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Disques

Beulah – Yoko

BEULAH – Yoko
(Fargo / Night and Day)

BEULAH - YokoAinsi, Beulah veut être pris au sérieux ? Et renonce pour cela aux "la la la" et aux luxuriantes orchestrations de cordes et de cuivres caractéristiques de leur pop west-coast ? C’est en effet leur déclaration d’intention. Si ce syndrôme de "je veux renoncer à la pop légère et devenir adulte" fait un peu peur au départ (c’est quoi ce complexe soudain ? tout le monde, heureusement, ne peut pas être Big Star), force est de constater que le pari est gagné pour Beulah : évoluer sans se renier, trouver sa marque sans jeter son savoir-faire pop avec l’eau du bain. Après un début en demi-teinte ("A Man Like Me" où on ne comprend pas encore bien où le groupe veut en venir), les deux morceaux suivants sont plus que rassurants : réussis. Pétulants sans être niais, sensibles sans être chochottes, "Landslide" et "You’re Only King Once" dessinent un territoire en clair-obscur, avec tout de même plus de clair que d’obscur. Certes les paroles, évocations de divorces et de ruptures conjugales (apparemment, ça a été l’hécatombe sentimentale pour les trois quarts du groupe), mettent l’accent sur le désarroi et l’abandon. Mais sans affectation ni dépit : l’orchestration, plus resserrée et concise, n’en est que plus subtile : cordes, cuivres et claviers sont toujours présents, mais moins comme des gimmicks pop accrocheurs et référencés que comme des agents de saveur et de texture. Par moments, Beulah revient sur ses anciennes traces et ressort les guitares indie rock ("My Side of the City" évoquerait presque Pavement) mais ce ne sont pas les morceaux les plus convaincants, juste des soubresauts d’un passé que le groupe voudrait mettre entre parenthèses. Le coeur et l’âme de ce "Yoko" tiennent dans cette poignée de ballades et morceaux mid-tempo où se joue le présent du groupe : "Hovering" fait de l’ombre à Grandaddy, le sublime "Fooled with the Wrong Guy" est digne du tout meilleur Sparklehorse, "Don’t Forget to Breathe" évoque brillamment le Lennon des deux premiers albums solo. Et si on ne peut pas encore tout à fait les comparer aux Flaming lips ou à Wilco (pas la démesure orchestrale des premiers, pas le songwriting écorché des seconds), leur nouvelle ambition les rapproche à grands pas de prochains sommets. Pour l’heure, Beulah aurait tort de se plaindre d’ajouter son nom à la liste de ceux qui ont réalisé des albums de divorce lumineux malgré la lourdeur de leur charge émotionnelle initiale (du "Blood on the tracks" de Dylan au "Sea change" de Beck en passant par le "Tunnel of love" de Springsteen ou le "Rumours" de Fleetwood Mac). Yoko, ou l’onomatopée pop pour dire que la fuite des égéries peut conduire à des moments musicaux de génie.

Laurent

A Man Like Me
Landslide Baby
You’re Only King Once
My Side of the City
Hovering
Me and Jesus Don’t Talk Anymore
Fooled With the Wrong Guy
Your Mother Loves You Son
Don’t Forget to Breathe
Wipe Those Prints and Run

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