concert à l’autre, il y aurait un intérêt documentaire presque non ?
Oui, mais en même temps, un disque live, ça va intéresser qui ? les gens qui me suivent. Et les gens qui me suivent, maintenant, pour avoir des lives, ils vont aller les charger sur internet. Ils ne vont pas aller se faire chier à acheter des disques. C’est même le problème vis à vis d’Internet : à partir du moment où je suis sur une scène, si je déplace une chaise, ça va être sur Internet…

C’est un truc auquel tu penses ça en montant sur scène ?
Oui, un peu… en plus je suis complice, des fois sur le site, ils mettent des morceaux live en ligne avec mon accord. J’ai pas envie de les contrarier, mais je ne mettrai jamais ça sur un disque. C’est aussi l’intérêt d’Internet. Pour moi c’est un truc intermédiaire entre l’écrit et l’oral. Par exemple les gens me demandaient si je n’aimerais pas publier mes rapports d’inactivité. Certainement pas, pas besoin de couper des arbres pour ça. Par contre ça ne me gène pas que ce soit publié sur Internet, que je trouve assez adapté à ce genre de chose, ça a un petit côté immatériel, épistolaire presque.

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